Blog • L’Union européenne à l’heure du retour de la ligne de partage Est-Ouest

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« Ce que la crise des réfugiés a montré avec évidence, c’est que les Européens ne rêvent plus à quelconque utopie lointaine », constate Ivan Krastev avant de se pencher sur les réactions des « majorités anxieuses ». Les anciens pays communistes d’Europe centrale se retrouvent à l’avant-garde de la « contre-révolution migratoire » en cours. Pourquoi ? Une contribution à la journée organisée par Connexion Roumanie à Paris le 7 novembre.

« Que diable font ces Syriens chez nous, se disent excédés les Bulgares », nous racontait sur un ton amusé récemment une connaissance de retour à Paris après un court séjour dans son pays natal. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui rétorquer : « Mais que font ces millions de Bulgares et de Roumains ici en Occident ? » « Of, ici nous savons, il y a la démocratie, mais là, c’est autre chose », me fit remarquer un tantinet gênée mon interlocutrice, elle-même installée à Paris après la chute du communisme, mais éprouvant, visiblement, une certaine empathie avec l’attitude de ses anciens compatriotes puisqu’elle ajouta : « Depuis qu’ils en ont tué deux, ils ne viennent plus, paraît-il ».

Certes, on peut toujours ergoter et faire remarquer que, autrefois, lorsque l’on se rendait à Vienne ou à Paris on disait en bulgare comme en grec que l’on va en Europe. Mais les réactions en Europe centrale, dans des pays comme la Pologne et la Hongrie, longtemps considérés comme des exemples en matière de transition démocratique, étaient encore plus virulentes. Comment se fait-il que cette arrivée massive de migrants et/ou de réfugiés en provenance du Proche–Orient et de l’Afrique ait déclenché des réactions de rejet aussi disproportionnées à l’est par rapport à ce qui s’est passé à l’ouest du Vieux Continent ? Plus précisément, dans les anciens pays communistes, puisque la situation en Grèce s’apparente davantage à celle qui prévaut en Italie, l’autre pays situé en première ligne. Avant l’implosion des régimes communistes, combien parmi les ressortissants est-européens qui demandaient l’asile politique à l’Ouest remplissaient-ils vraiment les critères requis ? Depuis la généralisation de la télévision, les gens ont tendance à comparer leur situation non pas avec celle de leurs voisins mais avec celle des habitants des pays prospères, avance-t-on souvent pour expliquer l’ampleur actuelle des mouvements migratoires. N’était-ce pas le cas aussi des ressortissants de l’est avant et après l’entrée de leur pays dans l’Union européenne ? Tiraillé par ces questions, j’ai fini par mettre ces réactions à l’Est sur le compte du racisme de mes anciens concitoyens. Mais, dans ce domaine, mes nouveaux concitoyens ne sont guère mieux placés que les anciens.
Aussi le petit livre de Ivan Krastev, Bulgare lui aussi comme mon interlocutrice citée plus haut, paru il y a quelques mois est-il tombé à point nommé entre mes mains [1]. L’avantage du tour de la question proposé est de s’attaquer à des questions souvent évitées.

La crise migratoire

Oui, nous dit-il en substance, la globalisation a entraîné une crise migratoire sans précédent dont le pic a été en 2015 et les dirigeants des démocraties occidentales ont tort de ne pas prendre les mesures qui s’imposent. Cette crise a changé la nature de la politique démocratique au niveau national et risque de conduire à la désagrégation de l’Union européenne, annonce-t-il d’emblée. Nous assistons en Europe à « une rébellion de l’électorat contre les élites méritocratiques (qu’incarnent les hauts fonctionnaires de Bruxelles, des gens compétents et travaillant dur mais qui ont néanmoins perdu tout contact avec les sociétés qu’ils sont censés représenter et servir) ». Les « gens du quelque part », aux identités attribuées, cherchent à prendre leur revanche sur les praticiens et les adeptes de la globalisation, les « gens du n’importe où » (48-49).
« Ce que la crise des réfugiés a montré avec évidence, c’est que les Européens ne rêvent plus à quelconque utopie lointaine. Ils ont bien cessé d’aspirer au pays parfait. Le nouveau rêve que caressent nombre d’entre eux pourrait être appelé Nativia – une île lointaine vers laquelle seraient envoyés en toute bonne conscience les étrangers indésirables (23).

