La Roumanie entre dans une période électorale intense avec le premier tour de la présidentielle et un référendum local à Bucarest ce week-end, suivis des élections parlementaires et du second tour présidentiel. Les partis traditionnels, PNL et PSD, sont confrontés à la montée de nouveaux candidats, tandis qu’un désintérêt marqué pour la campagne et un manque de débat politique substantiel caractérisent l’ambiance électorale que j’observe depuis Bucarest.
Une importante compétition électorale s’annonce en Roumanie, elle commencera cette fin de semaine avec le premier tour de l’élection présidentielle et un référendum local pour Bucarest. La semaine suivante, soit le 1er décembre (Journée nationale), auront lieu les élections parlementaires (Sénat et Chambres des députés) et enfin le 8 décembre se tiendra le second tour de la présidentielle. Il faut enfin savoir que le Président en Roumanie, qui ne peut faire que deux mandats, a un rôle limité ; ses compétences touchent la politique extérieure et le domaine de la défense, mais elles sont partagées avec le gouvernement.
Cela faisait 20 ans que les élections présidentielles et parlementaires n’avaient pas été tenues sur la même année [1], mais le fait d’avoir des élections en « sandwich » n’est pas dû au hasard du calendrier. En effet, les deux partis régnant sur la vie politique se sont accordés pour faire coïncider les élections parlementaires entre les deux tours des présidentielles [2].
Ces deux partis sont le Parti National Libéral (PNL, un parti que l’on peut placer à droite sur l’échiquier politique [3]), qui compte le Président sortant Klauss Iohannis, issu de la minorité allemande qui ne peut se représenter après avoir fait deux mandats, et le Parti social-démocrate (PSD, un parti de gauche), qui lui occupe le poste de Premier ministre avec Marcel Ciolacu. Ce commun accord visait à effacer le débat des autres partis politiques pour les élections parlementaires en imposant le clivage PNL versus PSD, mais tout cela ne se déroule pas comme prévu.
Face au Premier Ministre, trois candidats pour l’affronter au second tour.
Si l’actuel Premier Ministre Marcel Ciolacu, candidat du PSD crédité autour des 25-30 % [4] dans les sondages, devrait se qualifier pour le second tour, le candidat du PNL se trouve en difficulté. Président du Sénat et ancien Premier ministre, le candidat Nicolae Ciucă (PNL) est crédité autour des 10-15 % dans les sondages, il ne possède pas la même popularité que l’actuel Président Klauss Iohannis (PNL) lors de son élection qui avait d’ailleurs sèchement battu la candidate du PSD en 2019.
Nicolae Ciucă se voit en effet concurrencé, et même dépassé par deux autres candidats, dont tout d’abord Elena Lasconi du parti Union Sauvez la Roumanie (USR). Cette dernière vient séduire une partie de l’électorat du PNL par ses discours économiques libéraux et critiques envers les gouvernements précédents ainsi que par son positionnement conservateur sur les questions de société. En outre, elle a obtenu le soutien de Ludovic Orban (ancien membre du PNL) crédité à 1 à 2 % durant un débat télévisé entre différents candidats ce lundi.
Le second candidat pouvant se qualifier au second tour est George Simion du parti Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), il est d’ailleurs privé d’entrée en République de Moldavie et en Ukraine par ses relations passées avec des agents russes. Ce parti d’extrême droite ultra-nationaliste qui a obtenu de bons résultats aux élections européennes, a des chances de se qualifier au second tour de la présidentielle. En effet, George Simion pourrait bénéficier du report de voix du parti S.O.S Roumanie (autre parti d’extrême droite) étant donné l’invalidation de la candidature de ce parti de concourir à l’élection présidentielle par la Cour Constitutionnelle de Roumanie. Cette décision semble être politique, permettant au PSD d’affronter l’AUR et d’obtenir un report de voix en sa faveur.
L’absence de réel intérêt pour la campagne
En évoquant la présidentielle avec les Roumains, j’observe un désintéressement pour la politique et parfois même un certain dégoût. Plusieurs explications peuvent être apportées, mais j’en retiens seulement trois. Tout d’abord, il y a une absence de débat politique. Marcel Ciolacu (PSD) et Nicolae Ciucă (PNL) ne se sont rendus à aucun débat télévisé préférant se mettre en avant de manière personnelle avec différents moyens de communications, Marcel Ciolacu a ainsi pu raconter sa passion pour les burgers [5]. Cette absence rend les débats télévisés dépourvus d’intérêt.
Un second point concerne le niveau intellectuel des candidats qui amène des moqueries chez les Roumains, avec par exemple le Premier Ministre Marcel Ciolacu (PSD) qui n’aurait pas obtenu son baccalauréat ou Elena Lasconi, lors d’un débat télévisé ce lundi, qui réinterprète l’article 5 du Traité de l’OTAN en déclarant que si la Roumanie se voit envahie, elle doit attendre 30 jours seule avant l’arrivée de l’OTAN [6]. J’ai même pu voir George Simion (AUR) commenter une poupée pour enfant avec le plus grand des sérieux durant un show télévisé.
Ces deux premiers points me permettent d’expliquer l’absence de réelle adhésion pour les projets politiques des différents candidats [7]. Un grand nombre de Roumains adhèrent à un candidat, mais sans affection. Lorsqu’on vote pour Marcel Ciolacu (PSD), c’est lorsqu’on est sûr qu’il va gagner et fera le moins pire président en sachant qu’il n’y aura pas de réelles avancées pour le pays, et cela va de même logique pour les autres candidats. Le cas de George Simion (AUR) est différent par rapport aux autres, un mécontentement général explique principalement l’adhésion pour ce candidat. Enfin, on peut ajouter l’absence de candidat progressiste à la présidentielle [8], ce qui explique une certaine distance d’une partie de la jeunesse à l’égard des élections à venir.