Bosnie-Herzégovine : in memoriam Srđan Dizdarević

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Ancien diplomate, grande figure de la société civile, longtemps président du Comité Helsinki pour les droits de la personne de Bosnie-Herzégovine, Srđan Dizdarević est décédé mardi à Sarajevo, des suites d’une grave maladie. C’était aussi un grand ami du Courrier des Balkans.

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Par Rodolfo Toè

Srđan Dizdarević (devant le général Divjak), lors du lancement du Courrier de la Bosnie-Herzégovine, Sarajevo, février 2007.
© CdB/ Laurent Geslin

Né en 1952 à Sarajevo, où il acheva ses études en 1976, Srđan Dizdarević a été journaliste, diplomate et surtout un défenseur acharné des droits de la personne, notamment durant la guerre, quand il décida de quitter son poste de premier secrétaire de l’ambassade de Yougoslavie (RSFY) à Paris, pour revenir vivre le siège de Sarajevo aux côtés de sa famille.

Toute l’histoire de la famille Dizdarević est d’ailleurs marquée par un fort engagement contre le nationalisme et le fascisme : son père, Nijaz Dizdarević, (1920-1989), partisan, diplomate, ambassadeur de RSFY en Irak, Algérie et France. Ses six frères, les oncles de Srđan, se sont tous illustrés dans la lutte contre les occupants nazis et fascistes.

Dans les années 1980, Srđan Dizdarević devint rédacteur-en-chef-adjoint du quotidien de Sarajevo Oslobođenje, puis, après la mort de Tito, il décida d’entamer une carrière diplomatique. Ce parfait francophone fut nommé au poste de premier secrétaire de l’Ambassade de Yougoslavie à Paris, qu’il occupa de 1987 à 1991.

« Il y avait des moments où je pensais que Sarajevo n’avait qu’une chance sur cent de survivre, mais cette possibilité suffisait. »

En 1991, à l’éclatement de la guerre entre Croatie et Serbie, Srđan décida d’abandonner la sécurité de sa vie parisienne (« il devenait impossible de travailler dans une ambassade de la Grande Serbie », déclara-t-il) et, en avril 1992, quelques jours seulement avant le début du siège, il rejoignit sa famille à Sarajevo. Il refusa toutes les offres qui lui furent faites par la suite de quitter la ville et le pays : « il y avait des moments où je pensais que Sarajevo n’avait qu’une chance sur cent de survivre, mais cette possibilité suffisait », expliqua-t-il au quotidien français Libération.

Le 11 février 1995, Srđan a fondé le Comité d’Helsinki pour les droits de la personne en Bosnie-Herzégovine, devenant une figure centrale de la société civile et des alternatives au nationalisme. « Les accords de Dayton n’admettent aucune alternative », déclarait-il en 1997 au quotidien serbe Naša Borba. « Il faut que nous regroupions toutes les forces non-nationalistes, car elles sont les seules qui peuvent assurer la construction d’une Bosnie-Herzégovine normale ».

« Il faut que nous regroupions toutes les forces non-nationalistes, car elles sont les seules qui peuvent assurer la construction d’une Bosnie-Herzégovine normale. »

Il écrivait en 2005 : « Les partis nationalistes sont en train de bloquer toute évolution du pays par peur de perdre le pouvoir. Les autorités religieuses les soutiennent et ceux qui s’opposent au nationalisme, la société civile émergente, n’ont toujours pas assez de poids pour se faire entendre. (...) Il n’y a aucune démocratie en Bosnie-Herzégovine, même pas au niveau de la Constitution, car les habitants de ce pays ne sont pas considérés comme des citoyens, mais comme les membres d’une communauté ethnique déterminée ».

C’est aussi cet engagement, en faveur d’une Bosnie-Herzégovine citoyenne et non-nationaliste, qui a poussé Srđan Dizdarević, avec d’autres personnalités comme le réalisateur Danis Tanović, à participer, en 2008, à la création de Naša Stranka. Ce parti voulait incarner la possibilité d’un changement mais il n’a jamais réussi à obtenir un soutien significatif des électeurs. En effet, la Bosnie-Herzégovine d’aujourd’hui ressemble toujours beaucoup à celle de 1995, toujours divisée par des populismes nationalistes. Les voix critiques comme celle de Srđan Dizdarević sont plus que jamais nécessaires.

Le Courrier des Balkans adresse toutes ses condoléances à la famille de Srđan, à ses proches, à ses parents, en Bosnie-Herzégovine et en France.