Albanie : la pluralité des médias n’est qu’un « mythe »

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Concentration exceptionnellement élevée, autocensure, pressions politiques, faible régulation, etc. La longue enquête menée par BIRN et RSF dresse un bilan alarmant de la situation des médias en Albanie.

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Par Louis Seiller

Sur la pancarte : « Les journalistes ne sont pas des charlatans »
© Louis Seiller / CdB

Le pluralisme des médias en Albanie n’est qu’un mythe. C’est en substance la conclusion de trois mois d’enquête menée conjointement par BIRN Albania et Reporters sans frontières (RSF). Selon leur rapport, le marché des médias en Albanie se caractérise par une concentration exceptionnellement élevée : huit groupes de médias, tous formats confondus, se partagent 80% de l’audience totale. Pour la télévision, le média le plus influent en Albanie, les quatre plus grands groupes détiennent plus de la moitié de l’audience.

Le phénomène d’autocensure, très répandu chez les journalistes en Albanie, serait exacerbé par les intérêts économiques et politiques des propriétaires de médias. 80% des journalistes interrogés ont ainsi déclaré ne pas bénéficier d’une sécurité de l’emploi. Cette enquête épingle aussi l’Autorité des médias audiovisuels (AMA). Cet organisme de réglementation est décrit comme étant sous l’influence directe ou indirecte d’acteurs politiques et économiques.

BIRN et RSF pointent les pressions et les attaques dont font régulièrement l’objet les rares médias indépendants du pays, notamment de la part de personnalités politiques, à commencer par la stratégie de dénigrement adoptée par le Premier ministre. À l’automne dernier, lors de « l’affaire Tahiri », Edi Rama avait ainsi copieusement attaqué les journalistes, les qualifiant d’ignorants, de poison, de charlatans et même d’ennemis publics.

« Après plus de deux décennies de transition, le paysage médiatique albanais semble s’éloigner de l’indépendance, de la pluralité et de la durabilité », déplore Olaf Steenfadt, qui a supervisé cette enquête pour RSF. Il appelle les élites politiques à comprendre la valeur d’un secteur médiatique bien portant et à agir en conséquence, notamment dans la perspective d’intégration à l’UE.