Blog • Depuis Banja Luka, un récit à 50 mains

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Du 1er au 8 mars, 25 jeunes vont se rencontrer à Banja Luka pour réaliser ensemble une dizaine de reportages. Parmi eux, dix étudient le journalisme en France et en Suisse et quinze font des études de français en Bosnie-Herzégovine. Qu’attendent-ils de cette expérience et quelle image ont-ils du pays ? Leurs contenus et leurs impressions seront mis en ligne début avril sur le Courrier des Balkans.

La date du départ approche et la rencontre se concrétise. Début janvier, l’association Téméco à l’origine du projet a lancé deux appels à candidatures pour constituer le groupe des 25 participants. Côté francophone, les étudiants intéressés devaient répondre à une série de questions puis envoyer un CV et une proposition de reportage qu’ils aimeraient réaliser à Banja Luka. L’appel est diffusé auprès d’une quinzaine d’écoles de journalisme et d’universités françaises et suisses. Plusieurs enseignants applaudissent la démarche et encouragent leurs étudiants à y participer. Au total, nous recevons 60 réponses de candidats sur-motivés. Le nombre nous surprend et la sélection est difficile.

Les dix participants finalement retenus ont entre 20 et 26 ans. Ils étudient ou viennent de finir leur master de journalisme à Rennes, Paris, Lille, Marseille, Strasbourg ou Lausanne. Ils ont appris comment faire des portraits, des enquêtes ou des reportages. Ils manient la vidéo, le son, la photo et l’écrit. Certains ont déjà réalisé des documentaires audio ou vidéo sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Ils s’intéressent à la politique, l’économie, la culture ou encore l’environnement.


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Comme ils nous l’expliquent lors des entretiens, la plupart d’entre eux connaissent la Bosnie-Herzégovine à travers les grands événements qui ont marqué l’histoire : l’éclatement de la Yougoslavie, la guerre, les divisions religieuses. D’autres s’intéressent à la situation politique actuelle du pays et évoquent les récents problèmes de consensus pour former un gouvernement, le processus d’adhésion à l’UE qui piétine, les mouvements citoyens comme “Justice pour David” qui ont mis en lumière la volonté d’une partie de la population d’en finir avec la corruption. Sans oublier l’exode massif des jeunes qui partent travailler dans l’UE, la question de l’environnement avec le maintien problématique de nombreuses centrales à charbon et l’égalité hommes/femmes dans un pays où le mouvement #MeToo ne semble pas avoir eu les mêmes résonances que dans les pays occidentaux.

Mais les Francophones l’avouent : leurs connaissances sur l’actualité se limite à ce qu’ils ont vu, lu et entendu à distance, dans les médias. “J’aimerais pouvoir en apprendre plus sur ce qui se passe en discutant avec des jeunes qui résident dans le pays”, explique Zoé, étudiante récemment diplômée de l’école W et benjamine de l’équipe. Car de leur côté, les quinze étudiants bosniens sélectionnés ont également proposé des sujets de reportages : la protection de l’environnement, l’exode des Bosniens, la yougonostalgie ou encore l’émancipation des jeunes vis-à-vis de leurs parents. Des sujets moins politiques peut-être, mais tout aussi engagés. Ces jeunes, âgés de 20 à 25 ans, apprennent la littérature et la langue françaises dans les deux facultés de langues du pays, situées à Sarajevo et à Banja Luka.

Seuls 200 kilomètres séparent les deux villes mais les étudiants ont rarement l’occasion de se rencontrer. Lors de l’entretien, deux participantes de Sarajevo se réjouissent : en mars, ce sera la première fois qu’elles iront à Banja Luka. La plupart n’ont encore jamais vraiment travaillé comme interprètes ou traducteurs. À Banja Luka, les étudiants ont eu un cours d’interprétation consécutive avec Vladimir Pavlović, un professeur serbe réputé dans les Balkans. Ceux de Sarajevo ont eu plusieurs cours et exercices de traduction de textes littéraires. Mais en dehors de la faculté, rares sont les étudiants qui ont eu l’occasion de mettre leurs connaissances en pratique.

Lors de l’entretien, ils nous expliquent leur vision du métier : “le rôle de l’interprète est aussi important que celui des autres membres de l’équipe”, explique Anja. “Il est constamment en lien avec le journaliste”, ajoutent Marina et Milijana, cela signifie qu’il doit être disponible, explorer le sujet sur lequel ils veulent travailler ensemble, préparer des questions, contacter les personnalités qu’ils souhaitent interviewer, visiter des endroits importants pour le sujet et aussi donner son avis, guider le journaliste. Car “contrairement aux idées reçues, il ne suffit pas de bien parler une langue pour devenir traducteur”, souligne Irena. C’est un métier qui nécessite de s’intéresser à d’autres domaines et beaucoup de pratique. Autant dire que les attentes sont grandes et la peur de décevoir leurs collègues aussi. On les rassure : c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Et ce qui compte, c’est avant tout la motivation. Celle-ci est se fait progressivement sentir au sein des différentes équipes que les étudiants ont constituées à distance pour organiser leurs reportages. Dans quelques jours, ils pourront se rencontrer.