Blog • « Regard sur la Bosnie », les yeux dans les yeux

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Le colloque du Courrier des Balkans des 2 et 3 décembre 2020 derniers, « Dayton 25 : la Bosnie-Herzégovine aujourd’hui », a été l’occasion de poser un regard sur la situation actuelle du pays, 25 ans après la guerre.

Malheureusement, les dégâts causés par la guerre sont toujours là, non plus en termes de dévastation physique du pays, beaucoup a été reconstruit, mais dans la dévastation de l’économie, et la dégradation des conditions de travail et de vie, notamment dans les villes, où la vie est toujours plus difficile à cause de la pollution. Toutefois, les témoignages recueillis ont souligné comment la véritable dégradation aujourd’hui est celle avant tout démocratique, à à cause de la corruption répandue et partout enracinée, qui provoque néanmoins une vraie révolte dans la société.

Le Colloque, organisé en coopération avec la Fondation Heinrich Böll, a voulu essayer de donner des réponses à des questions concernant les défis auxquels la Bosnie-Herzégovine doit faire face en termes de corruption, justice économique et sociale, émigration. On a aussi souligné la présence d’une mobilisation citoyenne visant à défendre l’environnement, les droits des travailleurs, les couches de la population le plus démunies, comme les enfants issus de la guerre et lutter contre la corruption endémique de la politique, notamment à travers l’information et l’engament politique individuel. Enfin, le colloque s’est aussi arrêté sur les projets politiques et en particulier sur la politique étrangère du pays.

Différentes voix de la société civile

Les intervenants au Colloque ont été très variés soit des académiciens, ça fait plaisir de voir que les études Balkaniques ont encore du succès dans les recherches académique, surtout parce que fait par des jeunes chercheuses, comme de professionnels, notamment des journalistes et des représentants de mouvements de la société civile, mais surtout des femmes, des gens mûrs et de jeunes, tous activement engagés dans la vie de la société bosnienne.

Parce que la société civile en Bosnie-Herzégovine a dû faire face à la corruption ambiante et à la fatigue des gouvernements internationaux en prenant en mains, comme présenté dans le Colloque et dans le riche dossier en accès ouvert mis à disposition, des questions particulières comme la lutte pour la préservation de l’environnement, la condition des enfants issus de la guerre, les conditions de travail des travailleurs des usines délaissées, les conditions des gens qui ont perdu leur travail et la lutte pour une information correcte pour que le passé ne soit pas oublié.

Face à des politiciens qui sont toujours les mêmes depuis vingt-cinq ans, grâce à des exercices continus de transformisme politique et surtout à cause de l’appui qu’ils reçoivent de l’étranger en tant que garant d’une stabilocratie intérieure, qui se voudrait rassurante si vue de l’extérieur, qui a fini par tuer la démocratie. La société civile a dû s’engager pour s’occuper de soi-même, des plus faibles et de l’environnement.

C’est une société civile qui s’est rendu compte que les aides des ONG où les fonds qui arrivaient de l’étranger n’ont fait qu’alimenter la corruption et déresponsabiliser la politique locale et surtout ne pas résoudre les problèmes contingents. Par exemple un des participants au Colloque a fait noter que lorsque l’on a eu un problème urgent, comme celui qui s’est présenté au réseau d’approvisionnement de l’eau à la ville de Sarajevo, il n’y avait pas de temps pour faire un projet et obtenir un financement, il fallait agir tout de suite pour réparer la faille et c’est la société civile qui s’en est occupée.

Une société civile qui veut faire de la politique de façon différente, en regardant aux nécessités de base de la population, comme le souci de pouvoir emmener en toute sureté les enfants au parc, et non pas se soucier des magouilles pour rester au pouvoir le plus long possible. Une société civile faite par des gens qui veulent s’engager personnellement et non pas par le biais d’autrui, avec tout ce que cela peut entraîner, aussi des entrées et sorties continues de prison.

Parce que tous les témoins du Colloque ont clamé fort et clair qu’en Bosnie-Herzégovine il faut surmonter la corruption comme style de vie, le nationalisme par intérêt, l’absence de l’état de droit, tout en gardant la mémoire, la culture et la liberté de l’information.

Quelle politique étrangère pour la Bosnie-Herzégovine ?

Y a-t-il une politique étrangère de la Bosnie-Herzégovine ? On s’est posé aussi cette question étant donné la construction étatique particulière de la Bosnie-Herzégovine issue de Dayton, difficile à comprendre aussi pour ses propres citoyens, comme démontré dans une enquête menée auprès des jeunes et citée lors du Colloque.

Au sujet des relations extérieures du pays aujourd’hui la Bosnie-Herzégovine, à cause de son positionnement géographique, se présente aux jeux des pays limitrophes, comme souligné par le Rédacteur en chef du Courrier des Balkans, surtout comme un « sas d’entrée » dans l’Union européenne pour les flux migratoires traversant la route des Balkans. Une zone de concentration et de stockage temporaire de migrants qui pourrait s’ouvrir ou se refermer en mesure de la crise économique en Europe et au gré des intentions affichées par les mouvements populistes au pouvoir dans les pays voisins.

L’actuelle crise sanitaire n’aide pas et à cela il faut ajouter des pratiques peu correctes menées par la police de frontière croate envers des migrants de passage, et le fait que les passages des migrants représentent surtout une source facile de financement les réseaux criminels locaux.

« Regard sur la Bosnie », les yeux dans les yeux

Le regard sur la Bosnie que l’on vient de poser avec ce Colloque et un regard adressé à un pays qui, comme celui visité en 1839 par Matiia Mažuranić auteur de la chronique de voyage « Regard sur la Bosnie », reste un pays particulier. La Bosnie ottomane visité par Mažuranić était un pays exotique pour le visiteur, depuis vingt-cinq années la constitution du pays issues des accords de Dayton en a fait elle aussi un pays exotique du point de vue constitutionnel et politique. Toutefois, c’est un pays qui conquiert par sa population et ses beautés naturelles, Mažuranić n’aurait pas voulu quitter le pays, tant il s’y trouvait bien et il se sentait fait pour ce pays.

Le Colloque a été une occasion de rencontrer les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, au moins ceux qui y sont restés et n’en sont pas partis, ceux qui sont dans la société activement, ceux qui se soucient de leur société et de leur environnement. Ceux qui nous ont ouvert leurs maisons pour nous faire entendre leur voix, pour partager leur détresse et amertume, mais aussi la volonté de faire et de s’engager activement et personnellement. Ceux qui grâce à cette vidéo-conférence on a pu poser leur « Regard sur la Bosnie », en sachant qu’ils étaient les bienvenus.