Blog • L’accord franco-allemand et le plan de mise en œuvre : Vers une reconnaissance de fait du Kosovo

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L’initiative franco-allemande, telle qu’acceptée par les facilitateurs de l’UE, fournit les éléments d’une acceptation de fait du Kosovo en tant qu’État souverain au sein de la communauté internationale.

Le plan, intitulé “Accord sur la voie de la normalisation entre le Kosovo et la Serbie”, envisage le parcours à suivre pour une normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie.

Baptisée “Plan européen”, il est réaliste qu’une grande partie de la pression soit venue de Washington à la suite de la guerre brutale en Ukraine et des tentatives de Moscou de déstabiliser les Balkans, tout en exerçant une influence considérable sur son frère Belgrade.

Le texte rappelle que l’inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale et la protection des minorités sont les conditions fondamentales de la paix.

Il stipule que les parties reconnaîtront mutuellement leurs documents et symboles nationaux respectifs, y compris les passeports, diplômes, plaques d’immatriculation et timbres douaniers.

En outre, il fait référence au respect de l’indépendance, de l’autonomie et de l’intégrité territoriale, au droit à l’autodétermination, à la protection des droits de l’homme et à la non-discrimination. De plus, la Serbie ne s’opposera pas à l’adhésion du Kosovo à aucune organisation internationale. En outre, les parties ne bloqueront pas les progrès de l’autre dans leurs voies respectives vers l’UE en fonction de leurs propres mérites.

Pristina et Belgrade s’engageront à assurer un niveau d’autogestion approprié, très vaguement formulé et donc dangereux, pour la communauté serbe au Kosovo. En outre, ils échangeront des missions permanentes et non des ambassades.

Les conditions actuelles, malgré les difficultés, sont en faveur du Kosovo et d’une normalisation des relations avec Belgrade. Cette-ci c’est une priorité pour Bruxelles et surtout pour Washington. En effet, les Balkans occidentaux restent une très haute priorité pour les États-Unis, qui soutiennent pleinement politiquement, financièrement et par le biais du renforcement des capacités, le dialogue facilité par l’Ue entre la Serbie et le Kosovo.

Gabriel Escobar, secrétaire d’État adjoint aux affaires européennes, a précisé le 28 février, à la suite de la réunion de haut niveau à Bruxelles, que la proposition de l’Ue ne porte pas sur la reconnaissance mutuelle, mais sur la normalisation.

En outre, il a déclaré que pour que la région soit en bonne santé, tous les pays doivent se reconnaître et entretenir des relations pleinement positives entre eux. En dépit de la longueur du processus, le potentiel de normalisation est réel.

Il y a eu dans le passé un cas réussi de reconnaissance de fait ; celui entre l’ouest et l’est de l’Allemagne. Au moment de la détente dans les années 70 du siècle dernier, les deux Allemagnes ne se connaissaient pas.

Concrètement, ils ne pouvaient pas devenir membres de l’ONU, ce qui provoquait inévitablement d’autres problèmes dans la gestion des relations internationales des deux parties. Pour résoudre cette difficulté commune, ils ont conclu, en 1972, l’accord de base.

Cela a reconnu qu’il y aura des différences dans l’interprétation de leurs statuts juridiques. Pourtant, ils ont convenu qu’un État ne peut pas exercer sa juridiction par rapport au territoire d’un autre ou représenter ce qui se passe sur le territoire d’un autre État au niveau international.

Ils ont également convenu d’échanger des missions diplomatiques, bien qu’ils ne les aient pas appelées ambassades, mais plutôt des missions permanentes. Et il était clair que les deux, ensemble, seraient acceptés à l’ONU et dans d’autres organisations internationales.

Au fil du temps, la reconnaissance entre l’Est et l’Ouest de l’Allemagne s’est concrétisée. Pourquoi ça ne se passerait pas entre le Kosovo et la Serbie ? Cela peut être long, comme c’est souvent le cas. Mais il y a place à l’espoir.

Quatre jours avant la réunion de haut niveau à Bruxelles réunissant le 27 février, Vučić, Kurti, Borell et Lajčák sous un même toit, l’Allemagne, la France et l’Italie ont envoyé une lettre conjointe au premier ministre du Kosovo. Cette-ci indiquait l’urgence d’établir la voie à suivre pour la conclusion de l’accord afin de garantir sa mise en oeuvre, y compris les obligations de 2013 et 2015 auxquelles Pristina et Belgrade se sont engagés dans le cadre du dialogue facilité par l’Ue (par exemple, l’Association/Communauté des municipalités à majorité serbe).

Entre-temps, le progrès vers l’établissement de l’Association des municipalités à majorité serbe (ASM) reste essentiel pour construire l’avenir du Kosovo en tant que pays souverain, multiethnique et indépendant intégré dans les structures euroatlantiques, selon Washington.

Enfin, les quatre dirigeants se sont rencontrés à Bruxelles le 27 février. Borell a défini la réunion comme un développement important et significatif. L’essentiel était de véhiculer la proposition européenne d’un accord de base soutenue par Paris, Berlin, Rome et Washington.

Vučić et Kurti devaient approuver la proposition de l’UE, ce qui signifiait, pour les responsables bruxellois, une reconnaissance de fait. En pratique, cependant, le président serbe a refusé de signer le plan.

Concrètement, le Kosovo n’a pas accepté le traitement prioritaire pour la création de l’Association des municipalités à majorité serbe (ASM), et la Serbie a refusé de signer.

Les deux parties se sont rencontrée à Ohrid, en Macédoine du Nord, le 18 mars dernier pour discuter de l’annexe de mise en oeuvre du plan européen sur la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Encore une fois le Kosovo a signé l’annexe, la Serbie a refusé. Toutefois, les parties notent que l’accord et l’annexe de mise en oeuvre feront partie intégrante des processus d’adhésion respectives à l’Ue du Kosovo et de la Serbie. À son tour, le Kosovo lance immédiatement des négociations dans le cadre du dialogue facilité par l’Ue sur l’établissement d’arrangements et de garanties spécifiques pour assurer un niveau approprié d’autogestion pour la communauté serbe au Kosovo.

En outre, les parties conviennent de mettre en place un comité de suivi conjoint, présidé par l’Ue, dans un délai de 30 jours. La mise en oeuvre de toutes les dispositions est assurée et supervisée par le Comité de Suivi Conjoint.

Enfin et surtout, le Kosovo et la Serbie reconnaissent que tout manquement à leurs obligations découlant de l’accord, de la présente annexe ou des accords de dialogue antérieur peut avoir des conséquences négatives directes sur leurs processus d’adhésions respectives à l’Ue et sur l’aide financière qu’ils reçoivent de Bruxelles.

La voie à suivre est sans doute cahoteuse. Néanmoins, il y a de bonnes chances qu’une normalisation des relations entre Pristina et Belgrade ait lieu. De plus, il est incontestable que le Kosovo progresse continuellement, au sein de la région, en matière de droits de l’homme, de liberté de la presse et d’efforts pour éradiquer les effets suffocants de la corruption. En outre, le récent rapport de Freedom House a enregistré une amélioration de 4 points (60/100 contre 56/100) pour les droits politiques et les libertés civiles par rapport à l’année précédente pour le Kosovo. Tous ces progrès font peur inévitablement à Belgrade. Au final, la Serbie sera contrainte de reconnaître le Kosovo, à moins qu’elle ne préfère s’isoler. Le plan et l’annexe servent à ouvrir l’itinéraire à suivre. Il n’y a aucune chance de revenir en arrière. Ce n’est qu’une question du temps.