Cinéma • « Bad luck banging or loony porn », un film de Radu Jude

Du au

Synopsis

Emi, une enseignante, voit sa carrière et sa réputation menacées après la diffusion sur Internet d’une sextape tournée avec son mari. Forcée de rencontrer les parents d’élèves qui exigent son renvoi, Emi refuse de céder à leur pression, et questionne alors la place de l’obscénité dans nos sociétés. Une farce contemporaine à l’humour féroce.

Bad luck banging or loony porn a remporté l’Ours d’or du meilleur film à la Berlinale 2021. En 2015, Radu Jude avait obtenu l’Ours d’argent pour Aferim.

Le cinéaste, né à Bucarest en 1977, s’impose comme l’un des piliers du nouveau cinéma roumain. En appuyant là où ça fait mal. Relisez notre portrait.

Bad luck banging or loony porn sera sur les écrans français à partir du 15/12/2021. Un film dont le Courrier des Balkans est partenaire.

Informations sur le film

Réalisation : Radu Jude
Durée : 106 minutes
Année de production : 2021
Sortie en France : 15 décembre 2021
Pays : Roumanie/ Croatie/ Luxembourg/ Rép. Tchèque
Avertissement : interdit aux moins de 16 ans

Origines du film

Le film est né au fil de conversations avec des amis. À plusieurs reprises, nous avons longuement discuté de faits-divers mettant en cause des professeurs expulsés de leurs écoles – en Roumanie, ou ailleurs – pour des motifs relevant de leur vie privée : discussion sexuelle en direct via webcam, diffusion de contenus intimes. Nos échanges étaient si animés que je me suis dit que c’était loin d’être un sujet banal ou superficiel. J’ai donc décidé d’en faire un film.
Celui-ci se compose de trois parties qui s’entrelacent de manière poétique – entendre « poétique » selon la définition qu’en donne André Malraux : « Sans doute toute vraie poésie est-elle irrationnelle en ce qu’elle substitue, à la relation « établie » des choses, un nouveau système de relations ».

Si le titre du film est en grande partie explicite, son sous-titre – « esquisse d’un film populaire » – demande à être éclairci. Malraux a écrit un jour que « Delacroix, bien qu’affirmant la supériorité du tableau achevé sur l’esquisse, a conservé nombre de ses esquisses, dont il considérait la qualité en tant qu’œuvres d’art comme égale à celle de ses meilleurs tableaux ». L’idée m’a paru pertinente. J’ai décidé de l’appliquer à la réalisation de mes films, de voir à quoi ressemblerait l’un d’eux si sa forme était laissée ouverte, inachevée, comme une ébauche. Et « populaire », car je crois que le film pourrait être aussi léger qu’une brise d’été. Son sujet rappelle d’ailleurs certains articles que l’on peut lire dans la presse à scandale. Mais il s’agit davantage de l’esquisse d’un film populaire.

L’Obscénité comme thème central

Qu’est-ce qui est obscène, et comment le définir ? Nous sommes habi- tués à des actes qui sont parfois bien plus indécents que celui qui déclenche le scandale dans le film. Mon idée était celle-ci : confronter
deux types d’obscénité, et s’apercevoir que celle soi-disant à l’œuvre dans la vidéo porno d’ouverture n’est rien en comparaison à d’autres situations qui nous entourent – mais auxquelles nous ne prêtons pas attention.
Le film raconte une histoire de notre temps, anodine pourrait-on dire. Mais si l’Histoire et la politique font partie du film, c’est parce que le récit lui-même a un sens plus profond si nous le voyons dans un contexte historique, sociétal et politique.

Les spectateurs sont constamment invités à comparer l’obscénité d’une banale vidéo pornographique amateur à celle qui nous entoure et que nous retrouvons dans l’Histoire récente. Ainsi, les spectateurs doivent faire cette opération de montage. Georges Didi Huberman a écrit quelque chose de très important concernant le montage, qui pourrait s’appliquer au film : « Le montage sera précisément l’une des réponses fondamentales à ce problème de construction de l’historicité. Parce qu’il n’est pas orienté simplement, le montage échappe aux théologies, rend visibles les survivances, les anachronismes, les rencontres de temporalités contradictoires qui affectent chaque objet, chaque événement, chaque personne, chaque geste. Alors, l’historien renonce à raconter “une histoire” mais, ce faisant, il réussit à montrer que l’Histoire ne va pas sans toutes les complexités du temps, toutes les strates de l’archéologie, tous les pointillés du destin. »