Blog • L’image des Balkans, dix années de coopération avec Le Courrier des Balkans

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L’Europe en 1914. Caricature allemande
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Le 9 février dernier marquait le dixième anniversaire de ma coopération avec Le Courrier des Balkans, débutée juste après la soutenance de ma thèse de doctorat, précédées, curant la rédaction de cette thèse, de cinq autres années de consultation du site pour le recueil des renseignements en langue française au sujet des Balkans. Cette échéance c’est pour moi donc l’occasion pour faire un double bilan : de thèmes et sujets traités dans ces dix années de coopération, avant dans les articles et, depuis il y a deux années, dans le blog que je tiens sur le page du Courrier des Balkans. Mais aussi l’occasion pour faire un bilan de ma relation personnelle avec les études balkaniques.

Tout a commencé avec l’article « Balkanisation, un nom fourre-tout pour toutes les saisons ? », mon souci étant de m’arrêter sur l’image des Balkans, après l’avoir affronté dans ma thèse de doctorat à partir de l’œuvre de référence de Maria Todorova, Imagining the Balkans. D’ailleurs, le sujet de l’image des Balkans reste toujours d’intérêt même aujourd’hui, les Balkans continuant à avoir un problème d’image, et finissant à la une de la presse pour des événements affreux, il suffit de rappeler ici le suicide en directe devant les caméras du général croate de Bosnie Slobodan Praljak face au jugement du jury du TPIY.

Comme si les récits de voyages de jadis soient toujours confirmés, je pense ici au livre de Rebecca West sur la Yougoslavie recueillant ses impressions en 1937, où dans la préface au récit du voyage en Croatie on parle du fait que le terme de « balkans » était considéré en langue française un synonyme de violence.

Une image fortement stéréotypée

Ce souci d’image continue aussi dans d’autres écrits que j’ai publiés sur le site, image non seulement des Balkans avec leur allure douteuse et féroce, mais aussi l’image de l’Europe, changée dans le temps et destinée à évoluer (le Brexit, les changements politiques, les soixante années de la signature du Traité de Rome, les trente années du programme d’échanges Erasmus (« Quelle image de l’Europe et quelle citoyenneté ? L’Europe des échanges »), où simplement de notre société qui se transforme avec l’apport des nouvelles technologies (« L’image des Balkans un jour de fête au parc de Plitvice »).

Une image aux contours géographiques flous, si l’on pense aux articles dédiées aux contentieux transfrontaliers qui ont intéressé soit la terre que la mer (la zone de pêche dans le Golfe de Piran), une image véhiculée par les mots, la langue et les arts. Les mots de la narration des écrivains des Balkans s’exprimant dans la langue d’exile (Aleksandar Hemon, Herta Müller, Marica Bodrožić et autres), mais aussi des auteurs moins connus en Europe, parce que peu traduits, où simplement oubliés (Ivan Goran Kovačić), la langue parlée jadis et aujourd’hui (la toponymie en Istrie et le patois istro-vénétien), comme l’œuvre des artistes (Ivan Meštrović).

Evidemment, la part du lion est celle des écrits aux sujets de l’intégration des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne, ou à d’éventuelles formes alternatives de coopération entre eux et avec l’Europe. Sur un totale d’une cinquantaine entre articles et blogs, la moitié est dédiée à ces thèmes directement issus du sujet de ma thèse et de quelques sorte mis à jour dans les années sur les pages du Courrier des Balkans. Notamment dans le cas de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne qui a eu lieu après la soutenance de ma thèse.

Il y a là tout le charme des « area studies », de ses études d’aires, dits aussi des études régionaux, comme on les définit aux Etats-Unis, qui intéressent une zone géographique et qui ont le charme et la chance de pouvoir être poursuivis dans le temps, parce que simplement le devenir du temps complète ses études. C’est une véritable passion celle qui est déchainée par les études d’aires qui meut de la curiosité et de l’intérêt pour une aire géographique de la part d’un chercheur. D’autant plus que l’approche est interdisciplinaire, et donc l’intérêt peut être élargi à différents aspects : géographie, histoire, politique, sociologie, mais aussi aux réalités issues de l’aire géographique, comme les phénomènes de la diaspora et de l’émigration et leurs manifestations.

Sans que cela soit un objectif en soi, ces dernières dix années je suis arrivée à continuer à m’occuper du sujet de ma thèse de doctorat qui m’avait absorbés pendant cinq ans, en pouvant au même temps le diffuser en en partageant certains aspects avec les lecteurs du Courrier des Balkans. Dans les faits j’ai réalisé un conseil que j’ai récemment entendu suggérer à des thésards français lors d’une journée d’études sur les thèses et le mémoires universitaires : leur publication, diffusion et conservation qui s’est tenue à Paris le 7 décembre dernier. Le conseil étant celui de tenir un blog sur le sujet de sa thèse, comme solution intermédiaire dans l’attente de publier sa thèse en accès ouvert où par un éditeur, cela afin de diffuser au moins en partie les résultats de la recherche, et peut-être, par ce moyen, de trouver un éditeur intéressé en commençant à se faire connaître comme des experts dans le sujet. Parce qu’avant tout une thèse de doctorat c’est ça : devenir expert dans un sujet que l’on étudie et recherche pour au moins trois années.

Certes, dans le temps mes contributions se sont éloignées des thèmes de ma thèse, la faute de temps a fait si que certains approfondissements n’étaient plus possibles, parce que il aurait fallu un surcroît de recherche que ce n’était plus possible, et alors d’autres thèmes ont pris le relais et c’est surtout la littérature qui a pris de la place, ainsi que d’autres intérêts personnels. Aussi le passage des articles aux posts du blog a joué dans cette transition, pouvoir traiter le sujets de façon plus personnelle a fini pour donner plus de place à de thèmes plus intimes ou à un approche plus individuelle et donc plus libre.
Cependant, mon souhait est de pouvoir continuer à m’occuper des Balkans dans le futur et de pouvoir reprendre à faire de la recherche dans le sujet, d’ailleurs comment abandonner un thème qui m’a fait compagnie désormais pendant quinze années. Un grand merci au Courrier des Balkans qui me consent de continuer et partager cette passion.