Blog • Roumanie : la Patrie en danger selon l’Académie et le PSD

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Aux mille et une trouvailles verbales et graphiques concoctées par les centaines de milliers de protestataires contre la tentative d’auto-amnistie de la classe politique entreprise par le gouvernement actuel PSD, ce dernier n’a pas manqué de réagir à son tour.

Manifestation contre l’auto-amnistie de la classe politique : "Une fois de plus, vous m’avez mis en colère"

Aux premières réactions se sont rajoutées d’autres, dont celle de la ministre du Travail semble battre tous les records en matière de cynisme et de grotesque :

« Les protestataires qui sont venus avec leurs enfants au meeting devraient réaliser qu’ils sont irresponsables, puisqu’ils les emmènent en zone de guerre », a déclaré mercredi 15 février Lia Olguţa Vasilescu, maire de la ville de Craiova qui est elle-même poursuivie pénalement.

Décidément, participer à une manifestation, à un meeting de protestation, c’est entrer en zone de guerre ! Drôle de conception de la démocratie…

Les fonctionnaires de l’Autorité nationale pour la protection de l’enfance, l’organisme saisi par la ministre, ont sur le champ procédé à une enquête mais semblent avoir abandonné cette piste. En effet, en matière de protection de l’enfance, il y a mieux à faire en Roumanie.

Autre morceau d’anthologie, le discours pathétique du député Cătălin Rădulescu, condamné à un an et six mois de prison avec suspension pour faits de corruption, lors du meeting de soutien au PSD qui a eu lieu samedi 18 février à Pitesti :

« Nous voulons qu’on nous laisse travailler. Elever nos enfants en toute tranquillité, ne pas être arrêtés, ne transformez pas ce pays en criminels et voleurs, les Roumains ne sont pas des voleurs ! Laissez-nous faire de bonnes lois pour les hommes, rester au Parlement, que l’on cesse de nous coller des dossiers et de nous arrêter un après l’autre comme monsieur Iohannis et sa bande l’ont fait ces quatre dernières années.(…) Nous voulons un Président roumain ! »

l’Appel de l’Académie roumaine : traduction intégrale

Dix jours auparavant, le 8 février, en marge des manifestations de rue, 84 membres de l’Académie roumaine lançaient un Appel au peuple roumain sur le thème « la patrie en danger ». Ce soutien inattendu au « parti de l’ordre », PSD, est assez vite passé à l’arrière-plan de l’actualité. Il soulève cependant des problèmes qui ne manqueront de peser dans un débat politique en Roumanie qui s’annonce particulièrement orageux. En voici la traduction complète :

« Les signataires de cet appel, inquiets devant les évolutions interne et internationale de ces dernières décennies marquées par une continuelle et alarmante tentative d’érosion de l’identité, de la souveraineté et de l’unité nationale de la Roumanie mais aussi par beaucoup d’actions placées sous le signe du globalisme et du « politiquement correct » ainsi que des actions directement dirigées contre l’Etat et le peuple roumain (réécriture tendancieuse de l’histoire, dénigrement des symboles nationaux, subversion des valeurs et des institutions fondamentales, sabotage de l’avenir, déshéritement des générations à venir par la vente des terres, des ressources du sol et du sous-sols, le défrichement des forêts, la vente ou la mise en faillite des unités économiques, dégradation de l’enseignement et du système sanitaires, par la politisation excessive des structures de l’Etat et de la société qui a comme effet la déprofessionnalisation, la confusion des valeurs, la corruption, l’apparition de tensions sociale), préoccupés tout particulièrement par les tentatives récurrentes de « régionalisation » de la Roumanie ou de la constitution d’enclaves autonomes sur des bases ethniques [allusion aux revendications d’un « pays sicule » magyarophone en Transylvanie], revendications contraires à la Constitution et aux tendances d’intégration européenne, totalement improductives du point de vue économique, social et de qualité de vie dans cette zone, nous nous exprimons fermement contre toutes ces actions,
nous nous prononçons avec force en faveur de l’identité, la souveraineté et l’unité nationale,
nous sollicitons les institutions de l’Etat roumain pour veiller et agir afin de prévenir, contrecarrer et, quand la loi est bafouée, pour punir toutes les diversions et les agressions contre l’identité, la souveraineté et l’unité nationale de la Roumanie.

Nous appelons à nos côtés le peuple roumain, les habitants de cette terre, nous nous adressons tout particulièrement aux intellectuels en les invitant à se montrer exemplaires en matière de sagesse et de patriotisme, nous nous adressons aux hommes politiques pour qu’ils oeuvrent ensemble en responsables et en patriotes pour le bien de la Roumanie, ceci d’autant plus que nous nous trouvons à la veille du centenaire de la Grande Union de toutes les provinces roumaines, événement que le peuple roumain a attendu, pour lequel il a souffert, travaillé et lutté pendant des siècles en faisant tant de sacrifices.

Honorons nos héros, soyons à leur hauteur, laissons aux générations suivantes, à tous les Roumains un pays uni, souverain, maître sur ses terres, éduqué, prospère, un pays de l’Europe unie mais avec sa propre identité, roumaine.

Que l‘avenir nous juge ainsi ! »

PS Parmi les signataires des historiens surtout - Dinu C. Giurescu (né en 1927), Dan Berindei (né en 1923), Alexandru Zub (né en 1934) – des écrivains Eugen Simion (né en 1933), Nicolae Breban (né en 1934) – des linguistes – Marius Sala (né en 1932)…

Décidément, après l’Eglise orthodoxe roumaine, le premier parti de Roumanie, le Parti social-démocrate (ex-communiste), pourra compter désormais aussi avec le soutien de la non moins conservatrice, réactionnaire et nationaliste Académie roumaine.

Enfin, pour éviter toute confusion, rappelons que bien des élus et des proches du principal parti d’opposition, le Parti national-libéral, échappaient également aux poursuites judiciaires si l’ordonnance du PSD était adoptée !