24 ans après la guerre, plus de 1 600 personnes sont portées disparues
Après 24 ans, plus de 1 600 personnes sont toujours portées disparues au Kosovo. Derrière chaque disparu, il y a des familles qui cherchent encore leurs proches. Cependant, il n’ existe pas de base de données commune aux différentes institutions et ONG s’ occupant des personnes disparues après le conflit. Seule la Croix-Rouge Internationale possède une base de données publique, mais seulement avec des informations de base. Jusqu’à présent, 97% des échantillons de référence d’ADN, nécessaires pour faciliter le processus d`identification, ont été collectés. Mais dans plus de 1 700 cas, on n’a pas pu établir de correspondance génétique.
Pire encore, des organismes internationaux comme la MINUK, EULEX et la KFOR n’ont pas déclaré s’ils avaient reçu les archives ou s’ils les avaient conservés, certifiant qu’un certain nombre de dossiers avaient été jetés, rendant l’accès aux archives impossible.
Le droit international humanitaire nécessite cependant des parties au conflit d’adopter les mesures nécessaires en vue de garantir que le sort des personnes disparues soit connu de leurs familles.
Le dialogue de l’UE n’a pas abordé la question des disparues
Pourtant ni Pristina ni Belgrade ne se sont engagés sérieusement à aller au fond des choses. De plus, le dialogue facilité par l’UE, un processus politique de haut niveau, lancé en 2011, n’en a pas fait une priorité qu’à ce jour. Les participants au dialogue ont plutôt concentré leur attention sur des questions telles que la libre circulation des biens et des personnes, ainsi que l’intégration des structures judiciaires et policières dans le nord.
Essentiel pour permettre aux individus d’avancer, un processus de construction de la paix et de l’État à long terme doit également viser à assurer la justice. Par ailleurs, si la reconstitution des faits, ainsi que la recherche de corps et d’archives étaient déjà difficiles il y a douze ans, elles le seront encore plus aujourd’hui. Il y a également un degré élevé de manipulation, de construction de mythes et d’anticipation du déni dans des contextes politiquement chargés d’après-conflit comme le Kosovo. De plus, il est difficile d’établir ce qui constitue exactement une “personne disparue” et de ne pas la confondre avec d’autres victimes.
Au moment du lancement du Dialogue, le Kosovo a adopté la loi sur les personnes disparues (loi n° 04-L023) visant à protéger les droits et les intérêts de celles-ci et des membres de leur famille. Mais les lois seules ne font pas la justice. En outre, la même loi prévoyait les pouvoirs et les responsabilités de la Commission gouvernementale sur les personnes disparues (GCMS). Celle-ci est chargée d’examiner toutes les demandes de disparition. En outre, elle coordonne ses activités avec des institutions locales et internationales, ainsi qu’avec des organisations. De plus, elle devrait établir et maintenir un registre central (art. 10, par. 3, et art. 13 de la loi) sur les personnes disparues. Mais cela ne s’est toujours pas concrétisé. Par ailleurs, son rôle de coordination avec les autres acteurs locaux et internationaux n’est pas sans ambiguïté.
Une première mesure se dessine
Malgré ces lacunes, un premier pas dans la sauvegarde des droits individuels et le maintien de l’État de droit a eu lieu récemment dans le cadre du dialogue et la proposition d’accord de l’UE sur la voie de la normalisation entre les deux parties.
Dans le texte de l’annexe de mise en œuvre, publié par l’Union européenne après la réunion d’Ohrid du 18 mars, le Kosovo et la Serbie ont convenu d’accepter d’urgence la déclaration sur les personnes disparues. En conséquence, les deux parties ont marqué leur accord sur un texte de déclaration le 4 avril. Ceci représente un premier pas dans la bonne direction avec le texte qui sera adopté lors de la prochaine réunion de haut niveau prévue le 22 avril.
On dirait que la version anglaise utilisée dans le texte est “forcement disparues”. Et c’est le terme qui a été convenu et qui apparaît dans l’accord.
On espère que les familles pourront désormais être optimistes en ce qui concerne ce qui est arrivé à leurs proches.
Besoin de coordination, d’une stratégie commune et de priorisation
Le Comité international de la Croix-Rouge a reçu 100 000 euros de Paris. Cet argent sera déterminant pour mener à bien sa mission humanitaire. L’argent, cependant, ne sera pas une solution. Il est nécessaire de mutualiser les synergies entre les différentes institutions locales, notamment le Centre de droit humanitaire et la Commission gouvernementale pour les personnes disparues. Mais aussi les ONG (par exemple, l’initiative des jeunes pour les droits humains), les organisations internationales, précédemment citées, et la Commission internationale des personnes disparues, qui jouent un rôle central dans cette question très délicate.
Concrètement, il devrait y avoir des examens conjoints entre les principales parties prenantes locales et internationales pour examiner les dossiers de fouilles, les rapports d’autopsie et les certificats de décès.
De plus, leur travail doit être transparent, non discriminatoire et responsable. Ces mesures contribueront à corriger les erreurs d’identification et des données manquantes.
Ne pas s’engager dans un travail commun ne fera que retarder la résolution du problème, avec des conséquences sur la nécessaire normalisation des relations que l’UE exige d’urgence. La première pierre a été posée et elle laisse place à l’espoir.
Cependant, le destin des personnes disparues et leur emplacement sont un processus long et complexe. Il appelle à l’identification fondée sur l’ADN, la localisation et la récupération des données.
Par conséquent, il faut avoir une stratégie commune et un plan de mise en œuvre. Par ailleurs, son application devrait devenir une condition et une priorité pour les deux parties souhaitant adhérer à l’UE. Bruxelles devrait être clair sur ce point et éviter les ambiguïtés. On peut en tirer des leçons et ne pas répéter la même erreur.