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La guerre en Ukraine. Regards depuis la frontière européenne

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Les journées d’études de l’EHESS sur « La guerre en Ukraine. Regards depuis la frontière européenne » ont lieu du 17 au 20 octobre 2022, à l’Amphithéâtre de l’Institut Protestant de Théologie, à Paris.

Le 24 février 2022 a marqué la fin d’une longue période de « paix » dans toute l’Europe. L’impact de la guerre n’a cependant pas été le même partout. Par leur proximité géographique et leur liens historiques avec la Russie et l’Ukraine, les pays de la Mittel ou de la Zwischen Europa, où le passé pèse si lourdement, se sont immédiatement trouvés placés en première ligne. Des millions de réfugiés ont été accueillis. Les sièges de Kharkiv, Kherson et Marioupol, ainsi que le massacre de Boutcha, résonnent avec un passé douloureux plus ou moins récent, fait d’invasions, de déplacements forcés de populations, d’urbicides, de meurtres de masse. C’est ici que les frontières de l’Europe sont en jeu.

Événement organisé par l’EHESS, en partenariat avec l’Université de Bucarest, l’Université de Varsovie, l’Umifre – Céfrès à Prague et l’Université Eötvös Loránd de Budapest.

Événement accueilli au sein de l’Institut Protestant de Théologie, sur proposition du Fonds Ricœur.

PROGRAMME

Lundi 17 octobre 2022
14h – Mot d’ouverture : Christophe Prochasson, président de l’EHESS
14h15 – Conférence inaugurale : Rose-Marie Lagrave (EHESS - Iris) : "Revisiter à l’épreuve de la conjoncture actuelle l’engagement de l’EHESS à l’égard de l’Europe Centrale après 1989"
14h30 – Conférence inaugurale de Olesya Khromeychuk (Ukrainian Institute) : "Discovering Ukraine and Reimagining Europe in the context of Russia’s War in Ukraine"
15h15 – Table ronde : Migrations
L’arrivée massive des réfugiés ukrainiens a fait reculer en quelques jours les politiques « anti-migrants » qui ont formé un axe fort de définition du « groupe de Visegrad », depuis la « crise migratoire » de 2014. Elle a également mis en lumière l’existence d’infrastructures et d’associations pour l’accueil des migrants en Europe de l’Est, qui remontent à la chute du mur de Berlin. Ces pratiques interrogent les imaginaires de la solidarité mobilisés par des acteurs très divers, et les refus persistants d’institutionnaliser l’accueil au niveau étatique. Comment les réfugiés comprennent-ils leur expérience de l’exil ? Comment les sociétés est-européennes perçoivent-elles leur accueil ? Comment enfin la guerre trace-t-elle une division de genre au sein de la population entre ceux qui se battent et celles qui s’exilent ou s’exposent alors à la violence des soldats russes ?

Modératrice : Catherine Gousseff

Intervenants : Yuliya Abibok (Université de Kiev), Tomas Balkelis (Université de Vilnius) et Michal Frankl (Masaryk Institute and Archives of the Czech Academy of Sciences)

Mardi 18 octobre 2022
9h30 – Table ronde : Minorités
La guerre en Ukraine soulève dans les pays d’Europe centrale des questions sur l’existence et le devenir de minorités (ethnico-culturelles). Il s’agit parfois de minorités nationales transfrontalières, nées des découpages territoriaux entérinés à l’issue des deux guerres mondiales, comme les minorités magyarophones et roumanophones en Ukraine et en Moldavie. La « défense » de ces minorités s’articule tantôt à des formes de solidarité transfrontalières, tantôt à des revendications irrédentistes. D’autres minorités transnationales (c’est le cas des Juifs et des « Roms »), qui ont eu un rôle structurant au sein de ces sociétés, posent la question du statut de « minorité », auquel elles n’ont longtemps pu accéder. Enfin, l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens en Pologne conduit à la reconstitution d’une minorité ukrainienne, remettant en cause les politiques d’homogénéisation du pays, après 1944. Quels enjeux, débattus ou tus, ce nouveau fait minoritaire produit par la guerre et ses violences, soulève-t-il ? Comment entre-t-il en résonnance ou non, avec les conflits nationaux du passé et les violences qui les ont marqués dans ces territoires frontaliers ?

Modératrices : Masha Cerovic et Morgane Labbé

Intervenants : Radu Carp (Université de Bucarest), Ezster György (Université Eötvös Loránd de Budapest), Olena Palko (Université de Bâle) et Svetluša Surová (Bratislava Policy Institute)

14h – Table ronde : Les grands événements du XXe siècle, à la lumière de l’invasion de l’Ukraine
L’invasion russe de l’Ukraine a immédiatement suscité de nombreuses analogies historiques dans le monde entier, qui varient en fonction des contextes nationaux et sociaux (académique, journalistique, politique ou populaire). Les usages du passé sont particulièrement intrigants dans les pays qui ont été eux-mêmes victimes des invasions soviétiques. Alors que l’explication russe officielle des événements emploie la référence à la Deuxième Guerre mondiale et à la libération du nazisme, les pays d’Europe centrale et orientale évoquent des exemples de l’agression russe : la guerre d’hiver entre la Finlande et l’Union soviétique, l’invasion de la Hongrie en 1956 et de la Tchécoslovaquie en 1968, ainsi que la haute tension des années de la chute du rideau de fer en 1989-1990. Cependant, la situation n’est pas si simple, si l’on place la tragédie actuelle dans la matrice des (quatre) contextes sociaux et des différents pays qui entourent l’Ukraine. Comment analyser les interprétations de la guerre ? Les références et les analogies historiques révèlent des positions, motivations et exigences politiques ?

