Blog • Exposition au Louvre : l’histoire d’un émerveillement, la France à la découverte de la Grèce

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Paris - Athènes. Naissance de la Grèce moderne 1675-1919. Du 30 septembre 2021 au 7 février 2022. Musée du Louvre.

© Facebook / Le Louvre

Le marquis de Nointel pose entouré de ses gens. Légèrement solennel. Il est vêtu d’un long caftan rouge et coiffé d’une perruque de son temps. On reconnaît tout de suite derrière lui Athènes, petite ville assoupie de l’Empire ottoman hérissée de minarets, avec l’Acropole où se dresse une mosquée. L’homme est en route pour la Sublime Porte comme ambassadeur de Louis XIV auprès du Sultan. Le tableau de grandes proportions date des années 1670. Il accueille le visiteur de l’exposition « Paris-Athènes - Naissance de la Grèce moderne », qui vient d’ouvrir ses portes au Louvre, magnifique illustration du début d’une fascination non seulement française mais occidentale pour une nation en devenir, la Grèce.

L’exposition coïncide avec le bicentenaire du début du soulèvement grec contre les Ottomans, le 25 mars 1821, et l’arrivée au Louvre le même mois, le 1er mars 1821, de la Vénus de Milo, découverte un an plus tôt.

Si les lettrés n’avaient jamais oublié l’apport inestimable de la culture grecque de l’Antiquité, relayée par les Latins, l’intérêt pour cette province ottomane que l’on désignait parfois au nord sous le nom de Roumélie fut longtemps limité. Quelques dictionnaires géographiques d’encyclopédistes du XVIIIe siècle faisaient par exemple allusion aux klephtes, ces brigands montagnards qui donnaient du fil à tordre aux occupants ottomans et dont la culture populaire s’est emparée par la suite.

L’Occident s’enthousiasme pour la Grèce au début du XIXe siècle avec la guerre d’indépendance. Les grandes puissances européennes prêtent main-forte aux insurgés et un puissant mouvement philhéllène se développe chez les artistes romantiques, subjugués par les exploits des patriotes grecs et la mort du poète anglais Lord Byron, en 1824, venu aider les assiégés de Missolonghi. David d’Angers signe une « Jeune Grecque au tombeau de Markos Botzaris » (1827) et Eugène Delacroix peint un tableau devenu célèbre, « La Grèce sur les ruines de Missolonghi » (1826). Deux oeuvres que l’on peut admirer à l’exposition.

« Paris - Athènes. Naissance de la Grèce moderne » est riche de découvertes. On y apprend comment il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour réaliser l’ampleur de la polychromie dans la Grèce antique, alors que nous sommes si habitués aujourd’hui à la blancheur immaculée des temples grecs. Il y a aussi les traditions populaires, la redécouverte du passé byzantin de la Péninsule au XIXe siècle, avec la présentation de magnifiques icônes, ou encore les mouvements pictoraux grecs, partagés entre l’Allemagne puis la France.

L’Ecole française d’Athènes

Mais il nous faut évoquer tout spécialement le formidable essor de l’archéologie scientifique au 19-ème siècle où les Français ont été particulièrement actifs, surtout après la création de l’Ecole française d’Athènes en 1846, le premier institut archéologique français à l’étranger. On y met au point de nouvelles techniques de fouilles, comme à Délos ou Delphes. La photographie fournit un apport précieux pour les relevés. Quelques pièces rappellent s’il en était besoin la richesse du sous-sol grec. Certaines d’entre elles sont très connues, d’autres beaucoup moins comme cette extraordinaire coupe attique des années - 480 avant J.C. représentant Apollon ; juste quelques lignes d’un dessin délicat et précis. Fabuleux !

Il faut enfin mentionner l’apport de tous ces savants français, peut-être oubliés ou méconnus, à la formation de la langue grecque moderne, comme Claude Fauriel (1772-1844), un précurseur de la défense de la langue populaire grecque ou démotique. L’imprimeur Firmin Didot (1764-1836) créa quant à lui les premiers caractères d’imprimerie grecs.

"Paris-Athènes", et ce n’est pas le moindre de ses intérêts, resitue enfin le contexte politique, diplomatique et artistique international dans lequel s’est affirmée l’identité nationale grecque tout au long du 19-ème siècle jusqu’à la Première guerre mondiale.