Dans les Balkans, l’écologie monte en puissance

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Les Balkans ont attendu longtemps avant de prendre conscience des enjeux environnementaux. Mais ces derniers mois, plusieurs événements ont montré que l’écologie était devenue une véritable préoccupation et que les partis s’en réclamant pouvaient se poser en alternative crédible aux formations conservatrices et nationalistes qui se partagent le pouvoir.

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Traduit et adapté par Simon Rico (Article original)

Tomislav Tomašević est le nouveau maire vert-rouge de Zagreb
© Facebook / Tomislav Tomašević

Cet article est publié avec le soutien de la fondation Heinrich Böll Paris.


Au printemps dernier, l’élection triomphale de Tomislav Tomašević, candidat de la coalition rouge-verte Možemo ! à la mairie de Zagreb a été très commentée dans tous les Balkans. Pour la première fois, un maire écologiste y dirige une capitale. Voilà qui témoigne de la préoccupation de plus en plus importante pour les questions environnementales et de l’audience dont bénéficient celles et ceux qui portent ces idées, bien souvent ignorées des dirigeants.

Dans le paysage politique européen, l’émergence des partis verts remonte pourtant aux années 1970. Ce mouvement a bien sûr joué un rôle primordial dans la prise de conscience collective concernant la nécessité de mieux protéger l’environnement. Les Verts allemands se sont certainement distingués comme le plus performant des partis écologistes européens. Mais plusieurs de ces formations sont aussi parvenues au pouvoir dans plusieurs pays d’Europe occidentale.

Dans les pays d’Europe centrale et orientale, la situation est différente. Certains avancent que le retard pris sur les questions environnementales et la représentation politique de l’écologie serait lié à l’influence du communisme, basé au XXe siècle sur le productivisme, et à la lenteur du processus de transition et de démocratisation. Aujourd’hui encore, plus de trois décennies après la chute du mur de Berlin, les questions de l’État de droit restent ouvertes dans plusieurs pays, à commencer par ceux des Balkans, tandis que les questions environnementales ont longtemps été négligées. Même dans les États devenus membres de l’Union européenne après 2004, les partis verts n’ont pas rencontré beaucoup de succès dans les urnes.


Le Courrier des Balkans et le bureau parisien de la Fondation Heinrich Böll vous invite à une conférence-débat exceptionnelle : « Les nouvelles voix citoyennes et écologistes dans les Balkans ». Avec Možemo (Croatie), L’institut Musine Kokalari (Kosovo), Ne Davimo Beograd (Serbie) URA (Monténégro).

Jeudi 25 novembre à 19h30, dans l’espace conférence de l’Iris à Paris
Inscriptions gratuite et obligatoire.


D’abord la Croatie, et ailleurs ?

Le succès de Tomislav Tomašević à la mairie de Zagreb est survenu quelques mois après l’entrée au gouvernement monténégrin du mouvement citoyen URA (United Reform Action), emmené par le jeune Dritan Abazović, aujourd’hui vice-Premier ministre. URA n’est pas un parti vert typique, mais son programme et ses positions politiques sont écologistes dans une large mesure. En 2020, le mouvement est devenu membre du Parti vert européen, ce qui ne fait que souligner ces ambitions.

En Bosnie-Herzégovine aussi, les élections municipales de l’automne 2020 ont vu un léger renouvellement de la représentation politique, dominée depuis les accords de paix de Dayton par les formations ethno-nationalistes. À Sarajevo, par exemple, c’est une jeune mairesse de 30 ans, Benjamina Karić, issue du parti citoyen social-démocrate (SDP), qui a été élue. Ces succès s’expliquent peut-être par la désillusion à l’égard des partis traditionnels.

En Serbie, la situation est beaucoup plus complexe. Des partis verts existent depuis le retour du système multipartite en 1990, mais leurs existence a toujours été de courte durée. Ces dernières années, les préoccupations environnementales ont toutefois pris de l’ampleur, portées par plusieurs organisations de la société civile. À Belgrade, l’organisation Ne davimo Beograd (Ne noyez pas Belgrade) a été l’une des premières à mettre en avant ces sujets et à les porter devant les électeurs. Des candidats portant ses couleurs se sont présentés à la mairie en 2018, récoltant un score modeste mais positif. Le collectif, désormais organisé en tant que mouvement politique, vise surtout les prochaines municipales du printemps 2022. Ses candidats incarnent la principale force d’opposition face au Parti progressiste serbe (SNS) du tout-puissant président Aleksandar Vučić.

En Croatie, il ne faut pas réduire la victoire de Tomislav Tomašević à Možemo ! Sa coalition, la Zelena Lijeva Koalicija (ZLK), d’orientation rouge-verte, compte aussi dans ses rangs l’initiative Zagreb je naš ! (Zagreb est à nous), ORaH (Développement durable croate), Nova ljevica (La nouvelle gauche), et Za grad (Pour la ville).

Un mouvement écologiste porté par la société civile

Tous les acteurs de l’écologie politique balkanique fonctionnent sous la forme de mouvements tirant leur force de la société civile. Pour le moment, leur réussite est meilleure dans les scrutins locaux que nationaux, à l’exception d’URA au Monténégro. L’activisme citoyen, qui constitue le socle de l’action politique de ces mouvements, s’accompagne souvent d’idées progressistes, ce qui est une caractéristique de la plupart des partis verts. Leurs électeurs affichent un profil similaire à ceux d’Europe occidentale : jeunes, urbains et ayant fait des études supérieures. En somme, les formations écologistes de la région suivent le sillon tracé un peu plus tôt par leurs homologues de l’ouest et du nord du Vieux continent.

Il est également important de souligner que ces mouvements se soutiennent tous mutuellement, ce qui augmente les possibilités de coopération, ainsi que le développement commun des idées écologistes dans le sud-est de l’Europe. Tous sont aussi membres du Parti vert européen et cela favorise encore un peu plus les interactions et le partage d’expériences en vue d’améliorer la pénétration de leurs idées et d’améliorer, en conséquence, leurs résultats électoraux à l’avenir.

Les partis verts des Balkans pourraient bien continuer à surprendre dans les urnes lors des prochains votes. Notamment du fait de la sensibilisation croissante des citoyens à l’état désastreux de l’environnement. Les « premiers soulèvements écologiques » qui ont eu lieu en Serbie cette année en sont la preuve. Et cette montée en puissance semble inquiéter les autocrates au pouvoir. Pour tenter de discréditer ce mouvement, le président serbe n’a pas hésité à qualifier son combat de « djihad vert ». Face à ces attaques, une organisation régionale écologistes pourraient bien voir le jour. Pour mieux les contrer et faire avancer l’écologie. Les Balkans en ont besoin, et vite.


Cet article a été initialement publié par Klima 101