Classement de la liberté de la presse 2018 : dans les Balkans, RSF dénonce les pressions politiques

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La plupart des pays des Balkans grimpent dans le classement 2018 de la liberté de la presse. La Bulgarie ferme la marche tandis que la Serbie plonge. Reporters sans Frontières condamne les pressions des dirigeants politiques, qui n’hésitent plus à attaquer publiquement les médias d’opposition. État des lieux.

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Par la rédaction

© Reporters sans frontières

Dans les Balkans, la plus forte chute dans le classement de RSF est à l’actif de la Serbie d’Aleksandar Vučić, qui perd 10 places en un an (76e). Pour RSF, l’ancien Premier ministre élu à la présidence au printemps 2017 « utilise les médias pro-gouvernementaux pour intimider les journalistes », comme au temps de Slobodan Milošević. Ceux qui s’opposent au pouvoir sont qualifiés de « traîtres à la nation » ou « d’espions à la solde de l’étranger ».

Outre les menaces et insultes dont ils font l’objet, les journalistes des Balkans doivent aussi faire face aux assauts des organisations criminelles. Leur bête noire : les journalistes d’investigation, qui traquent les hommes d’affaires sans scrupules et mènent des enquêtes transnationales pour venir à bout de ces filières mafieuses tentaculaires.

C’est la Bulgarie, pourtant membre de l’Union européenne, qui ferme la marche dans l’Europe du sud-est, à la 111e place (-2). « Les attaques physiques et les menaces de mort des groupes mafieux contre des journalistes sont fréquentes », dénonce RSF. Le pays, qui assure la présidence tournante de l’UE au premier semestre 2018, occupait le 36e rang du classement RSF en 2006. Cette dégringolade en douze ans lui confère aussi la pire place, de loin, dans l’UE.

Malgré les pressions qui restent fortes, la plupart des pays des Balkans grimpent dans le classement de RSF. La Slovénie, en tête dans la région, gagne cinq places pour atteindre la 32e tandis que la Grèce, 74e, fait le plus grand bond, +14 la Croatie, 69e, +5, le Kosovo, 78e, +4, la Bosnie-Herzégovine, 62e, +3, le Monténégro, 103e, +3, la Roumanie, 44e, +2, la Macédoine, 109e, +2, et l’Albanie, 75e, +1.

Cela n’empêche pas l’ONG de défense de la liberté de la presse de rester très prudente, notamment sur la précarisation des journalistes, la propriété, souvent obscure, des médias balkaniques, ainsi que l’autocensure, plus répandue que jamais. La Turquie, 157e, s’enfonce dans les limbes du classement, tandis que la Moldavie, 81e, perd une place.

En Albanie, le Premier ministre Edi Rama s’en est plusieurs fois pris aux journalistes tout au long de l’année 2017, les qualifiant « d’ignorants », de « poison », de « charlatans » et même « d’ennemis publics ». Les professionnels de l’information dénoncent la collusion entre le pouvoir et les propriétaires des médias.

En Croatie, la nouvelle coalition conservatrice-libérale (HDZ–HNS) assure considérer la liberté de la presse comme « un sujet de première importance pour un État membre de l’Union européenne ». Les attaques contre la presse d’opposition, notamment Novosti, l’hebdomadaire de gauche édité par le Conseil national serbe, et la multiplication des discours de haine restent néanmoins « une source d’inquiétudes » pour RSF, d’autant que « les attaques contre les journalistes ne sont pas suffisamment condamnées par les dirigeants ».

Au Monténégro, le journaliste d’investigation chevronné, Jovo Martinović, a passé quatorze mois derrière les barreaux, accusé de trafic de drogues par les autorités. Sa faute, avoir été en contact avec un narcotrafiquant dans le cadre d’une enquête. S’il a été remis en liberté, son procès est toujours en cours. Il risque jusqu’à dix ans de prison.