Blog • La Ciorbitza, étape 4 : Retrouvailles en Macédoine du Nord

Ça y est, nous voilà en Macédoine du Nord. Beaucoup d’émotions à l’approche de ce pays qui rappelle des souvenirs à l’une d’entre nous après y avoir vécu il y a quelques années.

Par Marie Thibaud et Émilie Pesselier

Nous arrivons par le Sud-ouest du pays au niveau du lac d’Ohrid. Ce lac est partagé entre l’Albanie et la Macédoine du Nord. Sur la partie macédonienne, les églises de la ville d’Ohrid offrent des vues magnifiques sur ce lac d’une étendue de 358km² et d’une profondeur pouvant aller jusqu’à 288m (faisant de lui le plus profond des Balkans).

Cette commune a été une ville importante par le passé : ancienne capitale de Macédoine, lieu important dans la religion orthodoxe mais aussi d’invention de l’alphabet cyrillique. L’endroit est désormais inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. Après les émotions des derniers jours passés en Albanie, cette halte fait donc du bien. Certes, le développement du tourisme a, ici aussi, marqué les évolutions de la ville. Mais l’ambiance reste calme, tranquille, posée et familiale.

Le retour en Macédoine du Nord, c’est aussi la redécouverte des kafanas, ces restaurants traditionnels où les plats se partagent, où le vin et la rakija ne manquent jamais, où des musiciens dans la salle agrémentent le repas de chants traditionnels et où l’on sait quand on arrive mais jamais à quelle heure on repartira. Salade macédonienne, Šopska salata, fromage, ajvar, lutenica, Pindžur, légumes grillés, pain, paprika, hot peppers, ... Le plein de saveurs est au rendez-vous. Des choses simples mais qui remplissent le corps et les âmes de souvenirs et de moments de partage.

Revenir en Macédoine du Nord, c’est aussi prendre le temps de poser un peu le vélo et chausser les chaussures de randonnée. Depuis Ohrid, nous allons marcher dans le parc national de Galičica, qui surplombe le lac d’Ohrid et celui de Prespa. Nous découvrons aussi la petite ville de Tetovo et sa magnifique mosquée du 15e siècle. La randonnée nous permet aussi d’aller à la découverte de petits villages traditionnels comme celui de Galičnik dans le parc naturel de Mavrovo, notamment connu pour ses fromages, le kachkaval et le sirene. Nous assistons même à une transhumance. Des centaines de moutons, chèvres et brebis remontent la montagne, guidés par les chiens de bergers yougoslaves.

De retour à Skopje, capitale du pays, nous enchaînons entre retrouvailles (de proches mais aussi de personnes rencontrées au cours de notre voyage que nous recroisons en chemin) et rencontres d’associations et de nouvelles initiatives : une coopérative de style AMAP ici, des initiatives pour l’environnement et le recyclage là, des réseaux de petits producteurs là-bas, des repas préparés pour des personnes sans-abri par ici, ou encore des échanges débutés avec des associations dans l’entreprenariat social qui annoncent déjà la poursuite du voyage par d’autres moyens une fois que nous serons rentrées en France.

Ces rencontres nous donnent des informations sur la situation actuelle du pays. L’inflation est forte et les salaires demeurent bas pour la plupart des habitants tandis que la dénonciation de la corruption continue. De nombreuses personnes partent pour l’étranger. D’autres reviennent. Mais l’absence de confiance dans tout ce qui est en lien avec l’État est marquante. Et la lassitude face à l’UE et ce statut de candidat du pays qui n’évolue pas depuis 2004 aussi. Certains nous parlent des tensions avec la Grèce qui sont moins fortes depuis le changement de nom du pays en 2018. D’autres, des tensions actuelles avec la Bulgarie notamment autour de la langue macédonienne. D’autres encore sont fatigués, lassés d’une situation qui n’évolue pas.

Ce séjour passé dans la capitale paraît improbable, hors du temps, à l’image des statues qui jalonnent le centre ville depuis le projet "Skopje 2014" (toujours pas terminé) sans comprendre leurs sens pour la plupart. Le centre ville a été largement transformé : construction de colonnes néo classiques, nouveaux ponts et bateaux de pirate jalonnent les rues ou le fleuve.

Improbable également par l’enchaînement de nos journées. Comme celle où, d’un passage dans une boulangerie pour observer la préparation des bureks, nous voilà arrivées dans le quartier de Šutka, plus grande communauté Rom d’Europe. Ce quartier existe depuis septembre 1963, mois au cours duquel un tremblement de terre a détruit plus de 70% de la capitale. Le faubourg rom du centre de la ville s’est déplacé vers ce quartier, plus éloigné. Aujourd’hui y vivent plusieurs milliers de personnes avec une municipalité propre. La minorité rom a été reconnue au niveau national, tout comme les ressortissants albanais, turcs, bosniens et autres minorités qui peuplent le pays à côté des Macédoniens.

Dans ce quartier, le sentiment d’une ville dans la ville est prégnant. Une grande pauvreté côtoyant une classe moyenne aussi. En témoignent la rue principale pleine de maisons cossues et fières contrastant avec la misère des rues situées à l’arrière. Beaucoup de questions nous traversent alors que nous déambulons avec deux femmes qui nous parlent des difficultés d’accès aux soins gynécologiques. La question de l’apatridie de plusieurs Roms du Kosovo est également abordée, ayant pour conséquence l’absence d’accès aux droits pour ces personnes. Nous repartons un peu sonnées...

Derniers passages dans le old bazar de Skopje et son marché, où nous savourons le thé servi dans toutes les échoppes qui l’entourent. Proche du old bazar, il y a les bains et le caravansérail, très bien conservés.

Dernier kafana, savourer les derniers moments de partage avec les proches, et il est l’heure de reprendre les vélos pour continuer notre parcours. Nous décidons vu le peu de temps qu’il nous reste et de la météo de partir directement pour la Roumanie.


Quelques partages culinaires :

  • Mandija : soupe servie en guise de repas (contrairement à la ciorbă utilisée en entrée), épaisse et composée de morceaux de viande et de légumes. C’est généralement la soupe de la maison, avec ce qu’il y a dans le frigo.
  • Tavtché Gravtché : plat à base d’haricots blancs cuits au four dans une sauce à base de légumes.
  • Ajvar : crème traditionnelle à base de poivrons rouges (à distinguer du lutenica, plus piquant et dans lequel sont ajoutés d’autres légumes).
  • Nafora : pain grillé saupoudré de fromage et de paprika.
  • šopska salata : salade de concombre et tomates saupoudrés de fromage de type sirene (fromage à pâte blanche de type feta mais plus salé)
  • Salade macédonienne : tomates et poivrons grillés avec des oignons
  • Salep : préparation en poudre à base de tubercules d’orchis servie avec lait chaud et cannelle, boisson héritée de l’empire ottoman
  • Boza : boisson fermentée à base de céréales, héritée de l’empire ottoman