Voici, ci-dessous, le texte dans son intégralité :
A Durazzo, L’arrivée de Ismail Kemal Bey
Un de nos amis, qui s’embarquait le 19 novembre, à Trieste, nous a adressé hier cet intéressant récit :
« Je viens d’être témoin d’un fait dont l’Europe parlera, sans doute demain, et qui, peut-être, aura une grande influence sur les événements qui se passent actuellement dans les Balkans.
Embarqués hier à Trieste sur le Bruenn à destination de Patéas, nous devions, d’après l’itinéraire, toucher en premier lieu à Brindisi, où nous arriverions le soir. Mais, comme nous avions à peine quitté Trieste, le bruit courut à bord que nous accosterions à Durazzo, où le prince albanais Kemal bey, avec sa suite, qui se trouvait parmi les passagers, devait descendre afin de proclamer aussitôt l’indépendance de l’Albanie.
Nous apercevons, en effet, Ismaïl Kemal bey en première classe. C’est un homme d’un certain âge. Entouré d’une dizaine d’autres personnages, il paraît grave et sympathique. Or, ce soir, mercredi, on nous confirme que vers dix heures nous serons en vue de Durrazzo.
A l’heure indiquée, par un temps magnifique – clair de lune et calme plat – nous voyons au loin les feux d’un bateau, ceux du steamer Wurmbrand du Lloyd-Autrichien. Le Bruenn stoppe à deux cents mètres de lui. On descend les échelles, puis des barques dans lesquelles Kemal bey et sa suite prennent place pour se diriger vers le Wurmbrand.
Voici les détails que j’ai pu recueillir et que je vous transmets.
Le prince albanais passera la nuit à bord de ce navire et demain débarquera peut-être à Durazzo pour y proclamer l’indépendance de l’Albanie, ainsi qu’à San Giovanni di Medua et à Valona.
J’ai pu converser quelques instants avec l’une des personnes de la suite du prince, un homme qui parle admirablement le grec et l’italien. Il m’a dit que le but de leur mission était de rendre l’Albanie aux Albanais et qu’ils n’entendaient pas que la Serbie ait des velléités sur un des ports qu’elle convoite.
D’après ce que j’ai cru comprendre, après avoir institué un gouvernement provisoire, ils veulent offrir le trône de l’Albanie à un prince étranger. Je crois que l’Autriche n’est pas étrangère à tout ce mouvement, car Kemal bey s’est embarqué sur un des bateaux du Lloyd qui fit un détour non prévu dans son itinéraire. Enfin il a passé du Bruenn à bord d’un autre bâtiment du Lloyd, le Wurmbrand, amarré au large de la côte albanaise à cet effet. »
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Article publié également en albanais : https://www.darsiani.com/la-gazette/le-figaro-1912-cfare-ndodhi-me-ismail-qemalin-dhe-suiten-e-tij-me-19-nentor-1912-rrefimi-i-rralle-ne-prestigjozen-franceze-une-jam-deshmitari-i-nje-ngjarjeje-per-te-cilen-do-te-flase-evropa/