Blog • Novo Mesto, une ville aussi émancipée que nostalgique

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Au sud-est de Ljubljana, je me suis arrêté à Novo Mesto le temps d’y découvrir ce qu’avait à me raconter mon hôte Artem...

Novo mesto, « nouvelle ville » en slovène, porte assez mal son nom. Paradoxalement, la nouvelle ville, fondée par l’archiduc Rodolphe IV d’Autriche (maison de Habsbourg) en 1365, alors appelé « Rudolfswertha », a une histoire loin d’être récente. Foyer de personnalités, d’industries, d’Histoire et d’histoires, d’émancipation et de nostalgie. Voici son portrait raconté par Artem, un travailleur social russo-slovène, qui m’a prêté un lit et une mémoire à partager.

La visite que nous ferons ici respectera un ordre temporel. Nous commencerons donc par la conquête romaine au premier siècle avant J-C de la région de la Krka - le fleuve traversant Novo Mesto. Artem pointe du doigt un rocher d’un mètre cinquante de haut et me demande ce que cela peut être. Je dois admettre avoir cruellement manqué d’inspiration. Nous sommes en fait sur une ancienne voie romaine. En s’approchant d’un peu plus près, il était possible de déchiffrer « Roma ».

La ville se développe ensuite avec l’arrivée des Slaves dès le VI siècle, c’est à partir de ce moment qu’elle est appelée informellement Novo Mesto. C’est seulement en 1783, toujours sous l’administration des Habsbourg, que la ville est appelée Neustädtl, « nouvelle ville » en allemand.

En 1472, les franciscains de Bosnie arrivent à Rudolfswertha suite aux raids de l’empire Ottoman. Ils s’installent avec des milliers de livres et de culture latine. C’est ainsi qu’un monastère a été construit et qu’un lycée à vue le jour en 1746. Cette migration des franciscains, de leurs textes et de leur culture a formé un grand nombre d’intellectuels slovènes. Du haut du clocher de la cathédrale Saint Nicholas, Artem me montre le siège de Krka - entreprise pharmaceutique mondialement implanté - et m’explique que parmi ces milliers de livres apportés, grand nombre d’entre eux portaient sur la médecine des plantes. Voici pourquoi, aussi surprenant fût-il, le siège d’une des plus grosses entreprises pharmaceutiques européennes se trouve dans une ville de 37 000 habitants.

En continuant notre route, Artem m’emmène dans l’arrière-cour du musée Doljenski et me montre une statue en pierre mal entretenue en me demandant ce qu’elle représente. Alors plus inspiré que pour le cailloux précédant, j’ai répondu sans hésiter « Tito ». En effet, la statue de Josip Broz Tito, a été sortie du musée et a été laissée à l’abri des regards dans son coin. Acte qui en dit long sur la Slovénie et son rapport à son passé yougoslave. En effet, le pays est connu pour être « le pays slave le plus occidental ». Cette phrase entendue à Zagreb par un groupe d’étudiants croates m’a été confirmée lorsque j’ai séjourné dans une ferme près de Maribor. La grand-mère de la famille me corrige gentiment lorsque je les mets dans la case « yougoslave » en m’expliquant qu’ils n’aiment pas être appelé ainsi. Artem ajoute qu’en Slovénie, une seule statue de Tito est restée érigée. Elle se trouve dans la ville de Velenje, toujours reconnaissante envers le maréchal pour le développement de cette dernière après la Seconde Guerre mondiale grâce aux extractions de lignite.

Cependant, même si les Slovènes que j’ai rencontrés sur ma route étaient distants avec la période yougoslave, ils ne l’étaient pas pour ce qui était de la lutte contre l’occupation durant la Seconde Guerre mondiale. En effet, dans la rue piétonne centrale de Novo Mesto, se trouve un monument au mort en hommage aux partisans tués le 30.12.1943 avec le remplacement des troupes d’occupation fascistes par les troupes nazis. De même, sur le marché aux puces de Maribor, de nombreux badges des partisans slovènes étaient fièrement mis en avant. C’est au tour du grand-père de la famille de me raconter plein d’orgueil son passé partisan avec beaucoup d’enthousiasme.

Ainsi, Novo Mesto à su s’approprier son histoire et se détacher d’une période yougoslave peu appréciée - toujours et seulement selon les Slovènes que j’ai pu rencontrer. Pour appuyer son passé résistant, la « nouvelle ville » - et Ljubljana - ont créé un édifice représentant des livres. Le concept est de rajouter un livre tous les ans représentant la culture slovènes. Artem ajoute qu’une majorité des ouvrages portent sur l’histoire des partisans. Une attache particulière à ce passé - évidemment romancé car collaboration avec les occupants il y a également eu.

Une ville et un pays occidentalisé aux yeux de ses voisins de l’Est. Une ville et un pays occidentale aux yeux des habitants avec qui j’ai échangé. Une ville anciennement nouvelle qui a su s’émanciper tout au long de son histoire.