Médias en Slovénie : l’argent tue le journalisme indépendant

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Les plans sociaux dans les médias slovènes ne cessent de se multiplier. Le quotidien de centre-gauche Delo n’a pas échappé à cette tendance : syndicats et journalistes indépendants s’inquiètent du sort de ce journal de référence.

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Par Charles Nonne

D. R.

Les licenciements prennent aujourd’hui une tournure dramatique au sein de Delo, racheté en 2015 par la holding financière FMR. Le quotidien, né en 1959 de la fusion entre Ljudska pravica et Slovenski poročevalec, suit une ligne sociale-libérale de centre-gauche, axée sur le journalisme d’investigation. L’année dernière, le journal avait activement participé à la publication des Panama Papers.

Pour l’éditorialiste Janko Lorenci, « les résultats financiers ne sont pas mauvais du tout. Sur 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, FMR a réalisé un bénéfice d’un million en un an : le prix d’achat de Delo sera compensé en sept ans ». Le problème est, selon lui, dans la gestion des ressources humaines : « On se débarrasse des journalistes comme des sacs de pommes de terre, qu’ils soient bons ou mauvais ».

En 18 mois, une quarantaine ont été remerciés, ramenant les effectifs à 140 rédacteurs et 40 pigistes. « C’est une situation inacceptable qui place les intérêts du capital avant le contenu », fustige un collectif de 135 personnalités des médias et de la culture dans une lettre ouverte, dès les premiers licenciements-éclairs.

« Nous sommes devenus les témoins vivants de la décadence du journalisme de terrain et d’investigation, du lien direct avec les gens, des bonnes histoires », s’est récemment désolé le journaliste à la retraite Marijan Zlobec.

Le licenciement récent de deux nouvelles journalistes de renom, Petra Jančič et Sonja Merljak Zdov, a de nouveau mis le feu au poudre et déclenché une réponse immédiate de tous les syndicats de journalistes.

La direction se contente d’informer les rédacteurs en chef de la liste de gens à virer.

« Les journalistes ne sont guère plus que des chiffres et des lignes de dépenses, l’approche comptable commence à grignoter l’autonomie des rédactions, tandis que la direction se contente d’informer les rédacteurs en chef de la liste de gens à virer », se sont émus le syndicat des journalistes de Delo, ainsi que le syndicat des journalistes de Slovénie (SNS).

Le rachat des journaux par de grandes holdings financières n’est pourtant pas une nouveauté en Slovénie. Leur gestion est souvent marquée par la méconnaissance du fonctionnement des médias : licenciement des journalistes les plus réputés, et donc les mieux rémunérés, dialogue social exécrable, violations alléguées des règlementations sur le travail. « On fait des journalistes des travailleurs subordonnés », se plaint l’Union des journalistes et publicitaires (ZNP).

La Slovénie figure en 40e position sur 180 au classement 2016 de Reporters sans Frontières sur la liberté de la presse, une chute de cinq places en un an.

Cet article est produit en partenariat avec l’Osservatorio Balcani e Caucaso pour le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), cofondé par la Commission européenne. Le contenu de cette publication est l’unique responsabilité du Courrier des Balkans et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.