Blog • Les 20 ans du Courrier des Balkans

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De g. à dr. : Chloé Billon, Vesna Marić, Emmanuel Ruben, Ornela Vorpsi et Velibor Čolić

Exil, accueil, traduction, écriture, musique, ce sont les mots de la journée de célébration des vingt ans du Courrier des Balkans, qui a eu lieu à Paris à la Bellevilloise. Sous le regard vigilant d’une tête de zèbre empaillée, véritable citation à la Pennac, se sont alternés sur l’estrade pour le côté rencontres littéraires des écrivains et des traductrices, pour le côté cinéforum, la salle a été transformée en salle de cinéma pour la projection du film du réalisateur serbe Želimir Žilnik « Destination Serbistan », sur la route de passage de l’immigration clandestine à travers la Serbie en 2014.

Aux mots déjà évoqués, on pourrait ajouter aussi le mot migration, qui sert de véritable trait d’union entre les deux parties de la journée, étant donné que les écrivains invités ont été eux-mêmes en leur temps des migrants, accueillis dans le pays dont ils ont adopté la langue d’expression.

Sur les pages du Courrier des Balkans, du moins pendant les dix années récents, on a déjà lu quelques articles sur ces écrivains de la langue d’exil, ces nouveaux Joseph Conrad, « Littérature : Ecrire dans la langue de l’exil » est l’un des intitulés des dossiers du Courrier des Balkans.

Langues de l’exil, de l’accueil, mais aussi langues d’élection

En gros, le titre de l’après-midi littéraire voulait dire que si bien accueillis, les écrivains en exil peuvent devenir écrivains dans la langue de leur accueil. Cependant, différents cas de figure se présentent. On a les véritables Conrad, ou ceux qui, écrivains déjà dans leur langue maternelle et à l’âge adulte, le redeviennent une autre fois dans la langue d’accueil. C’est le cas notamment de Velibor Čolić pour le français, ou d’Aleksandar Hemon pour l’anglais.

Dans le cas de ces auteurs la langue utilisée reste une langue d’expression, une sorte de langue « véhiculaire » qui consent la communication avec le pays d’accueil, mais dans lesquels ils restent des auteurs « étrangers », pour qu’ils soient vraiment assimilés à la culture d’accueil, il faut du temps et entre temps, dans leurs modalité de communication, forte est la composante de déracinement et par conséquent de distinction de la culture ambiante.

Dans la deuxième catégorie, on retrouve les écrivains qui, plutôt que dans la langue d’accueil, écrivent dans la langue de leur scolarisation à l’étranger, je pense à Marika Bodrožić ou à Saša Stanišić, les deux ayant fait leurs études en Allemagne en tant qu’enfants d’immigrés. Ce sont des écrivains tout à fait assimilés à la culture d’appartenance, à laquelle ils rajoutent leurs caractéristiques à eux, qui peuvent mieux se couler dans la culture ambiante à travers la langue d’expression que dans leur cas devient plus qu’une langue véhiculaire, le code linguistique étant le même et la culture de référence aussi.

Toutefois, dans ce cas aussi on peut avoir des surprises, parce que si on était habitué à l’émigration en Allemagne depuis la Croatie ou la Bosnie-Herzégovine, on se surprend de noter l’existence d’un auteur kosovar d’origine, comme Pajtim Statovci, qui écrit en finnois, une autre langue aussi rare que l’une des langues des Balkans. Comme d’ailleurs on se surprend de voir d’après la liste des participants à la rencontre littéraire que ce phénomène soit aussi répandu. Il parait que l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie, où la fin des régimes communistes dans les pays de l’Est d’Europe, a créé une nouvelle « Littérature de la diaspora ».

Enfin, on a les auteurs comme Ornela Vorpsi, qui peuvent changer de langue aussi facilement que de vêtements, en passant de l’italien au français au gré de ses déplacements. Elle représente les auteurs écrivant dans la langue d’élection, qui peut changer selon les goûts et les inclinaisons, tout comme les sujets traités.

La traduction et l’écriture, des ponts entre les cultures

La traduction aussi a été depuis toujours dans l’ADN du Courrier des Balkans, qui nait avec le but de faire connaître, en la traduisant en langue française, la presse indépendante des pays des Balkans, mais aussi d’en faire connaître la littérature à travers la traduction. Le travail des traductrices et traducteurs qui ont travaillé à partir de ces langues rares a été toujours souligné sur les pages du Courrier des Balkans, où il est aussi possible d’acheter ces précieuses traductions dans la boutique en ligne, la traduction bâtissant un pont entre cultures qui permet la compréhension réciproque.

Pour moi, l’écriture aussi a toujours fait partie de ma pratique du site. D’abord en écrivant des articles puis en me fendant de posts de blogs réunis dans « Le grand bazar », la partie accessible gratuitement du Courrier des Balkans. On y trouve des écrits et des analyses de différentes plumes, chacun avec son style et intérêt particulier, ces gens venant des différents coins des Balkans, de France et d’ailleurs, mais tous membres d’un projet commun. La rubrique contributive des blogs représente un véritable espace d’écriture, mais aussi de rencontre, dialogue et influences réciproques.

Parce que collaborer avec le Courrier des Balkans, c’est avant tout une expérience de partage et d’amitié, c’est partager les valeurs de l’engagement aux côtés des médias indépendants et des sociétés civiles de la région, et c’est vivre une amitié qui va au-delà des frontières et des langues et qui est une authentique aventure de l’écriture.

Merci et longue vie au Courrier des Balkans !