Médias : au Kosovo, Insajderi, le renouveau du journalisme d’investigation

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Il a longtemps été la plume la plus respectée de Koha Ditore, le grand quotidien du Kosovo. Avec un associé, Vehbi Kajtazi a lancé lundi 1er février son propre journal en ligne, Insajderi, spécialisé dans l’investigation. Dans un paysage médiatique encombré, ce nouveau titre entend se démarquer par des enquêtes introuvables ailleurs. Entretien.

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Propos recueillis par Belgzim Kamberi

Le Courrier des Balkans (CdB) : Vous étiez journaliste d’investigation au quotidien Koha Ditore. Pourquoi avez-vous décidé de créer le journal en ligne Insajderi et quelles sont vos ressources initiales ?

Vehbi Kajtazi (V. K.) : La première raison qui m’a incité à créer avec deux associés le journal en ligne Insajderi, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de journalisme d’investigation dans le paysage médiatique kosovar. Nous voulons proposer un média qui travaille exclusivement dans ce domaine. Avec mon collègue Parim Olluri, qui a travaillé pendant des années au BIRN comme journaliste d’investigation, nous pensons que l’union de nos forces dans un nouveau média apportera des résultats concrets dans le domaine du journalisme d’investigation. Notre projet commence avec dix journalistes avec l’objectif de voir rapidement notre rédaction croître.

Nous nous focalisons sur la corruption, le crime organisé, les crimes de guerres et le terrorisme

CdB : Comme nous le disions, vous avez longtemps travaillé à Koha Ditore. Pourquoi avez-vous décidé de quitter ce journal qui a la réputation d’être ouvert ?

V.K. : J’ai travaillé six ans à Koha Ditore. J’y avais un grand espace de liberté et un fort soutien pour mes articles d’investigation, même les plus sensibles, qui ont eu une influence non seulement dans le pays, mais aussi à Bruxelles comme par exemple la vaste affaire de corruption au sein d’Eulex. Le lancement de notre journal en ligne n’a aucun lien avec le groupe Koha, mais avec ma volonté de diriger un média qui, outre les miens, publie aussi les articles d’investigation de mes collègues.

CdB : Quels sont les sujets qu’Insajderi entend couvrir en priorité ?

V.K. : Nous nous focalisons sur la corruption, le crime organisé, les crimes de guerres et le terrorisme. Pour notre lancement, nous avons par exemple une lettre de Daech envoyée à l’ancien Premier ministre Hashim Thaçi (aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, NDLR) pour l’intimer de ne pas se ranger au côté des États-Unis et l’Occident, mais des « musulmans opprimés ». Dans les jours à venir, nous publierons d’autres investigations sur les abus de fonds publics par des hauts représentants de l’Etat.

CdB : Le Kosovo compte un grand nombre de médias. Peut-être même trop vu les ventes. Comment vous pensez vous démarquer dans un paysage aussi encombré ?

V.K. : Il y a toujours de l’espace pour un nouveau média sérieux, surtout s’il s’agit de journalisme d’investigation. Nous ne prétendons pas de faire des « miracles », mais je suis persuadé que nous parviendrons à susciter l’intérêt du public avec notre traitement de l’actualité. Nous avons besoin de médias de journalisme d’investigation, car il y en a peu au Kosovo. Insajderi aura sa place dans cet espace.

De nombreux problèmes du Kosovo sont liés à d’autres pays de la région, notamment à la Serbie ou à l’Albanie

CdB : Les sources d’informations semblent assez compliquées en ce qui concerne les questions de crimes de guerres, de crime organisé et decorruption. Comment comptez-vous vous procurer les contenus nécessaires pour produire une information de qualité sur ces sujets ?

V.K. : Nous allons essayer d’influencer aussi nos collègues de travailler et travailler exclusivement sur des documents et des preuves tangibles. Il existe pas mal de tels documents, on doit simplement les trouver. Que ce soir Parim Olluri ou moi-même, nous avons trouvé les moyens d’y accéder par le passé, nous pensons pouvoir continuer.

CdB : La criminalité et la corruption sont liés à des réseaux régionaux et internationaux. Allez-vous collaborer avec des groupes médiatiques régionaux sérieux qui travaillent sur ces sujets ?

V.K. : Insajderi est ouvert à toute collaboration avec les médias qui cultivent le journalisme d’investigation. De nombreux problèmes du Kosovo sont liés à d’autres pays de la région, notamment à la Serbie ou à l’Albanie. Nous allons publier des articles sur la criminalité transfrontalière et interétatique, etc. Bien évidemment, pour de telles publications, une collaboration avec des collègues et des médias régionaux est indispensable. Nous sommes favorables à ce genre de collaboration qui de toute façon est avant tout pour le bien des citoyens.


Cet article est produit en partenariat avec l’Osservatorio Balcani e Caucaso pour le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), cofondé par la Commission européenne. Le contenu de cette publication est l’unique responsabilité du Courrier des Balkans et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.