Blog • La Ciorbitza, étape 2 : Au Monténégro, beaucoup de questions en suspens

Après avoir traversé la Bosnie-Herzégovine en direction du Sud, nous arrivons au Monténégro. Ce voyage gastronomique est aussi l’occasion de parler de frontières, de religions et de tourisme, avec plus de questions que de réponses.

Par Marie Thibaud et Émilie Pesselier

Après une longue montée en pleine chaleur entrecoupée d’une plaine qui nous fait passer par la route du miel, nous arrivons à la frontière entre la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro. Premier passage de frontière à vélo. Et voilà que, de la douane, deux policiers de Frontex sortent et viennent nous demander d’où nous venons. Les frontières et leurs passages nous questionnent depuis le départ. Si faciles à franchir pour certaines personnes et si difficiles pour d’autres... Les questionnements sur la facilité du voyage et du mouvement pour nous reviennent ainsi que nos conversations lors de notre dernière soirée à Mostar avec Uwe, qui nous parlait des routes de la résistance lors des conflits en Bosnie-Herzégovine désormais empruntées par des personnes en migration.

Mais pas le temps de trop réfléchir non plus, concentration maximale nécessaire pour garder le cap dans la descente qui nous attend, vent de face, et nous apporte comme première image du Monténégro une vue magnifique sur la baie de Kotor.

Nous sommes le samedi 21 mai. Et nous apprenons que, jusqu’à mardi, tout est fermé au Monténégro, en raison d’une fête nationale de trois jours célébrant l’indépendance du pays vis-à-vis de la Serbie en 2006. Le Monténégro n’est pas entré en confrontation avec la Serbie et n’a pas connu les affrontements des années 90.
Pourtant notre étape au Monténégro nous interroge sur son histoire, des drapeaux serbes et russes étant présents à plusieurs endroits.

Nous ne resterons que trois jours dans ce pays et le quittons donc avec une sensation d’incompréhension. Trop peu de temps pour comprendre tous les tenants et aboutissants de la complexité du pays. De sa géographie également. En effet, face aux montagnes dans les terres et à leur aridité, nous devons rapidement changer notre itinéraire. Nous renonçons à l’EuroVelo qui longe le lac de Skhoder et prenons la route de la côte, pensant pouvoir profiter un peu de la mer avant de revenir dans les terres pour le reste du voyage. Mais ce sont des images de baies ravagées par le tourisme qui nous attendent en haut du col. Les impacts du tourisme nous interpellent et nous questionnent. Entre aspects positifs pour l’économie du pays d’une part mais aussi destruction et pollution de la nature d’autre part, nous interrogeons de nouveau notre place dans tout cela. De même, nous croisons de nombreux immeubles en cours de construction ou à l’arrêt, dans un spectacle de tourisme massif auquel nous n’étions pas préparées.

Le tourisme à vélo (auquel nous participons) est également plus présent qu’en Bosnie-Herzégovine. Nous rencontrons ainsi sur cette étape beaucoup plus de voyageurs et voyageuses à vélo, dont certains que nous recroisons en cours de route.

À côté des hôtels, à Bar, de massives églises orthodoxe et catholique surplombent la mer. Dans ce pays, nous croiserons moins de bâtiments musulmans, sauf en se rapprochant de la frontière albanaise. Nous apprenons aussi que des habitants de Russie se sont installés au Monténégro depuis le début du conflit. Nous croisons en effet de nombreuses plaques de voitures russes et ukrainiennes.

Beaucoup de questions qui demeurent donc en suspens...

Malgré ce sentiment partagé d’incompréhension sur ce pays, nous parvenons à échanger quelques recettes traditionnelles au fil des rencontres. Étant passées par la côte, nous découvrons des saveurs moins connues des Balkans autour des fruits de mer et du poisson. Des terres, nous apprenons quelques noms de fromages dont certains comme le Proscetto reflètent les influences vénitiennes, également présentes dans le patrimoine de Kotor et Petrovac. Sur les marchés, les étals d’olives et de charcuterie rappellent l’Italie. Le café est également toujours là, plus sous la forme de l’espresso que du café turc que nous avions jusque là rencontré. Des Allemands venus dans les années 80 ont également laissé le nom de Deutsche Coffee qui désigne un café avec beaucoup de lait. On nous parle également de la rakija à 50 degrés parfois présente dès le petit déjeuner. La région de Podgorica, la capitale, détient aussi la palme d’un énorme vignoble en Europe, Plantaže. La production d’alcool fait maison n’étant pas interdite, il est également d’usage de créer son propre vin et sa propre rakija dans chaque famille.

Séjour bref dans ce pays mais intense. Dernière montée en passant par des petits villages où les délicieuses odeurs de jasmin nous accompagnent, et nous voilà qui roulons vers l’Albanie.


Quelques partages culinaires :

  • Zelje : plat d’hiver à base de viande et de blettes.
  • Njeguši : fromage de vache.
  • Kastradina : plat d’hiver à base de viande de brebis et chou blanc.