Cet événement vise à questionner un épisode peu débattu de l’histoire du fascisme colonial italien, à savoir l’occupation de l’Albanie entre 1939 et 1943. En effet, en l’espace de quelques années, le fascisme utilisa ce pays comme un chantier impérial au cœur de l’Europe, modifiant la structure politique, sociale, urbanistique et culturelle d’un État à peine né.
À partir d’une approche visuelle et en recourant à une métaphore optique (celle du double focus), il s’agit de stimuler de nouvelles réflexions, non seulement sur le pouvoir mémoriel des archives, mais aussi sur le cinéma en tant que fabrique d’imaginaires et de narrations politico-idéologiques. A cette occasion, sont présentées, comparées et interrogées les productions conservées à l’Arkivi Qendror Shtetëror i Filmit (Archive centrale d’État du cinéma) de Tirana et à l’Archivio Luce de Rome, cherchant à déconstruire les stratégies rhétoriques élaborées par le fascisme italien et le socialisme albanais pour raconter la période de l’occupation. De cette analyse, qui place le cinéma au centre de la construction idéologique des deux régimes, émerge également une discussion sur la période plus contemporaine, et surtout sur la manière dont il est possible, aujourd’hui, de repenser de manière critique ce chapitre douloureux de l’histoire à travers le langage cinématographique.
Cet événement est pensé et organisé par le pensionnaire Alessandro Gallicchio.
Programme
15:00 – 16:30 : Projection
Lulëkuqet mbi mure (1976) de Dhimitër Anagnosti
Le film raconte l’histoire de quatre amis — Jaçe, Lelo, Bardhi et Tomi — qui vivent dans un institut pour orphelins en Albanie pendant l’Occupation fasciste. Contraints par le directeur de l’institut d’effacer des inscriptions antifascistes sur les murs, ils provoquent la chute du perfide gardien dans les escaliers et, inspirés par un de leurs professeurs, tentent de se rebeller.
Langue : albanais sous-titré italien
16:30 – 17:30 : Rencontre
Table ronde modérée par Carmen Belmonte (Università di Padova/Bibliotheca Hertziana – MPI) avec :
Alberto Basciani (Università Roma Tre)
Marinela Ndria et Eriona Vyshka (Arkivi Qëndror Shtetëror i Filmit – AQSHF, Tirana)
Roland Sejko (Archivio Luce)
18:30 – 21:00 : Projection
La macchina delle immagini d’Alfredo C. (2021) de Roland Sejko – en présence du réalisateur
Avril 1939. L’Italie fasciste occupe l’Albanie. Des milliers d’Italiens, ouvriers, colons et techniciens, sont transférés dans le pays.
Novembre 1944, l’Albanie est libérée. Le nouveau régime communiste ferme les frontières et impose de nombreuses conditions à l’Italie pour le rapatriement de ses citoyens.
En 1945, 27 000 Italiens – anciens combattants et civils – sont encore retenus en Albanie. Parmi eux se trouve un opérateur cinématographique de la propagande fasciste, Alfredo C., qui a filmé pendant cinq ans l’Albanie avec sa caméra. Auparavant, pendant près de deux décennies, il a immortalisé la machine du régime dans ses moindres détails.
Du jour au lendemain, il doit faire de même, mais pour un régime communiste.
Renfermé dans son entrepôt, entouré de milliers de pellicules, Alfredo C. revoit sur une vieille machine à visionner ce qu’il a filmé. Son histoire.
C’est son film que nous voyons. Et peut-être pas uniquement le sien.
Langue : italien sous-titré anglais
Après la projection, le réalisateur participera à une discussion avec le public, modérée par Alessandro Gallicchio (Académie de France à Rome – Villa Médicis).
Alberto Basciani
Alberto Basciani est professeur d’Histoire contemporaine au Département des sciences politiques de l’Université Roma Tre, où il dirige le Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Europe du Sud-Est, la Russie et l’Eurasie (CRIERE). Il est également membre du Comité de la Société italienne pour l’étude de l’histoire contemporaine (SISSCo). Ses domaines de recherche portent sur les processus de modernisation du Sud-Est européen pendant la période de l’entre-deux-guerres, le communisme roumain et l’impérialisme fasciste dans les Balkans. Sa dernière monographie est L’impero nei Balcani. La conquista italiana dell’Albania (1939-1943), Rome, Viella, 2022.
