Par Pavol Szalai, Responsable du bureau Union européenne-Balkans de RSF
Alors que le pouvoir serbe vacille sous le poids d’une contestation populaire déclenchée par l’effondrement mortel de la gare de Novi Sad, ville du nord du pays, il y a cinq mois, il resserre l’étau autour des médias indépendants et critiques. Depuis le 1er novembre dernier, les journalistes subissent des agressions et des menaces, des pressions politiques et judiciaires ainsi qu’une surveillance arbitraire. La liberté de la presse, critère d’adhésion à l’Union européenne (UE) à laquelle la Serbie est candidate, est bafouée sans forte objection des institutions européennes : après une rencontre avec le président Vučić, la présidente de la Commission s’est fendue d’une tiède remarque sur la nécessité de « mesures » pour la liberté de la presse, alors que la Commissaire à l’élargissement Marta Kos s’est contentée d’une simple mention de la « presse indépendante », sans faire état des graves violations à son endroit en Serbie.
« Proches de l’asphyxie, la sécurité et l’indépendance des médias serbes sont incessamment remises en cause par le pouvoir en place. Les États membres et les institutions de l’Union européenne ne peuvent rester dans une posture attentiste face à ces violations systématiques du droit à l’information. RSF exhorte notamment le Parlement européen à réclamer à la Commission de fermement dénoncer les dégâts commis par les autorités serbes sur la liberté de la presse, qui est un critère sine qua non de l’adhésion du pays à l’Union européenne. »
• Menaces de mort et agressions
Les journalistes indépendants sont la cible d’attaques physiques – au nombre de 14, à ce jour – et de menaces : le 25 mars, la voiture de la journaliste critique du régime, Rijalda Mujezinović, a été gravement vandalisée en face de sa maison de famille. Deux jours plus tôt, Saša Dragojlo, journaliste pour le média d’investigation BIRN, a été agressé par des partisans du parti du président Aleksandar Vučić sous les yeux de la police. Lors d’un reportage le 15 février, des militants du même parti ont proféré des menaces de mort envers la journaliste Ksenija Pavkov de la chaîne N1. Depuis plus d’un an, les journalistes Dinko Grunhojić et Ana Lalić Hegediš sont menacés de mort sous les encouragements des politiques de la majorité.
• Pressions politiques
Les autorités politiques utilisent tous les moyens pour étouffer la presse libre : refoulement des journalistes étrangers, telles que l’équipe de la chaîne de télévision croate RTL ou la journaliste freelance croate Iva Anzulović, qui s’est vu refuser l’entrée car considérée comme un risque pour la sécurité ; blocage de N1, la plus grande chaîne indépendante, auquel des membres du parti au pouvoir ont participé ; perquisition de la rédaction du site de fact-checking Istinomer. Le président Vučić exerce personnellement une pression constante sur l’audiovisuel public RTS qui lui est traditionnellement inféodé.
• Surveillance par des logiciels espions
Le 14 février 2025, deux journalistes du média BIRN ont été victimes d’une tentative d’infection de leurs téléphones avec le logiciel espion Pegasus. En novembre dernier, un rapport d’Amnesty international a révélé l’espionnage massif par les forces de police au travers du logiciel Cellebrite, dont au moins un journaliste.
La Serbie occupe la 98e place sur 180 pays et territoires au Classement 2024 de la liberté de la presse de RSF.