Par Nicolas Trifon
« Le pays sicule existait déjà quand la Roumanie moderne n’existait pas. Il existera encore quand la Roumanie moderne n’existera plus et quand toute l’Europe se sera rendue à l’islam ! » Ces propos ont été lancés le 28 juillet par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán en visite à Băile Tuşnad, Tusnádfürdő en hongrois, une petite ville située dans le centre de la Roumanie, au cœur du pays sicule.
Accoutumés depuis plusieurs années à ce genre de provocations venues de Budapest, les Roumains ne semblent pas avoir été particulièrement impressionnés, les médias et quelques responsables politiques se sont contentés de manifester leur indignation. Horaţiu Pepine, éditorialiste très à droite de la Deutsche Welle a été l’une des rares voix discordantes. Titrée « Roumanie-Hongrie, un voisinage idéologiquement brouillé », son analyse, reprise par le grand quotidien Adevărul, plaide pour une réconciliation entre les deux pays au nom de« valeurs communes » et « d’intérêts convergents ».
L’idée que les dirigeants de Budapest viendraient à l’université d’été organisée à Băile Tuşnad pour humilier les Roumains serait totalement erronée, affirme Horaţiu Pepine en s’en prenant au chef du Parti national libéral (PNL) et à sa « mise au point patriotique », et qui aurait mieux fait, selon lui, de prêter attention aux propositions de Viktor Orbán. En effet, l’homme fort de Budapest a lancé toute une série de projets pour le développement de la région du bassin carpatique et pour renforcer la coopération entre les pays voisins : des autoroutes et des lignes à grande vitesse pour relier Debrecen à Oradea, Budapest à Cluj, Nyíregyháza à Satu Mare ou encore Miskolc à Košice (en Slovaquie) et Pécs à Osijek (Croatie).
Cela va dans l’intérêt de la Roumanie, qui a d’ailleurs des atouts à jouer sur le plan énergétique, grâce à l’exploitation du gaz de la mer Noire. « La Roumanie ne vit pas dans la proximité de la France ou de l’Allemagne, mais de la Hongrie, de la Serbie, de la Slovaquie, et ce n’est que par le développement de cet espace centre-européen qu’elle se raccordera à la civilisation européenne », estime Horaţiu Pepine.
« Le programme de Viktor Orbán n’est guère étranger aux aspirations de la majorité des Roumains quel que soit le parti pour lequel ils votent. Voici les deux premiers points de son programme européen : 1. Chaque pays a le droit de protéger sa culture chrétienne et de rejeter l’idéologie du multiculturalisme ; 2. Chaque pays a le droit de protéger le modèle de la famille traditionnelle et d’affirmer que chaque enfant a besoin d’une mère et d’un papa. Or l’opinion majoritaire en Roumanie va exactement dans cette direction », assène Horaţiu Pepine. Reste à savoir qui des sociaux-démocrates de Liviu Dragnea, restés très discrets dans cette affaire, ou du Parti national-libéral, osera reprendre à son compte ces idées qui ne manqueront pas de susciter une vive résistance au nom des intérêts nationaux roumains.