Paris (75004)

Exposition : Il était une fois la Yougoslavie !

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Jugoslavija ! Jugoslavija ! C’est avec ce mot scandé à chaque occasion festive que j’ai grandi dans un pays qui n’existe plus.

Et pourtant, il a bien existé, et pas qu’une fois. D’abord sous la forme d’un Royaume né le 1er décembre 1918. Celui-ci, on l’appelle communément la première Yougoslavie. La deuxième fois, sous la forme d’une République, fondée en 1943 et tragiquement dissoute en 1992. Et enfin, une troisième Yougoslavie que l’on disait tronquée, celle qui ne comportait plus que deux républiques sur les six qui la composaient auparavant et qui s’est, elle-même, éteinte en 2006. Il n’y a donc plus de Yougoslavie, un siècle après. Mais, il reste des gens qui y sont nés, qui y ont grandi et vécu une bonne partie de leur vie. Et je suis de ceux-là.

Je suis de ceux-là, et je suis photographe. Tout ce que j’ai photographié, je l’ai vécu. Je n’étais pas qu’un simple témoin des évènements qui se déroulaient sous mes yeux ; ces évènements étaient ma vie, comme celle de tant d’autres. J’ai vu la Yougoslavie à son apogée, avec ses pionniers prêtant serment à leur patrie, ses bustes de Tito et son drapeau flottant à toutes les occasions, sa jeunesse en fête dans les concerts et les compétitions sportives, avec sa traditionnelle parade en l’honneur de l’anniversaire de Tito, tous les 25 mai de l’année. J’ai vu aussi la Yougoslavie avec les yeux de ses prisonniers, dans les tribunes des stades de foot, là où la haine a fini par exploser pour la première fois dans les années 90. Qu’est-ce que j’ai vu d’autre ? J’ai vu monter une inquiétude générale, des gens dans la rue brandissant des photos de tel ou tel leader politique, criant à la paix dans un temps de guerre. J’ai vu le monde s’écrouler pour moi et pour d’autres comme moi. J’ai vu ce pays disparaître, à chaque civil tué, à chaque immeuble touché, à chaque larme versée.
Et puis, quoi ?
Que reste-t-il aujourd’hui de tout cela ?
Les bustes et les statues de Tito gardés hors de la vue, quelque part dans les caves d’un atelier de la province. Tous ces monuments de la Seconde Guerre Mondiale, les mêmes que nous visitions, enfants, avec tant de vénération et de fierté, aujourd’hui abandonnés et profanés.
Qu’est-ce qu’il reste ?
Des parcelles de territoire peuplées de semblables, non-différents, des mères qui continuent à pleurer leurs fils, de nouvelles générations pour lesquelles la Yougoslavie n’est plus qu’un pays qui n’est plus, celui de leurs parents, de leurs grands-parents.
Il reste, nous, moi, les photos…

Milomir Kovačević

Milomir Kovačevič commence son travail de photographe à l’âge de 17 ans au Club Universitaire de Photographie (CEDUS) à Sarajevo. Depuis le début de sa carrière, il se consacre principalement à saisir des images de la vie dans la rue et l’atmosphère des évènements culturels à Sarajevo. D’abord photographe de presse pour différentes revues locales, son travail ne sera jamais celui d’un journaliste à la recherche d’images sensationnelles et éphémères. Parmi les reportages qui ont fait sa notoriété se trouvent les photographies de la vie dans les prisons, de l’atmosphère de Medugorje, célèbre lieu de pèlerinage, des supporters du club de football de Sarajevo, de graffitis, de Tito dans les vitrines des boutiques pour le dernier jour de la République...

Au début des années 1990, il témoigne des profondes transformations qui sont en train de se produire dans la société yougoslave. De cette période naissent deux séries photographiques : les campagnes d’affichage des principaux partis politiques pour les premières élections démocratiques en Bosnie-Herzégovine, et également, tout ce qui touche à la vie politique de l’époque : assemblée générale des trois partis nationalistes, rencontres entre leurs leaders, réunions parlementaires, manifestations pour la paix... À partir de 1992, Milomir Kovačevič suit de près les évènements qui vont rendre la ville de Sarajevo tristement célèbre à travers le monde. Jour après jour il témoigne de ce qui se passe à l’intérieur de la ville assiégée. Il présente sa tragédie personnelle et celle des habitants de Sarajevo. Par ses images il essaie de résister à la destruction totale de la ville.

En 1995, il arrive à Paris. Il y poursuit son travail et participe à de nombreuses expositions. En 1998, il devient lauréat de la Fondation CCF (aujourd’hui HSBC) pour son sujet sur la vie dans les prisons yougoslaves. Il a obtenu de nombreux prix et a été fait Chevalier de l’Ordre du Mérite pour son travail et son engagement, par le Président Jacques Chirac en 2007. Il a reçu le Grand Prix de la ville de Sarajevo en 2016 pour son action culturelle.

Milomir Kovačević (photographe) Andrea Lesic et François Maspero (auteurs), Sarajevo, Paris, Centre National de la Photographie poche, 2012, 13 euros

  • Prix : 13,00 
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VERNISSAGE LE MARDI 23 JANVIER 2018 de 18H à 21H
Exposition du mercredi 24 janvier au samedi 24 février 2018

Galerie Fait & Cause, ouverte du mardi au samedi de 13H30 à 18H30
58 rue Quincampoix 75004 Paris Tél : 01 42 74 26 36