Europeans making a difference : six jeunes talents des Balkans à Paris

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Elles/ils sont artiste, journaliste, écrivain, créatrice de mode, réalisatrice ou sportive. Ils viennent de tous les pays des Balkans et partagent une vision européenne commune et une forte volonté de faire bouger les choses. Ils seront à Paris le 10 juin à l’invitation du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Portraits croisés.

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Benjamin Čengić, Marija Vuković, Dina Duma, Artes Ferruni, Nevena Ivanović, Arbër Selmani
EEAS, Aris Rammos, Lu Mes

Nevena Ivanović est passionnée par son travail. Dans son studio de création à Belgrade, elle ne compte pas les heures passées à la préparation d’une nouvelle création ou d’un nouveau design. À tout juste 30 ans, la jeune entrepreneuse et artiste s’est spécialisée dans la mode et la conception de costumes, un domaine dans lequel elle excelle depuis maintenant plus de dix ans. Elle est notamment à l’origine de la marque NEO Design, mélange de styles aux inspirations japonaises, africaines et balkaniques. Pour elle, la mode est une manière de chercher son identité. C’est cette quête de ce qu’elle appelle « son ADN » qui lui donne l’inspiration et lui a valu de nombreux prix, en Serbie comme à l’étranger.

Le 10 juin, Nevena Ivanović sera à Paris, non pour présenter une nouvelle collection mais pour participer à une rencontre organisée par le service européen pour l’action extérieure (SEAE) en compagnie de six jeunes talents au parcours bien rempli. La rencontre fait partie de la campagne « Europeans making a difference » dont l’organisation est gérée par la Task Force des Balkans occidentaux créée en 2017 pour promouvoir l’image et les échanges entre l’UE et la région.

« L’idée est née d’une volonté de parler des Balkans au-delà des préjugés et de toutes les questions politiques, qui sont très souvent l’unique prisme au travers duquel la région est évoquée  », souligne Sanja Marinković, en charge de la campagne, elle-même originaire des Balkans. Née à Paris, elle a vécu à plusieurs reprises dans la région. « Ce qui m’a le plus marqué, ce sont les habitants : leur générosité, leur optimisme, leur humour et leur détermination à faire évoluer les choses », remarque-t-elle. Pour changer cette image, la Task Force cherche à « montrer des visages et des voix issus de cette région » de celles et ceux qui contribuent à promouvoir des valeurs fortes.

2022 : Année européenne de la Jeunesse

Pour l’édition 2022, la mission s’est focalisée sur la jeunesse en réalisant une série de six vidéos de jeunes talents de Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Macédoine du Nord, Kosovo et Albanie. « 2022 est l’Année européenne de la Jeunesse », souligne Sanja Marinković. « Il était donc pour nous naturel de célébrer également les jeunes des Balkans car ils font partie de l’Europe », poursuit-elle, en allusion aux accords d’association et de stabilisation ainsi que des négociations d’adhésion. « Nous ne faisons pas (encore) partie de la même Union mais nous partageons le même continent, la même histoire, les mêmes valeurs et certainement un futur commun », veut croire Sanja Marinkovic.

Cette Europe, Artes Ferruni la vit au quotidien. « Dans mes vidéos et mes voyages, je m’en rends compte tous les jours : on partage plus de ressemblances que de différences », note la jeune réalisatrice d’une voix enjouée. À moins de trente ans, elle a réussi à transformer ses passions en métiers : elle a ouvert son studio de danse à 18 ans. Aujourd’hui, elle est storyteller, vlogueuse, influenceuse et enseignante. « Le storytelling peut changer le monde et n’a jamais été aussi accessible. Tout le monde peut raconter des histoires et les gens ont besoin d’en partager plus pour se rendre compte à quel point nos vies, nos problèmes et nos solutions se ressemblent. »

On oublie qu’en tant que citoyens, nous avons un pouvoir bien plus important qu’on ne le pense, si l’on agit ensemble.

Ses sujets de prédilection : l’environnement mais aussi « toutes les histoires de personnes qui agissent, portent des combats ou ont un parcours inspirant. » Elle a réalisé plusieurs vidéos pour dénoncer la mauvaise gestion environnementale de son pays, notamment les projets de construction de centrales hydroélectriques sur la Vjosa, le dernier fleuve sauvage d’Europe. « On oublie qu’en tant que citoyens, on a un pouvoir bien plus important qu’on ne le pense, si l’on agit ensemble. C’est ce que j’essaie de montrer, et notamment aux jeunes. »

Le 10 juin, ce ne sera pas la première fois qu’Artes Ferruni sera à Paris. L’occasion pour elle de partager sa vision de la jeunesse, de l’Europe et des Balkans occidentaux avec Nevena Ivanović et quatre autres citoyens de pays voisins : au Monténégro, la sportive Marija Vuković, athlète sacrée championne du monde junior en saut en hauteur en 2010, a récemment terminé 4e aux championnats du monde en salle 2022 à Belgrade. Au Kosovo, l’écrivain et journaliste Arbër Selmani, particulièrement engagé sur les questions des droits de l’homme, les droits LGBTQI+ et l’intégration des communautés roms, ashkalies et égyptiennes.

Présente également, la réalisatrice macédonienne Dina Duma, actuellement en résidence d’écriture à Paris pour concevoir son nouveau long-métrage. Son premier film, Sisterhood, dénonçait le cyberharcèlement chez les jeunes, à travers une histoire basée sur une histoire vraie que Dina a vécue en tant que témoin. « En tant que réalisatrice, j’ai senti le devoir de parler du slut-shaming (« chasse aux salopes »), un phénomène universel et bien plus répandu que ce que l’on pourrait penser. » Son film a jeté un pavé dans la mare en Macédoine du Nord. « Des médias en ont parlé, des voix se sont libérées. »

Pour faire passer ces messages, les participants utilisent l’art. Benjamin Čengić est street-artiste, réalisateur et co-fondateur de Manifesto, une galerie d’art qui vient juste d’ouvrir ses portes à Sarajevo : « Être un citoyen actif est parfois assez difficile, car il faut souvent se battre contre des moulins à vent », reconnaît-il, décidé à continuer et inciter d’autres jeunes à en faire autant : « Chaque fois qu’un mur se dresse sur notre chemin, nous le peindrons pour le franchir », dit-il en allusion aux fleurs en spirale qu’il peint sur les murs abîmés de la capitale de Bosnie-Herzégovine. « Car la vie est plus belle quand on la vit. »