Blog • L’été d’Olta, d’Ornela Vorpsi : un roman sombre et oppressant dans l’Albanie d’Enver Hoxha

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Retrouvez Ornela Vorpsi à l’occasion des 20 ans du Courrier des Balkans, à La Bellevilloise (19-21 rue Boyer, 75020 Paris), pour un après-midi littéraire le samedi 1er décembre à 14h.

Nous sommes à Tirana dans les années 1970, au plus fort de la dictature d’Enver Hoxha. L’Albanie est coupée du monde. Les Chinois de Mao, que l’on observe fascinés dans les rues de la capitale albanaise, constituent le seul lien avec le monde extérieur. Olta est une fillette vivant avec sa mère Veronika qu’elle admire éperdument pour sa beauté, cette mère qu’elle redoute aussi par dessus tout pour ses éclats, ses mots qui blessent l’âme à tout jamais, cette mère aux « nerfs cassés ».

Le père d’Olta, Arshi, a disparu du jour au lendemain. « Le néant l’a englouti ». Avec sa mère, l’enfant s’interroge sur les raisons de cette disparition. Les visages qui se ferment, les médisances, les sarcasmes voilés, des policiers soupçonneux et odieux, vaguement concupiscents, qui se jouent de leur angoisse et de leur douleur, alors qu’ils savent ce qui s’est passé. Rien ne leur est épargné dans cette quête de la vérité. Olta et Veronika apprennent enfin, stupéfaites, qu’Arshi croupit en prison dans le nord du pays. Sept ans. Comme prisonnier politique, lui pourtant qui « se souciait comme d’une guigne de la politique », s’étonnent quelques proches.

L’été d’Olta est le court récit à la première personne d’une double oppression sur une enfant proche de l’adolescence. Il appartient au lecteur de décider s’il y a un signe d’espoir dans cet univers noir et crépusculaire. L’auteur se garde bien de tout optimisme.

Il y a tout d’abord l’oppression d’une société bâillonnée qui se détourne impitoyablement des éléments politiquement suspects. Veronika est visée par une Fletë-rrufe, cette pratique qui consistait dans l’Albanie d’Enver Hodja à dénoncer publiquement un individu sous la forme de caricatures affichées dans son quartier. Olta découvre un jour, horrifiée, l’une d’entre elles qui « ressemblait à en crever les yeux à ma pauvre Déesse de maman ».

Olta ne fait que s’enfoncer encore plus dans la solitude, rongée par un sentiment d’opprobre et de culpabilité face à cette mère dont elle souhaiterait tant être aimée, une mère parfois violente, paranoïaque, destructrice même. La petite fille est maintenant persuadée qu’elle constitue le seul obstacle au remariage de sa mère et se désespère d’avoir hérité des traits de son père, bien incapable de résister au jeu de massacre psychologique qu’on lui fait subir, terrassée par l’ascendant de sa mère. « Je marchais à ses côtés, meurtrie de ressembler au monstre qui croupissait dans sa cellule. Oh quel dommage, tu n’as rien pris de ta mère ! Ta mère, oh ta mère elle laisse les hommes sans sommeil. Qui la voit est damné ! »

L’été d’Olta est la deuxième fiction d’Ornela Vorpsi rédigée directement en français après Tu convoiteras (2014), également chez Gallimard. Née en 1968 à Tirana, elle s’est installée à Milan au début des années 90. Ornela Vorpsi vit à Paris depuis 1997 et partage son temps entre l’écriture et ses réalisations de plasticienne. Elle a également écrit en albanais et en italien.