Dans le cadre de la rétrospective consacrée à Želimir Žilnik au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, projection le 13 avril à 17h de quatre courts-métrages du réalisateur serbe. La séance sera suivie d’un débat avec Želimir Žilnik, avec l’historien des Balkans Jacques Rupnik et la réalisatrice serbe Mila Turajlić. La table-ronde sera animée par Laurent Geslin, rédacteur en chef du Courrier des Balkans.
Želimir Žilnik, Mouvement de juin (June Turmoil / Lipanjska gibanja), Yougoslavie, 1969, HD (format d’origine : 35mm), 10’, nb, vostf
Belgrade, juin 1968. À la faculté de philosophie, étudiants et artistes s’insurgent contre la « bourgeoisie rouge » et militent pour un socialisme plus juste. Le film documente les rassemblements et manifestations de la jeunesse dont la répression a marqué un tournant liberticide dans l’histoire des républiques socialistes, jusqu’à l’invasion de la Tchécoslovaquie voisine en août 1968 par les troupes du Pacte de Varsovie, et jusqu’à répandre la discorde entre les républiques fédérées de Yougoslavie.
« Dans toute la Yougoslavie, le volcan politique le plus dangereux avait éclaté – c’est-à-dire la critique du régime inspirée par les idées marxistes. Elle menaçait de développer la solidarité entre les travailleurs et les intellectuels contre ‹ la bourgeoisie rouge ›. Le régime expérimenté de Tito a utilisé tous les moyens à sa disposition pour écraser ses opposants et, ce faisant, a semé les graines de la désintégration du pays : il a mis l’accent sur les différences régionales et provoqué des conflits entre les dirigeants des partis régionaux qui s’accusaient mutuellement de ne pas être assez prudents face à ‹ l’ennemi ›. » Želimir Žilnik, Yugoslavia : Down with the Red Bourgeoisie !, 1968 : Memories and Legacies of a Global Revolt, 2009
Želimir Žilnik, Soulèvement à Jazak (Uprising in Jazak / Ustanak u Jasku), Yougoslavie, 1973, 35mm, 18’, nb et coul., vostf
Les habitants du village de Jazak mettent en scène leurs souvenirs : ceux, douloureux mais fiers, de leur résistance aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et ceux, empreints de joie et d’espoir, de l’arrivée de l’Armée rouge et de la libération en 1944.
Želimir Žilnik développe ici sa méthode de re-enactment, faisant rejouer leurs propres histoires aux protagonistes non-acteurs, pour proposer une alternative au cinéma de propagande yougoslave et à son instrumentalisation de la résistance à l’Occupation.
« Dans Soulèvement à Jazak (1973), Želimir Žilnik est allé chercher les vrais visages, accueillants et démunis, de ceux qui ont lutté contre les armées d’Hitler et de Mussolini. Cette remise en cause de la version officielle reluisante du mythe fondateur de la Yougoslavie communiste a attiré de nouveaux ennuis au réalisateur, qui ont fini par l’amener à s’exiler volontairement en Allemagne de l’Ouest. » Celluloid Liberation Front, Cinema Scope n°65, mars 2016.
Želimir Žilnik, Tito de retour parmi les Serbes (Tito Among the Serbs for the Second Time / Tito po drugi put meu Srbima), Yougoslavie, 1994, HD (format d’origine : Beta SP), 42’, coul, vostf
Au milieu des années 1990, alors que les guerres déchirent le pays, un acteur déambule dans les rues de Belgrade, déguisé en maréchal Tito, le président historique de la République fédérative populaire de Yougoslavie de 1945 jusqu’à sa mort en 1980. Autour de lui, spontanément, les gens se rassemblent et les langues se délient : certains l’accusent de tous les maux quand d’autres pleurent sa disparition. À travers leurs échanges, un portrait saisissant du pays se dessine.
« Je voulais confronter les gens à leur passé. Le passé disparaît, il n’est jamais considéré rationnellement. Il devient un gigantesque trou noir, un tabou, un vide dans notre identité. Et en Bosnie, les tabous conduisent à la répression et à la barbarie. » Želimir Žilnik, New York Times, 30 avril 1994.
Želimir Žilnik, On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs (Throwing off the Yolks of Bondage / Do Jaja), Yougoslavie, 1996, HD (format d’origine : Beta SP), 12’, coul., vostf
À l’automne 1996, le régime de Miloševic truque les résultats des élections parlementaires, engendrant des rassemblements de masse à Belgrade et dans d’autres villes serbes.
Le film documente les quatre premiers jours de manifestations, leur charge politique et critique, mais aussi leur esprit carnavalesque. Monté dans la foulée, comme un ciné-tract, il a été projeté dès le septième jour du mouvement.