Blog • Vu d’Italie, c’est quoi les Balkans ?

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De Bologne à Trieste en vélo, je me suis arrêté pour demander aux Italiens ce que les Balkans représentaient pour eux. Voici leurs ressentis, leurs histoires et leurs avis.

Dans les rues de Bologne.
© Basile Hiegel

Cela fait presque deux ans que ce qu’on appelle « Les Balkans » m’intéressent. Force est de constater cependant que ça n’intéresse pas plus que ça mon entourage. « C’est dangereux là-bas, non ? » ; « Comment il s’appelait le dictateur déjà ? » ; « Tu peux me rappeler de quels pays il s’agit ? ». Avant mon départ, j’ai demandé à mon grand-père s’il avait déjà voyagé en Yougoslavie. Il m’a répondu « Je ne sais plus mais j’ai été en Bulgarie ». Ainsi, chacun s’est créé son image des Balkans, certains se rappellent avoir entendu à la radio des crimes de guerres, d’autres se rappellent de Tito, de Dubrovnik, de Djokovic, de communisme et même de Bulgarie.

En Italie, c’est dans le village de Monteveglio, où je me suis arrêté quelques jours, que j’ai commencé mon enquête. La question est simple : « c’est quoi les Balkans pour vous ? » Pour beaucoup de gens, c’est « pas grand-chose ». Mais il faut reconnaître aux Italiens leur capacité à trouver n’importe qui pour n’importe quoi. C’est ainsi que j’ai rencontré Andrea, un Italien de 28 ans qui travaille à l’hôpital de Bologne. Pourquoi lui ? Parce qu’en 2018, il est allé en Bosnie-Herzégovine avec l’association Nema Problema (« aucun problème »). La fondatrice de l’association, Tanja, est arrivée à Monteveglio à l’âge de 14 ans pour fuir la guerre de Bosnie. Et c’est parce que trop souvent les Balkans ne représentent « pas grand-chose » pour l’Europe de l’Ouest que Tanja a voulu faire découvrir son passé, pour créer les conditions d’un futur meilleur et plus conscient.

C’est ainsi qu’Andrea s’est retrouvé à visiter la Bosnie-Herzégovine à l’âge de 22 ans. Comment c’était ? « Intense ». Intense car « on voyait encore les trous de balles sur les murs des maisons », intense car « le cimetière de Srebrenica transmet encore de la gravité », intense car « Tanja pleurait très souvent ».

Andrea n’y est pas retourné depuis, dit-il avec un peu de tristesse. Perçoit-il une influence des Balkans à Bologne ? Aucune avant ce voyage, mais depuis il reconnait désormais les noms de famille à consonance balkanique dans son quotidien à l’hôpital. Il s’agit d’enfants des Balkans atteints de maladies graves qui viennent se faire soigner en Italie, grâce à l’association KIM qui se charge de financer un tiers des dépenses médicales et aide les familles pour les tâches administrative. Le fait que des enfants viennent se faire soigner en Italie souligne un des points qu’Andrea a évoqué concernant son ressenti sur les Balkans : « C’est pauvre et ils n’ont pas grand-chose ».

Rappelons que tous les propos rapportés ici sont totalement subjectifs, qu’ils représentent des ressentis personnels pouvant s’éloigner de vérités, si vérités il y a. Il ne s’agit pas de renforcer des clichés ou préjugés, même si c’est souvent par cette porte qu’on commence à découvrir l’autre.

En continuant mon chemin de Bologne à Trieste, j’ai rencontré Marco. « J’ai été en Slovénie et en Croatie mais pour moi ce n’est pas les Balkans », dit-il. Ah bon ? Oui, pour lui, les Balkans c’est plutôt la Roumanie et la Grèce. Voilà pourquoi sa première réaction a été de dire qu’il n’y était jamais allé. La sœur de Marco évoque quant à elle le chanteur Goran Bregović et une ambiance festive de ses souvenirs de vacances en Croatie. Un discours qui contraste avec ce que m’avait dit Marco un peu plus tôt : « Ils sont assez rudes et pas très ouverts aux minorités… Surtout les Serbes ».

Dans l’auberge de jeunesse où j’ai dormi à Trieste, il était écrit sur un des murs « Fuck Serbia ». Pourquoi, malgré une ignorance criante des Balkans, la doxa italienne a ces a priori sur les Serbes ? C’est une des choses que nous allons chercher à comprendre dans ce voyage.