A plusieurs reprises, l’auteur rappelle l’existence de solutions envisageables sans cependant entrer dans les détails. La convention relative au statut des réfugiés a été rédigée en 1951, en fonction surtout des réfugiés fuyant les pays devenus communistes après la guerre en Europe, rappelle-t-il. « Sur le plan juridique comme sur le plan pratique, il y a grand sens à instaurer une distinction précise entre réfugiés et migrants » (39). Les dirigeants européens pourraient accéder à certaines « demandes de frontières extérieures mieux protégées » (149).

Révolution et contre-révolution migratoire

Pour ce qui est des migrants et/ou des réfugiés, les deux termes sont utilisés alternativement, l’auteur tente de reconstituer leur démarche actuelle, donc au lendemain de l’échec des printemps arabes dont il n’est cependant pas question dans le livre, dans sa cohérence, en cherchant à se mettre dans leur peau. « Pour tant de damnés de la Terre poser le pied en Europe est une simple nécessité. » (24) Dans leur cas, aujourd’hui, « l’idée de changement est synonyme de changement de pays, de départ, et non pas de gouvernement. » (45) Dans un sens, on aurait affaire à « un second round de la décolonisation » (39), fait-il remarquer, pour citer par ailleurs une remarque faite par Raymond Aron il y a cinquante ans : « dans l’humanité en voie d’unification, l’inégalité entre les peuples prend le sens qu’avait jadis l’inégalité entre les classes » (45).

Il y a donc bel et bien « révolution migratoire » insiste l’auteur qui s’empresse cependant de préciser, que, comme toute révolution, « elle recèle en elle sa contre-révolution potentielle » (24). Les dégâts de cette contre-révolution sont redoutables et semblent poser autant sinon plus de problèmes que la « révolution ». Pour les « majorités anxieuses » la crise actuelle est « le fruit nocif d’une conspiration menée de concert par des élites à la mentalité cosmopolite et par des immigrés à la mentalité tribale » (24). Des « idées libérales fondées sur le principe de tolérance, réduites à bon compte à du ‘’politiquement correct’’, ont fini par être jugées hostiles au peuple » (33), constate-t-il. « L’Europe ne se comporte plus comme un modèle du monde à venir. L’Union européenne est désormais prônée, du moins par bon nombre de ses partisans, comme le dernier espoir d’un continent devenu forteresse » (54).

