Au défi de la survie (1/5) | Vie chère et petits salaires : la colère s’étend à toute la Bosnie-Herzégovine

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Enseignants, personnels de santé, salariés du secteur public... Une vague de colère s’étend en Bosnie-Herzégovine, de Sarajevo à Mostar et même à l’entité serbe, alors que l’inflation ronge les budgets des ménages.

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Par Anissa Messina

Des centaines de personnes ont répondu à l’appel de 7 syndicats à Sarajevo le 29 novembre.
Syndicat indépendant des fonctionnaires et employés du canton de Sarajevo | Facebook

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées le 29 novembre devant le Parlement du canton de Sarajevo pour dénoncer les difficultés économiques croissantes auxquelles les citoyens de Bosnie-Herzégovine sont confrontés. Organisée par une coalition de sept syndicats de la fonction publique, la manifestation avait pour but d’obtenir une augmentation du salaire minimum de 600 à 680 BAM, soit 340 euros, ainsi que des aides ponctuelles du même montant pour chaque travailleur. Brandissant des pancartes proclamant « l’inflation nous tue », les manifestants reprochaient aux institutions de ne rien faire pour endiguer l’augmentation du coût de la vie, alors que les parlementaires votaient le budget pour 2025 de la Fédération, l’entité bosno-croate du pays.

Malgré des efforts pour stabiliser le coût de la vie, l’année à venir s’annonce déjà éprouvante pour beaucoup de Bosniens. Le budget pour 2025 a été revu à la baisse, avec une diminution de 3,43 % par rapport à celui de 2024. Si l’inflation elle-même a baissé par rapport au pic de 17 % au début de l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, elle reste un obstacle pour de nombreux ménages : la vie quotidienne est de plus en plus onéreuse, avec une hausse marquée des produits alimentaires (+3,4 %), du logement et de l’énergie (+3 %). Le prix de l’essence, qui devrait encore augmenter en 2025, s’élève désormais à 1,20 euros le litre, contre 1,80 euros en France.

Par ailleurs, l’année 2024 a vu s’établir une augmentation significative des impôts et taxes indirectes : les recettes fiscales des impôts pour 2024 ont atteint 5,25 milliards d’euros à l’échelle du pays, soit 8 % de plus que l’an passé.

À cela s’ajoute un problème structurel : la Bosnie-Herzégovine dépend fortement des importations, et de nombreux produits alimentaires importés coûtent plus chers dans les supermarchés bosniens qu’en Allemagne, en Autriche ou dans le reste de l’Europe occidentale. Avec un déficit commercial de près de cinq milliards d’euros pour 2024, le pays peine à équilibrer sa balance commerciale, ce qui aggrave davantage la situation économique de ses citoyens.

La colère s’étend à tout le pays

Les syndicats du secteur public ne sont pas les seuls à exprimer leur colère et exiger des réponses des autorités. Le 5 décembre, les employés du Centre hospitalier universitaire de Sarajevo ont manifesté pour la troisième fois pour exiger des mesures face aux blocages administratifs et financiers qui entravent le fonctionnement de l’établissement. À Mostar, les enseignants du canton de Herzégovine-Neretva poursuivent depuis plusieurs mois un mouvement de grève, réclamant davantage de moyens matériels et une amélioration des conditions de travail. Bien qu’une augmentation de leur salaire leur ait été proposée lors d’une déclaration de la Première ministre, aucune négociation n’a abouti, laissant les enseignants dans l’incertitude quant à leur avenir.

La colère est également palpable dans l’entité serbe du pays, où une augmentation des prix de l’électricité a été annoncée pour les mois à venir. Selon les économistes, une famille de quatre personnes a désormais besoin de 1250 euros par mois pour couvrir ses besoins avec des revenus inférieurs à la moitié de ce montant. L’Assemblée de Republika Srpska a également augmenté l’assiette des cotisations, mettant en péril les petites et moyennes entreprises déjà fragilisées par l’inflation. « Ces changements dans la loi ne feront qu’obliger de nombreux entrepreneurs à ne pas s’enregistrer du tout, à opter pour le travail illégal ou à quitter le pays. La question est donc de savoir qui paiera alors des impôts pour l’État », a réagi Jelena Trivić, présidente du Front populaire, en opposition au puissant parti SNSD de Milorad Dodik.

Bien que les députés aient approuvé une augmentation du salaire minimum en 2025 lors de la session du 29 novembre dernier, la lassitude et la méfiance de la population grandissent envers les autorités. Les syndicats rappellent que les parlementaires fédéraux ont encore augmenté leurs salaires de 150 euros par mois, portant la hausse totale depuis le début de leur mandat à 1 000 BAM, soit 500 euros. La décision a été mal accueillie, alors que près de 18 % de la population de Bosnie-Herzégovine vit sous le seuil de pauvreté en 2024.