La corruption est l’abus d’une fonction publique à des fins privées. Les données disponibles indiquent que le Kosovo est hautement corrompu. Le pays n’a obtenu que 36 points (0 étant le plus corrompu) et se classe 101 sur 198 pays et territoires selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International en 2019, en baisse de trois points depuis 2017. Des rapports consécutifs de la Commission européenne préviennent que la corruption est endémique et que le pays en est encore à un stade précoce de l’adoption de l’acquis de l’UE et des normes européennes pour développer des mécanismes efficaces pour lutter contre cette situation redoutable.
Les deux tiers des citoyens du pays déclarant que la corruption est l’un des principaux problèmes auxquels leur pays est confronté (Transparency International, 2016), le Kosovo a également enregistré un niveau élevé de corruption perçue, ce qui a réduit la confiance des citoyens dans le secteur public.
Dans le petit pays balkanique, la corruption prend la forme du clientélisme et du népotisme. La nomination de membres du parti ou de la famille aux conseils d’administration d’entreprises publiques et l’emploi de parents ou d’amis proches à des postes élevés au sein du gouvernement est une pratique courante.
Nous devons aller au-delà de la guerre de 1999.
Afin de comprendre la corruption endémique du Kosovo, « nous devons aller au-delà de la guerre de 1999 », déclare Alastair Butchart Livingston, conseiller principal chez le Cabinet du Premier ministre du Kosovo, au Département des affaires communautaires. « Pendant 500 ans, le Kosovo a été sous l’empire ottoman, un système fonctionnant selon des principes corrompus. Puis le socialisme a suivi avec le même état d’esprit et le même fonctionnement. Plus tard, la guerre a éclaté. De nombreuses personnes-clés ici sont très puissantes et sont d’anciens commandants et vétérans de l’UÇK. Ainsi, les juges et les procureurs sont très réticents à agir contre eux. »
Ehat Mifaraj, directeur exécutif de l’Institut de droit du Kosovo (IDK), mentionne que : « Tout le monde au Kosovo sait que la justice et les procureurs sont un échec totale. Nous avons en pratique un État capturé. Et, année après année, l’UE essaie de reporter le problème et assure l’impunité aux acteurs principaux. Au cours des cinq dernières années, je ne parlerais pas de progrès, car vous pouvez voir le genre de jeu joué par notre gouvernement et pleinement soutenu par le bureau de l’UE au Kosovo. »
Parmi les différentes institutions locales engagées dans la lutte contre la corruption au Kosovo, le IDK surveille 10 000 audiences par an. « Nous sommes la seule ONG spécialisée dans le suivi des travaux du Conseil judiciaire du Kosovo, du Conseil des procureurs du Kosovo et du ministère de la Justice », dit Ehat Mifaraj. « Nous surveillons tous les cas de corruption devant les tribunaux. Nous nous occupons aussi de la confiscation des avoirs et des conflits d’intérêts. Nous fournissons des commentaires sur toutes les questions liées à la corruption et au crime organisé. »
Le IDK dispose d’environ 50 moniteurs. « Avant de devenir moniteur, ils suivent une formation très approfondie sur la législation dans notre institut » dit Mifaraj. « Ils doivent comprendre les procédures et la législation, ils doivent être des experts dans ce domaine. Ainsi, à partir de chaque suivi d’audition, nous rédigeons un rapport et chaque rapport est publié sur notre site web, afin d’informer le public et les acteurs locaux clés. »
Les juges, les procureurs et la police sont un gros problème
Les juges et les procureurs représentent le gros problème pour le manque d’un système judiciaire efficace. Florent Spahija, conseiller juridique à l’Institut démocratique du Kosovo (IDK) dit : « Nous devons les contrôler pas seulement professionnellement, mais aussi éthiquement et en matière d’intégrité. Parce que, je pense, nous avons un problème dans ce sens. La moitié des juges et procureurs du Kosovo sont très bons et très professionnels, 30% ne sont pas des professionnels mais ne sont pas corrompus et 20% sont hautement corrompus. Ces 20% sont en mesure de tout faire, car ils sont bien connectés avec tout le monde ici. »
Mais, aussi la police doit être mieux formée. « Les partis politiques » dit Florent Spahija « ont une forte influence sur la police. Par exemple, le commandant de la police. est nommé par le Premier ministre et le Président. Donc, ils ont des liens solides et c’est un problème. Ce que nous avons ici c’est une corruption structurée ». Donc « on a besoin de bonnes formations, pas de visites-formations, et nous avons besoin de très bons professionnels qui nous aideront pour la procédure de sélection des nouveaux hommes qui seront nos futurs juges, procureurs ou policiers et l’UE pourrait jouer un rôle de surveillance et de conseil à cet égard ».
Le problème majeur de la lutte contre la corruption est le manque d’intégrité des principales institutions : les juges, les procureurs et la police. « On ne peut pas lutter contre la corruption avec des institutions corrompues », dit Ehat Mifaraj. « 60% des personnes qui travaillent dans le système judiciaire sont incompétentes et pas professionnelles. La plupart du temps, elles sont recrutées sur la base de leurs propres affiliations politiques. »
Nicasia Picciano est un politologue avec une longue expérience de recherche sur la consolidation de la paix et la construction de l’État au Kosovo et dans les Balkans occidentaux. Cet article fait partie de sa recherche pour la Kosovo Foundation for Open Society Building Knowledge About Kosovo 4 – Alumni project.