Le retour de la ligne de partage Est-Ouest

Au centre de la démonstration de I. Krastev il y a « l’idée que les vagues migratoires ont provoqué un renationalisation de la politique et une résurrection concomitante de la ligne de partage Est-Ouest – pour autant que celle-ci ait vraiment disparu un jour » (62-63). « La crise migratoire a démontré avec éclat que l’Europe de l’Est envisage les valeurs cosmopolites qui sont au fondement de l’Union européenne comme une menace, alors que pour de très nombreux citoyens de l’Ouest, ce sont précisément ces valeurs cosmopolites qui constituent le cœur même de la nouvelle identité européenne. » (67) Enfin, se référant en particulier aux pays du groupe de Visegrad, il fait remarquer que :
« La crise migratoire a alimenté les peurs des sociétés est-européennes tout en faisant naître, à l’Ouest, une forte hostilité envers l’Europe de l’Est, du moins chez certaines couches des sociétés occidentales – des sociétés qui avaient toujours été favorables à l’intégration dans l’Union des anciens pays communistes » (147). Pour saisir le nouveau cours politique à l’Est, il suffit de se reporter aux arguments du principal promoteur de la croisade contre les réfugiés et de l’illibéralisme démocratique, Victor Orban, quand il déclare par exemple que : « C’est précisément parce qu’elle n’est pas libérale qu’elle peut être encore une démocratie. » (99). Les explications fournies par l’auteur valent diversement selon qu’il s’agit d’un pays ou d’un autre. La mémoire des épurations ethniques lors de la désagrégation des Empires continentaux et la perception d’un éventuel retour à la diversité ethnique et confessionnelle comme un retour aux temps troubles de l’entre-deux-guerres valent surtout pour un pays comme la Pologne, pays dont la population est à 98 % d’origine polonaise alors qu’avant la dernière guerre elle comptait un tiers d’Ukrainiens, d’Allemands et de Juifs (68). De même, plutôt que la Hongrie, c’est la Pologne et encore davantage la Bulgarie, la Roumanie et la Lituanie qui sont concernés par les ressentiments dus à la ruée vers l’ouest des jeunes et moins jeunes des campagnes à la recherche de travail.

Le volet politique : universalisme libéral vs esprit de clocher

Il est peu question des aspects socio-économiques dans cet ouvrage et jamais du néolibéralisme. « Le libre échange n’est pas nécessairement un jeu gagnant-gagnant » (149), fait remarquer son auteur à un moment donné, sans insister. Il met l’accent sur l’« universalisme libéral » ou encore sur le « libéralisme constitutionnel » (110), associés au « patriotisme constitutionnel » de Habermas, qu’il oppose à l’« esprit de clocher défensif » qui a le vent en poupe en Europe (82). Par ailleurs, il préfère s’en tenir aux constats, sans prendre position, lorsqu’il fait remarquer par exemple que :
« Ces dernières années, les Européens ont fini par comprendre que le modèle politique de l’Union, bien qu’admirable, est peu susceptible de s’universaliser et même d’être adopté pas ses voisins immédiats » (17).
Plutôt réservé sur les chances de survie de l’Union européenne dans sa forme actuelle, l’auteur fait état de son désaccord avec ceux qui voient dans les migrants « l’avant-garde virtuelle de cette gigantesque masse de laissés-pour-compte » (44). En revanche, il rappelle que « les nouveaux mouvements sociaux – qu’il s’agisse des Indignés, d’Occupy ou de l’un de ces nombreux groupes militants contre l’austérité en Europe – sont parvenus un temps à démontrer que les citoyens savaient et pouvaient résister » (114). Mais, dans le même temps, il déplore « la culture anti-institutionnelle des protestataires et le rejet de toute idéologie spécifique [qui] les ont condamnés à la non-pertinence » (114). Bien que discutable sur certains points, la critique de Syriza et de Podemos est assez subtile. Ces deux partis politiques qui ont émergé des mouvements anti-austérité ont peu à voir avec « les rêves d’horizontalité des protestataires » et doivent pour l’essentiel leur succès à la popularité de leurs leaders respectifs, Alexis Tsipras et Pablo Iglesias (115). Qui plus est, ces partis « relient fortement l’idée de démocratie à celle de souveraineté nationale » (116).

Le moment Macron

Plus surprenante est la note optimiste qui semble se dégager à la fin du livre à propos de la victoire de Macron à l’élection présidentielle en France. Tiendra-t-il son engagement pendant la période électorale de « changer radicalement la politique menée par Bruxelles ? » (145). Il était trop tôt pour répondre à cette question au moment de la rédaction du livre, et la prestation du président français sur l’Europe à la Sorbonne le 26 septembre ne contient pas d’indications suffisamment convaincantes là-dessus. Dans sa conclusion, I. Krastev semble renouer avec son scepticisme en attirant l’attention sur le fait que, s’il peut apporter une solution à la crise financière séparant l’Europe du Nord de l’Europe du Sud, le leadership franco-allemand risque d’« approfondir la ligne de partage, rouverte par la crise migratoire, séparant l’Europe de l’Ouest de l’Europe de l’Est » (147). « C’est l’esprit de compromis qui augmentera les chances de survie de l’Union européenne », écrit-il en appelant les dirigeants occidentaux à « prendre au sérieux les sensibilités des acteurs secondaires et même marginaux du drame européen » et à faire preuve de souplesse (149).

