Blog • La Ciorbitza, étape 3 : rencontres touchantes en Albanie

Après les côtes bétonnées du Monténégro, nous traversons l’Albanie et laissons pour quelques jours nos vélos, le temps d’aller à la rencontre des habitants d’un village en compagnie d’un guide.

Par Marie Thibaud et Émilie Pesselier

Nous débutons la découverte de l’Albanie par le Nord du pays, venant du Monténégro. À l’approche de la frontière alors que nous quittons la route côtière, les édifices musulmans se font plus nombreux. Nous découvrons de jolis villages très animés, ponctués de stands où les agriculteurs et agricultrices locaux vendent leurs produits directement sur le côté de la route. Ces instants du quotidien ne sont pas pour nous déplaire après les grandes infrastructures touristiques de la côte.

Nouvelle frontière, nouvelle langue (l’albanais étant une langue à part au sein des Balkans occidentaux où le slave est le plus répandu, suivi du grec et du latin), nouvelles aventures qui nous attendent.

Notre découverte de l’Albanie débute par l’Eco-social Farm située un peu avant la ville de Shkodër. Il s’agit d’un lieu qui accueille des touristes à vélo de passage dans la région. Nous y faisons notamment la rencontre d’une jeune Allemande qui voyage également à vélo dans les Balkans et avec laquelle nous partageons la majeure partie de notre étape albanaise. La ferme est aussi et avant tout une structure associative qui accompagne des adultes en situation de handicap, sensibilise aussi les groupes scolaires à l’environnement et à l’agriculture, etc. Cela permet de nourrir nos réflexions autour de partenariats à imaginer.

Au-delà de la ferme, l’association mène plusieurs actions dans la ville de Shkodër. Déambuler dans cette ville surnommée "la ville du vélo" nous amène à voyager entre ses multiples influences, austro-hongroises, ottomanes, etc. Nous visitons le Musée Marubi, dédié au premier photographe du pays. Les clichés retracent les grands moments de l’époque comme le Congrès de Berlin mais aussi des instants du quotidien. Dans la ville, nous nous réjouissons de croiser de nombreux cyclistes albanais.

De là, nous décidons de lâcher nos vélos quelques jours pour partir découvrir avec un guide la région autour du petit village de Theth, située dans les "Alpes albanaises" au nord du pays, en direction du Kosovo. Le trajet se déroule sur fond de turbo folk, style musical qui mêle sons traditionnels et rythmes électro-techno. Nous nous amusons des rituels de notre guide dont certaines subtilités nous échappent : divers échanges tout au long de la route avec des habitants, plaisanteries avec les policiers, etc. Nous comprenons qu’il est un personnage important de la vallée de Theth. Ce lieu a su préserver une identité forte, d’abord sous l’administration ottomane pendant plusieurs siècles mais aussi sous le très dur régime dictatorial d’Enver Hoxha.

Nous découvrons aussi le livre du Kanun, code médiéval qui régissait auparavant la vie courante au nord de l’Albanie, au Kosovo, au Monténégro et en Macédoine occidentale. En observant notre guide, nous nous demandons dans quelle mesure l’usage du Kanun demeure une référence implicite dans la gestion des pratiques quotidiennes.

Nous nous interrogeons cependant sur les conséquences à venir du développement du tourisme dans cette vallée, Theth restant une très belle vallée mais les infrastructures touristiques en cours de construction risquant de faire perdre de son authenticité au lieu.

En Albanie, nous rencontrons plusieurs personnalités, souvent touchantes. Une chute à vélo heureusement sans grande gravité entraîne de belles rencontres avec des personnes souvent amusantes et attentionnées. Nous apprenons que l’hospitalité est une valeur cardinale ici, ce que nous avions déjà pu constater dans les échanges prévenants des habitants à notre égard lors de notre passage à vélo dans les petits villages.

Nous finissons notre tour albanais par la découverte de la capitale, Tirana. La ville a conservé des immeubles d’inspiration soviétique mais certains ont été repeints, ce qui leur donne des allures de gros "paquets cadeaux". La ville a aussi été très marquée par la période de dictature d’Enver Hoxha mais aujourd’hui l’ancien quartier de la nomenklatura est devenu le lieu branché des trentenaires. Nous découvrons le Bunker Art 2, ancien bunker transformé en musée sur l’histoire de la police et des services secrets depuis la création de la République d’Albanie en 1912. Le lieu apporte beaucoup d’informations mais la partie portant sur les 40 ans de dictature est assez éprouvante.

L’Albanie a en effet connu une dictature entre 1947 et 1991, souvent présentée comme l’une des plus dures d’Europe de l’est. Enver Hoxha a isolé le pays, multipliant les contrôles aux frontières pour empêcher toute personne de quitter le pays mais aussi d’y entrer. La propagande, la surveillance constante de la population, l’usage de camps de concentration et de travail forcé, la torture, les prisonniers politiques, etc., ont ainsi marqué l’histoire contemporaine de ce pays.

Avant de quitter l’Albanie, nous rencontrons l’associationTek Bunkeri, dont le projet initial était la réhabilitation de quelques uns de 175 000 bunkers construits sous Enver Hoxha. Aujourd’hui, l’association participe aussi à la construction d’un réseau de structures associatives dans les Balkans. Leur point commun est d’utiliser l’art comme expression militante. Ils investissent l’espace public et encouragent la pratique du théâtre, du journalisme citoyen, organisant aussi des cinés débats, des ateliers, etc.

Côté cuisine, nous nous régalons en Albanie, entre les influences turque, grecque et italienne. Le restaurant Era de Tirana est une belle découverte, le chef y revisite ainsi les classiques albanais.

Mais il est déjà temps pour nous de reprendre la route vers la Macédoine du nord.


Quelques partages culinaires :

  • Specka me Gjize : poivrons grillés farcis au fromage
  • Japrak : feuilles de vigne à base de viande, riz, oignons, aneth
  • Fasole pllaqi ne ene : haricots blancs cuits dans une sauce tomate servis dans un plat en fonte
  • Qofte me festik e ajke : boulettes de viande sur sauce yaourt aigre servi avec menthe et pistaches dans un plat en fonte
  • Qofte kungalli freskvar : beignets de courgettes, tomates, ricotta, aneth servis avec du yaourt