Lundi 17 août 2015, la pop yougoslave perdait l’un de ses monstres sacrés, le Croate Arsen Dedić. Né en 1938 dans une famille pauvre de Šibenik, le jeune Arsen avait d’abord fait son droit avant d’oser se lancer dans la chanson. Sa longue carrière, commencée au début des années 1960, l’avait mené aux quatre coins de la Yougoslavie. Partout, sa voix de velours faisait frémir le public. Après l’implosion de la fédération, Arsen Dedić n’avait jamais renié son engagement socialiste, lui qui assurait avoir pu vivre de la chanson grâce à la politique égalitariste promue par Tito. En tout cas, jamais il n’avait cédé aux puissantes sirènes nationalistes croates - celles qui avaient pourtant séduit nombre de ses anciens amis. Plusieurs de ses succès sont aujourd’hui des classiques, O mladosti, Sve što znaš o meni ou Ne daj se Ines. Hommage.
Kemal Monteno est mort le 21 janvier 2015 des complications d’une transplantation de rein. Né en 1948 d’un père italien et d’une mère bosniaque, il avait commencé sa carrière de chanteur tout jeune, dès le milieu des années 1960. Lidija, sa première chanson gravée sur microsillon, date de 1967. S’en était suivi près de 50 années de succès, de la Yougoslavie titiste à la Bosnie-Herzégovine d’après-guerre. Depuis la fin des années 1990, il souffrait d’un diabète qui l’avait lourdement handicapé. Son titre le plus célèbre reste sans aucun doute Sarajevo Ljubavi Moja (Sarajevo, Mon Amour), un hommage à sa ville de cœur. Ses ballades pop nostalgiques chantées de sa voix franche et douce lui avaient valu le surnom de « Roy Orbison bosniaque ». Balkanophonie lui rend hommage avec une sélection forcément subjective de 12 chansons piochées dans sa longue discographie.
Le Zbor, c’est d’abord un jeu de mots : l’article français « le » suivi de « zbor », qui signifie « chœur ». Prononcé à la croate, ça donne « lézbor », lesbienne. Formé en 2005, ce « premier chœur lesbien croate » est devenu une véritable sensation de la contre-culture des Balkans. Loin d’être sectaires, les quinze filles qui composent le groupe défendent les droits de toutes les minorités : homos, migrants, travailleurs, etc. Leur crédo : la relecture de chansons populaires en mode LGBT. À découvrir de toute urgence. Parce que Le Zbor, c’est bon pour la santé. Si si. (Et désolé pour ce mauvais jeu de mots, on n’a pas su résister...).
Depuis 1988, date de la sortie de son premier disque, Antonije Pušić plus connu sous son pseudo Rambo Amadeus fait se gondoler tous les Balkans avec sa musique au groove délirant. Étonnant alliage de funk, de rock, de jazz, d’électro et même de folk et de classique, son répertoire se joue des codes et des étiquettes pour mieux se moquer des travers d’un monde qui perd la tête. À la tête d’une œuvre qui compte neuf albums studio et trois live, Rambo Amadeus peut aussi se targuer d’être l’inventeur du terme turbo folk. Balkanophonie lui consacre une deuxième playliste spéciale cinq ans après la première. Il était temps.
Pour la Moldavie, le grand bond en avant du rock s’est produit en 1969. Cette année-là, le groupe Noroc écoule plus de 2,5 millions de copies de son EP 4 titres grâce au single De ce Plîng Chitarele. Un titre qui atteint même la 6e place des charts en Allemgange de l’Ouest, un exploit pour des musiciens venus de l’autre côté du rideau de fer. Noroc et son leader mythique Mihail Dolgan ont ouvert la voie à la scène rock de la petite république soviétique devenue indépendante en 1991. Pop, soul, disco, métal, il y en a eu pour tous les goûts en près d’un demi-siècle de guitares amplifiées du côté de Chișinău. Balkanophonie vous offre un aperçu en 10 extraits de cette scène quasi inconnue hors des frontières moldaves.