Carmen Belmonte
Carmen Belmonte est professeure adjointe à l’Université de Padoue. Elle coordonne le groupe de recherche Decolonizing Italian Visual and Material Culture à la Bibliotheca Hertziana – Max Planck Institute for Art History dans le cadre du projet collaboratif SPAZIDENTITÀ, promu par l’École Française de Rome (2022–2026). Avant son poste à Padoue, elle a été boursière post-doctorale à l’Italian Academy for Advanced Studies in America à Columbia University, New York ; professeure adjointe à l’Université de Florence ; chercheuse et enseignante à l’Université Roma Tre. Elle a reçu des bourses de recherche de la Scuola Normale Superiore de Pise ; de la Bibliotheca Hertziana – MPI, de l’American Academy à Rome, et du Kunsthistorisches Institut in Florenz – Max-Planck-Institut. Ses recherches portent sur la culture visuelle et matérielle du colonialisme italien, les héritages du fascisme et le patrimoine culturel dans les scénarios post-catastrophe. En 2021, elle a publié le livre Arte e colonialismo in Italia. Oggetti, immagini, migrazioni (1882-1906), Marsilio. Elle est éditrice du volume collectif A Difficult Heritage : The Afterlives of Fascist-Era Art and Architecture (Silvana Editoriale, 2023).
Alessandro Gallicchio
Alessandro Gallicchio (1986, Italie), pensionnaire 2024-2025 de la Villa Médicis, est maître de conférences en histoire de l’art contemporain à Sorbonne Université, membre du centre André-Chastel et chercheur associé au CETOBaC. Docteur en histoire de l’art des universités de Florence, Paris-Sorbonne et Bonn (2016), il poursuit ses recherches en suivant les méthodologies élaborées par l’histoire sociale et politique de l’art. Il s’intéresse aux influences du nationalisme et de l’antisémitisme dans la construction du discours artistique et aux rapports entre art, architecture et espace urbain dans les Balkans et en Méditerranée.
Marinela Ndria
Marinela Ndria est diplômée de la Faculté des Arts Figuratifs de l’Université des Arts de Tirana. Elle a suivi plusieurs cours de spécialisation dans le domaine de la restauration des œuvres d’art à l’Institut d’Art et de Restauration, Palazzo Spinelli, Florence, Italie ; le bureau régional de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) à Venise ; ainsi qu’à l’école professionnelle d’art « Frymë dashurie » à Tirana. Parmi ses anciennes fonctions, elle a dirigé le Laboratoire Central de Restauration à la Direction Générale des Archives en Albanie. Auparavant, elle a été enseignante à l’École Albanaise d’Administration Publique, restauratrice d’œuvres d’art à la Direction Régionale de la Culture Nationale, à Tirana, et responsable du secteur des œuvres d’art à la Direction Régionale des Monuments Culturels, à Tirana. En mars 2022, elle a été nommée directrice de l’Archive Nationale du Film Albanais (Arkivi Qëndror Shtetëror i Filmit – AQSHF).
Roland Sejko
Né et élevé en Albanie, Roland Sejko est diplômé en 1990 de la Faculté d’Histoire et de Philologie de Tirana. Depuis 1991, il vit à Rome et, depuis 1995, il travaille pour l’Istituto Luce, maintenant Cinecittà, où il est actuellement directeur de la rédaction éditoriale de l’Archivio Storico Luce. Il a écrit et réalisé plusieurs documentaires, principalement distingués par la réutilisation du cinéma d’archive. En 2013, il a remporté le Prix David di Donatello pour son documentaire Anija / La nave. Son dernier film, La macchina delle immagini di Alfredo C., a été présenté en sélection officielle à la 78e Mostra Internazionale d’Arte Cinematografica de Venise, dans la section Orizzonti Extra, et a remporté le Nastro d’Argento du Meilleur Docufilm en 2021. Il est auteur de films et curateur artistique de nombreuses expositions de l’Istituto Luce et de Cinecittà. Il fait également partie des curateurs du MIAC, le Musée Italien du Cinéma et de l’Audiovisuel à Cinecittà.
Eriona Vyshka
Eriona Vyshka a rejoint l’Archive Nationale du Film Albanais (Arkivi Qëndror Shtetëror i Filmit – AQSHF) en 2001. Elle est responsable du département de catalogage et de gestion des collections. Eriona a édité plusieurs catalogues et périodiques publiés par l’Archive Nationale du Film Albanais et a récemment écrit un livre sur les archives en relation avec le processus de production cinématographique de Kinostudio. Elle a été la représentante albanaise lors de plusieurs réunions du Cinéma du Sud-Est Européen, un réseau international de cinéma auquel le Centre National du Film Albanais a adhéré en 2003. En tant qu’archiviste expérimentée, Eriona représente les archives lors de plusieurs réunions professionnelles régionales et européennes et sert de liaison et de coordinatrice de projet entre l’Archive Nationale du Film Albanais et d’autres collaborateurs ou initiatives avec lesquels AQSHF travaille, consacrées à la préservation, à la restauration et à la promotion du patrimoine cinématographique albanais. Eriona détient une maîtrise en Littérature de l’Université de Tirana ; ses recherches sont axées sur le processus d’adaptation du roman au cinéma.
Informations pratiques :
Jeudi 13 mars
15h00-21h00
Salle Cinéma Michel Piccoli de la Villa Médicis
Langue : italien