Les utopies restent à inventer

J’ai tenté de reconstituer ici aussi fidèlement que possible le raisonnement de I. Krastev. Mes propres remarques portent sur un aspect particulier, pointé à plusieurs reprises dans le livre, un aspect qui a été révélé par la crise migratoire sans avoir été pour autant provoqué par elle. Il s’agit du peu d’enthousiasme manifesté par ceux qui sont a priori acquis à la cause européenne pour parer au risque d’éclatement de l’Union. L’Europe, c’est-à-dire les Etats associés en fonction d’un certain nombre de valeurs et de repères, ne saurait être considérée comme un objectif en soi. Elle est avant tout un cadre permettant d’œuvrer pour atteindre des objectifs fixés au sein de la société en fonction des aspirations de cette dernière. Et force est de constater que, pas plus que le respect des droits de l’homme à lui seul, l’Europe ne fait pas rêver et ne saurait le faire. Les tentatives d’en faire des substituts des utopies nationales ou internationales comme le socialisme ont fait long feu, fait remarquer I. Krastev lui-même (50). « Les Européens ne rêvent plus à quelconque utopie lointaine » (23), poursuit-il : quand bien même ce constat sonne juste dans le contexte historique actuel, on ne saurait s’en tenir là. Les exceptions ne manquent pas, à l’Ouest surtout, mais aussi à l’Est. Certes c’est plutôt au sein des mouvements protestataires et civiques signalés plus haut que du côté des élites méritocratiques de Bruxelles ou des « gens du nulle part » aux situations confortables qu’il faut les chercher. Qu’on le veuille ou non, ce sont le désir de vivre ensemble autrement, la volonté de changer collectivement les choses ou encore la révolte contre les injustices qui peuvent déboucher sur des projets de société. Ceux-ci demeureront forcément utopiques jusqu’à ce qu’ils ne trouvent une forme de réalisation.
I. Krastev attire l’attention sur l’embarras dans lequel on se retrouve face aux situations telles que celle qu’il décrit ainsi : « Le citoyen qui descend manifester dans la rue veut un changement mais refuse toute forme de représentation politique. » (115)
Encore faut-il chercher la raison de ce refus. Sur ce point, l’histoire des anciens pays communistes fournit une explication. Indépendamment des bonnes et surtout des mauvaises choses qu’il a fait, les régimes communistes ont réussi une performance peut-être unique dans son genre. Ils ont réussi s’approprier l’arme de la critique et la retourner contre ceux qui entendaient dénoncer les mensonges desdits régimes, les contradictions sur lesquelles ils reposaient, les injustices qu’ils perpétraient. A force de s’emparer de l’utopie, de prétendre l’incarner, ils ont condamné toute possibilité pour leurs sujets d’avoir à leur tout recours à l’utopie. Le socialisme réel a fini par désarmer ceux-là même qui étaient potentiellement en mesure de porter un projet socialiste, d’où l’inflation de mots tels que libération, émancipation, internationalisme, socialisme… L’embarras devant lequel se sont retrouvés les Est-Européens lors de l’implosion des régimes communistes l’a prouvé à souhait : subitement, tout devenait possible pour eux et pourtant ils se sont révélés incapables d’entreprendre quoi que ce soit. Visiblement, la libération de la parole n’a pas suffi pour que les gens puissent enfin s’emparer de l’arme de la critique dont auparavant l’État parti détenait le monopole. I. Krastev suggère bien ce moment fort quand il écrit : « Nous fûmes littéralement submergés par la multiplicité des opportunités soudainement offertes et par un sentiment entièrement inédit de liberté personnelle » (21-22). Mon désaccord porte sur la leçon qu’il en tire, lorsqu’il estime que pour ceux qui ont vécu un tel bouleversement, un tel traumatisme, selon ses propres mots, il n’est pas difficile d’envisager un autre, à savoir la désagrégation de l’Union européenne. Est-ce un signe de sagesse ? Peut-être, mais l’essentiel est ailleurs, me semble-t-il : l’expérience lors de la chute du communisme et surtout au cours des années qui ont suivi, bientôt trois décennies, a été en grande partie négative, comme le prouvent les dégâts accumulés à l’Est lors de la course effrénée pour imiter avec les moyens du bord l’Ouest ou plutôt l’image que l’on s’en faisait. Cette expérience est pour beaucoup dans la régression à laquelle on assiste de nos jours en Europe où le repli sur soi fait si bon ménage avec un cynisme sans bornes [2]. L’illibéralisme démocratique plébiscité dans certains pays de l’Est, comme les pressions exercées par des formations politiques réactionnaires dans le plein sens du terme à l’Ouest en témoignent à souhait. Le projet socialiste, sous ses différentes formes, est la principale victime collatérale de cette régression. Pourtant, c’est sur lui que repose en grande partie l’avenir de l’Europe. Sous quelle forme ? En matière de « représentation politique » tout reste à inventer… Plus récemment, le libéralisme, dans l’acception courante anglo-saxonne du terme, a également fait les frais de ladite régression. Saura-t-il reprendre le contrôle d’une dynamique que ses adeptes semblaient naguère bien maîtriser ? Là non plus les observations de I. Krastev n’incitent pas à l’optimisme.

