« Et les Juifs bulgares furent sauvés... »

Exception en Europe, un État allié du Reich a refusé de déporter sa communauté juive. Cette image de la Bulgarie pendant la seconde guerre mondiale a prévalu jusque récemment, quitte à omettre que, dans les territoires de la Yougoslavie et de la Grèce occupés par ce pays entre 1941 et 1944, la quasi-totalité des Juifs ont été raflés, convoyés vers la Pologne et exterminés.

Au terme d’une vaste enquête documentaire et archivistique, Nadège Ragaru reconstitue l’origine de ce qui a longtemps été tenu pour un socle de faits vrais parce que largement crus. Elle explique pourquoi une seule facette d’un passé complexe et contradictoire a fait l’objet d’une transmission prioritaire ; comment les déportations, sans être oblitérées, sont devenues secondaires dans les discours publics, les musées, les livres d’histoire et les arts ; comment la mise en écriture des persécutions contre les Juifs en Bulgarie s’est retrouvée l’otage de la guerre froide puis des luttes politiques et mémorielles de l’après-communisme dans les Balkans et le reste du monde.

Profondément originale dans sa conception comme dans son écriture, cette enquête historique est une réflexion exemplaire sur les silences du passé.

Nadège Ragaru, historienne et politiste, est directrice de recherche à Sciences Po (CERI-CNRS) où elle enseigne depuis 2004. Ses recherches, centrées sur l’Europe du Sud-Est, se situent à la croisée entre histoire et historiographie de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, sociologie historique du communisme et histoire visuelle.

Nadège Ragaru, « Et les Juifs bulgares furent sauvés... », Une histoire des savoirs sur la Shoah en Bulgarie, Paris, Presses de Sciences Po, 2020, 381 pages, 29 euros.

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