Le pape François et les réfugiés : depuis Lesbos, une leçon de solidarité

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Le pape François s’est rendu à Lesbos pour rencontrer des réfugiés, en compagnie du patriarche oecuménique de Constantinople. Simple geste humanitaire et visite de solidarité, selon le Vatican. Mais peu après la signature de l’« accord de la honte » entre l’Union Européenne et la Turquie, la résonance politique est indéniable.

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Par Elisa Perrigueur

Le Pape François et le Patriarche Bartholomée à Jerusalem en 2014
cc Wikimedia Commons / Nir Hason

[Mise à jour — 17h 30] Arrivé sous les projecteurs aux alentours de 10 heures samedi matin, le Souverain Pontife a effectué une première visite dans le camp de Moria, un camp de rétention qui enferme quelques 3 000 réfugiés. Très encadré, accompagné du Patriarche Bartholomée et de l’archevêque orthodoxe d’Athènes, le Pape François a salué plusieurs dizaines de migrants, et déjeuné avec une poignée d’entre eux. Dans l’enceinte du camp fermé au public, des bénévoles brandissaient des pancartes dénonçant l’accord UE-Turquie.

« Nous sommes tous des migrants »

À l’issue de ce passage, le pape a gagné le port de Mytilène sous une importante escorte policière. Sous un soleil de plomb, face aux caméras, il a prononcé un discours à destination des riverains. Appelant à ne « jamais oublier que les migrants, avant d’être des numéros, sont des personnes, des visages, des noms, des histoires », il a ensuite affirmé : « Nous sommes tous des migrants ».

Aux alentours de 15 heures, le souverain pontife a regagné l’aéroport. Il a décidé d’emmener dans son avion douze réfugiés. Tous Syriens, ces derniers rejoindront le Vatican. Ils avaient fait des demandes d’asile avant le 20 mars, accord UE-Turquie. Et restaient depuis piégés sur l’île de Lesbos.

Pour la visite historique du pape François, venu en solidarité avec les réfugiés, Lesbos avait été « nettoyé » et des moyens sécuritaires importants ont été déployés. Certes, les journalistes venus couvrir la visite semblaient ce matin plus nombreux que les touristes, mais dans les rues de cette île de 90 000 habitants, on ne parle que de « lui ». Valia, vendeuse dans une librairie du centre-ville, s’extasie. « Bien sûr que cette visite est importante, même incroyable. Il n’était pas obligé de le faire. Nous avons eu beaucoup de passages de célébrités à Lesbos, comme Angelina Jolie ou Susan Sarandon. Mais le pape représente un milliard de catholiques, sa voix a une influence ».

Le pape représente un milliard de catholiques, sa voix a une influence

Si le Vatican assure que cette visite est « strictement humanitaire et œcuménique », la visite du pape sur cette île symbole de la crise des réfugiés, quelques semaines seulement après la signature de l’accord entre l’UE et le Turquie qu’il a dénoncé, a une résonance politique indéniable.

Les habitants de Lesbos s’interrogent toutefois sur le but escompté de ce passage éclair à Lesbos. « C’est difficile de comprendre pourquoi il ne vient que maintenant, après le flux important de réfugiés. Aujourd’hui, il n’y presque plus d’embarcations qui arrivent », explique Apostolos, gérant d’un café à deux pas du port. « Nous sommes bien sûr contents de mettre en lumière les problèmes qui ont touché notre île, notamment le manque de soutien de l’Europe dans cette crise. Mais si on réfléchit au coût financier de cette visite, on se dit que l’argent aurait pu servir à autre chose », ajoute Apostolos. Par exemple, à aider les réfugiés, suggère t-il.