Blog • Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine : séquelles de guerre et hospitalité inévitable

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Des barbecues partagés aux cafés offerts, les habitants de la République Serbe de Bosnie-Herzégovine n’ont cessé de me surprendre par leur générosité et leur curiosité. De Novi Grad à Banja Luka, en passant par Prijedor, bienvenue en Republika Srpska.

Avant le fameux barbecue dans le nouvel appartement

Avant de vous vendre le si connu « rêve bosniens » - qui n’a de façon très objective rien à envier à son homologue américain, un petit point géopolitique et religieux s’impose. La Bosnie-Herzégovine se compose de trois entités, la république Serbe de Bosnie à majorité orthodoxe, la fédération de Bosnie-Herzégovine à majorité musulmane et le district de Brčko à majorité musulmane également. Le tout formant un pays à 50% musulman, 30% orthodoxe et 15% catholique. Fait le rendant unique car dans la campagne traversée et dans les villes ou je me suis arrêté, sortait des cimes les clochers d’église chrétienne d’un côté et les minarets de l’autre.

Notons également que dans cette région, citoyenneté et nationalité ne sont pas synonymes. Ici, la citoyenneté fait référence à la Nation dans laquelle une personne est née. Né en Bosnie Herzégovine, je suis de citoyenneté Bosnienne. La nationalité quant à elle fait référence à la communauté à laquelle j’appartient ou souhaite appartenir. Ainsi, je suis chretien catholique né en Bosnie-Herzégovine, je suis de citoyenneté bosnienne et de nationalité croate. Car religion et nation sont souvent liées dans cette région. Serbe étant synonyme d’orthodoxie, croate étant synonyme de catholicisme et bosniaques étant synonyme d’islam. Ce terme « Bošnjak » est employé pour qualifier les citoyens musulmans de Bosnie car celui de « Bosnien » fait référence à la citoyenneté, non à la nationalité.

Trêve de science, je vous ai promis dans l’introduction des barbecues partagés et des cafés offerts. A Banja Luka, il ne faut pas plus de quelques minutes pour se retrouver à faire un déménagement en échange de délicieux čevapi - petit rouleau de viande hachée et grillée - et de Jelen - bière serbe. Une chose que j’ai vite comprise en Bosnie, c’est qu’ici tout fonctionne par réseaux. Il y a toujours un cousin qu’on appelle frère pour donner un coup de main sur une fuite d’eau ou pour vous prêter un van qui, vu son état, roule toujours miraculeusement bien ainsi qu’une cousine qu’on appelle évidemment sœur pour vous inviter a manger le gâteau d’anniversaire d’on ne sait qui. Le tout évidemment accompagné de rakija - alcool local - parfois difficile à digérer ; surtout lorsqu’elle vous est proposée au petit déjeuner.

La vue de la maison de baba

Ce petit déjeuner, c’était chez la grand-mère de mon hôte Djordje à dix minutes de Banja Luka - il n’en faut pas plus pour se retrouver dans les vallées bosniennes, « loin » de la ville. Rien ne sert de courir, il faut partir a point, Baba - grand mère en serbe - nous ordonne d’arriver avant neuf heures si nous voulons avoir une chance de manger et de boire quelque chose - aussi naïf que j’étais, boire signifiait alors dans ma tête un jus d’orange ou de pomme. J’avais l’espace d’un instant oublié où je me trouvais. Boire signifiait deux shots d’alcool maison à 60 degrés. Plus efficace qu’un café, je dois l’avouer.

Après le traditionnel maïs pour nous faire patienter - que nous avons ensuite donné aux cochons car « il faut qu’il grossisse encore un peu avant Noël », nous avons attaqué le čimbur et le kajmak avec des betteraves et des bouts de lard. « De quoi nourrir un homme pour une journée entière », je confirme car cinq jours après, je suis toujours en digestion de ce mets.

Pendant les heures de vélo traversant cette campagne, j’ai eu le temps de me remémorer les dires d’Andrea - l’italien rencontré a Monteveglio en Italie au début du voyage. « On voyait encore les trous de balles sur les murs », le contraste entre les campagnes traversées et les surprises que me réservaient les villes le soir était assez perturbant. Le nombre de cimetières et de monuments aux morts de la guerre de Bosnie très présents sur ces petites routes de campagnes et dans ses villages font régner une atmosphère bien plus tragique et douloureuse que ce que les habitants que j’ai rencontré m’ont inspiré. Les séquelles de la guerre sont omniprésentes, la n’est pas la question, mais d’une certaine manière ils ont réussi à mettre ce passé au service d’une générosité à toute épreuve. Parmi les habitants que j’ai rencontrés, ils ont tous au moins un membre de la famille décédé au front entre 1992 et 1995. C’est le cas du grand-père de Djordje. En regardant la maison de sa grand-mère et les fruits qui y poussent de tous les côtés, il dit « mon grand-père aurait été fier de voir ça ». J’ai eu envie de rajouter qu’il aurait également été fière de voir comment son petit-fils accueillait ses hôtes et transmettait ses traditions.