Modérateur : Alain Blum

Intervenants : Gabor Czoch (Université Eötvös Loránd de Budapest), Ota Konrad (Charles University, Prague) et Florin Turcanu (Université de Bucarest)

Mercredi 19 octobre 2022
10h – Table ronde : Espaces urbains mémoriels et monumentaux contestés
En 2014, à la suite de la révolution du Maïdan, le gouvernement ukrainien a décidé de retirer les monuments datant de l’Union soviétique. Les slogans communistes ont été interdits en vertu des lois de « décommunisation » adoptées par le parlement. Huit années plus tard, dans leur projet de re-soviétisation systématique des territoires, les troupes d’occupation russes ont réinstallé la statue de Lénine dans la ville d’Henitchesk. Bien que la brutalité, la rapidité et le contenu idéologique de la prise de contrôle russe des espaces urbains soient uniques, l’idée et la pratique de la reconstruction et de la réinstallation des monuments perdus semblent être dans l’air du temps dans cette partie de l’Europe. Comment appréhender les enjeux ethniques et idéologiques complexes de la guerre actuelle à travers les espaces mémoriels urbains contestés ? Qui sont les principaux agents de re-manipulation de la mémoire urbaine et quelle est la réception publique de leurs actions ? Quelles sont les caractéristiques spécifiques des cas ukrainiens et comment s’alignent-ils sur des mouvements similaires en Europe de l’Est ?

Modératrice : Marie-Vic Ozouf Marignier

Intervenants : Błazej Brzostek (Université de Varsovie), Iryna Sklokina (Centre d’histoire urbaine, Lviv, Ukraine) et Gabor Sonkoly (Université Eötvös Loránd de Budapest.

14h – Table ronde : La guerre, les scènes politiques centre-européennes et l’Union européenne
Hier brocardée pour son instabilité politique, les remises en cause, ici ou là, de l’État de droit ou l’euroscepticisme de certains de ses dirigeants, l’Europe centrale semble renouer avec le récit européen des années 1990 : qui aurait cru, il y a encore quelques mois, que la demande d’une adhésion accélérée de l’Ukraine à l’Union européenne provienne du cœur de l’Europe centrale ? S’il n’est pas sûr, cependant, que cet enthousiasme de circonstance soit autre chose qu’un vœu pieux ou un coup politique habile dans un contexte où toutes les aventures semblent possibles, ce phénomène doit être interrogé. Qu’est-ce que la guerre fait à la vie politique centre et est-européenne et qu’est-ce que les acteurs politiques de ces pays font de la guerre ? Au-delà de la question humanitaire face à un exode massif et spectaculaire ou du soutien militaire prodigué aux agressés, quelles sont les répercussions du conflit sur les scènes politiques intérieures des pays de l’Europe médiane ? Un point d’attention sera porté sur les évolutions des politiques gouvernementales de la Pologne et de la Hongrie, dont on peut penser que le contexte ouvert par la guerre en Ukraine apporte un surcroît de légitimité au raidissement autoritaire qu’impliquent leurs révolutions conservatrices. D’autre part, qu’en-est-il des effets de la guerre sur la politique extérieure, en particulier dans les relations avec l’Union européenne et l’Otan ?

Modérateur : Jérôme Heurtaux

Intervenants : Cristian Preda (Université de Bucarest), Michał Kozlowski (Université de Varsovie), Daniel Veress (Université de Budapest)

Jeudi 20 octobre 2022
9h30 – Table ronde : La recherche face à la guerre. Soutenir les solidarités académiques à l’échelle européenne
Le Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen Cercec (EHESS / CNRS) organise une table ronde « La recherche face à la guerre. Soutenir les solidarités académiques à l’échelle européenne », le jeudi 20 octobre, de 9h30 à 13h. Elle réunira des chercheurs confrontés au danger et à l’exil depuis le début de la guerre en Ukraine, des représentants des institutions académiques chargées de leur accueil et des collègues impliqués dans la réflexion sur les coopérations scientifiques en Europe orientale. La rencontre permettra d’abord de faire le bilan des difficultés humaines, matérielles et scientifiques nées de la guerre en Ukraine et de présenter les dispositifs d’aide et d’accueil des chercheurs en danger et en exil. Elle permettra ensuite de réfléchir collectivement aux réponses durables à ces défis au niveau européen pour préparer l’avenir des recherches en Europe orientale à court et à plus long terme.

Cette rencontre est organisée par le CERCEC avec le soutien de l’INSHS – CNRS.

Lieu différent : salle du conseil de l’EHESS, 54 Boulevard Raspail 75006 Paris