Post Scriptum
Les formations politiques qui se réclament du projet socialiste peuvent être tentées de recourir aux formes autoritaires et étatistes qui avaient perverti ce projet par le passé. Le contexte actuel favorise cette tendance pour deux raisons. Primo, avec le temps qui s’est écoulé depuis l’implosion du communisme d’Etat à l’Est, la mémoire de ses méfaits s’estompe inévitablement. Secondo, l’usage de cette mémoire par la droite classique et les adeptes du néolibéralisme pour imposer une politique qui a notamment débouché sur l’accroissement des inégalités rend de plus en plus difficile le rappel des méfaits du communisme d’Etat. On le voit à l’Ouest, au sein de certains courants de la contestation menée par les partis communistes, en perte de vitesse, et les mouvements plus offensifs dits populistes de gauche de type Podemos ou France insoumise. On le voit à l’Est aussi, où on s’aligne sur l’Ouest également dans ce domaine, avec une certaine contestation radicale très minoritaire, certes, mais avec laquelle il faut compter. Je pense par exemple à CrticAtac en Roumanie. Raison de plus pour rappeler la nécessité d’inventer pour ceux qui veulent mener à bien un projet socialiste.

Notes

[1Le Destin de l’Europe : une sensation de déjà vu/essai traduit de l’anglais par Frédéric Joly, éditions Premier parallèle, 2017. Le livre est paru la même année sous le titre After Europe aux éditions Penn press. Chroniqueur au New York Time et fondateur à Sofia, où il est né en 1965, du Center for liberal strategies, l’auteur, de formation philosophe, fait ici surtout œuvre d’analyste politique. Il réside à Vienne où il est membre du Bureau du Conseil européen des relations internationales. Les numéros de pages sont indiqués entre parenthèses.

[2L’âge de la régression est le titre d’un ouvrage collectif traduit de l’allemand, anglais et espagnol au début de cette année chez le même éditeur français, réunissant des contributions signées, entre autres, par Arjun Appadurai, Robert Misik, Sygmund Bauman, Slavoi Zizek et Ivan Krastev.