La Slovénie veut-elle la « dissolution pacifique » de la Bosnie-Herzégovine ?

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Depuis lundi matin, la polémique enflamme les médias et les réseaux bosniens, alimentée par les propos du président slovène Borut Pahor lors de sa visite officielle à Sarajevo le 5 mars. Ljubljana tente de désamorcer la bombe alors que les rumeurs persistent sur la volonté du Premier ministre Janez Janša de « redessiner les frontières de l’ancienne Yougoslavie ».

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Par la rédaction

Photo officielle de la visite de Borut Pahor à Sarajevo, le 5 mars 2021
© Présidence de Bosnie-Herzégovine

Cet article est publié avec le soutien de la Fondation Heinrich Böll (Paris)


Mise à jour - 15 avril, 18h : Le site d’informations Klix.ba a révélé jeudi 15 avril l’existence de trois non papers portant sur des changement de la Constitution bosnienne et la division territoriale de la Bosnie-Herzégovine, et qui pourraient avoir des conséquences en Macédoine du Nord et au Kosovo.

Le premier de ces documents émane de la Croatie, où Zagreb plaide en faveur de changements de la législation électorale bosnienne permettant l’élection d’un « représentant légitime des Croates en Bosnie-Herzégovine » afin, selon le ministre croate des Affaires étrangères, Gordan Grlić-Radman, de respecter l’égalité des trois peuples constitutifs : les Bosniaques, les Serbes et les Croates. « Il ne s’agit pas d’une ingérence dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine, mais au sein de l’UE, nous discutons d’un pays qui souhaite devenir membre de l’UE », a-t-il déclaré. Selon les analystes, un tel amendement à la loi électorale entraverait la mise en œuvre des accords de paix de Dayton, certains y voyant l’introduction à la création d’une troisième entité, croate, en Bosnie-Herzégovine.

Le deuxième document émanerait du Premier ministre slovène Janez Janša, tandis que le troisième du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, tous deux proches de l’homme fort de Banja Luka, Milorad Dodik, actuellement président de la présidence de la Bosnie-Herzégovine et qui prône une « rupture pacifique ».


(Avec BIRN) - « Le Président [Borut] Pahor souhaite que la Bosnie-Herzégovine fasse partie de l’Union européenne dès que possible. Il souligne constamment l’importance d’une approche géopolitique de l’élargissement de l’Union européenne, qui inclurait également la Bosnie », a fait savoir le bureau du président slovène, sollicité par BIRN.

La polémique enflait depuis le début de la matinée et la publication d’une dépêche de l’agence Fena révélant que Borut Pahor aurait demandé aux membres de la présidence tripartite si une « dissolution pacifique » de la Bosnie-Herzégovine était envisageable. C’est le membre croate de la présidence, Željko Komšić, qui a rapporté ces propos, tenus selon lui lors de la visite officielle du président slovène à Sarajevo, le 5 mars dernier. Toujours selon Željko Komšić, Borut Pahor aurait précisé que les discours sur la nécessité de « terminer » la dissolution de la Yougoslavie étaient de plus en plus souvent entendus au sein de l’Union européenne.

Selon son cabinet, le président slovène pense exactement le contraire et « met régulièrement en garde contre les projets de division de la Bosnie-Herzégovine et de redécoupage des frontières dans les Balkans occidentaux ». « Dans ce contexte, il a interrogé ses interlocuteurs, les trois membres de la présidence de Bosnie-Herzégovine, à ce sujet. »

« Redessiner les frontières de l’ancienne Yougoslavie »

On a aussi appris que le Premier ministre slovène, l’ultraconservateur Janez Janša, avait remis un non paper au président du Conseil européen, Charles Michel, début 2021. Ce proche de Viktor Orbán y évoquerait les priorités de la prochaine présidence slovène de l’Union européenne, du 1er juillet au 31 décembre 2021, dont l’une serait de « redessiner les frontières de l’ancienne Yougoslavie ».

Sur Twitter, Janez Janša a répliqué avoir vu Charles Michel « l’année dernière » et qu’il était « difficile de lui remettre quoi que ce soit physiquement en février ou mars de cette année ». Le chef de l’exécutif slovène a en outre assuré que Ljubljana cherchait des solutions sérieuses pour « le développement de la région et la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux », et que de telles allégations tendaient à « empêcher cet objectif ».

L’ambassadrice de Slovénie à Sarajevo, Zorica Bukinac, a aussi rencontré Željko Komšić pour l’assurer que Ljubljana n’avait pas changé de politique vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine et soutenait toujours son processus d’adhésion à l’Union européenne. Le pays a déposé sa candidature en février 2016, mais ce statut de candidat n’a jamais été validé par la Commission européenne. Notamment à cause des profondes divisions politiques et communautaires considérées par Bruxelles comme des obstacles majeurs.