Blog • Qui est la jeunesse roumaine ?

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Etre jeune en Roumanie, c’est habiter chez ses parents jusqu’à 30 ans, trembler face au chômage et rêver d’une vie à l’étranger. Voici quelques statistiques.

De nombreuses administrations roumaines regroupent dans la catégorie « jeunes » tous ceux qui ont entre 14 et 35 ans. Ils seraient environ 7 millions, soit un tiers de la population totale, selon l’Autorité nationale de recherche scientifique. Ces jeunes sont toutefois de moins en moins nombreux à l’heure où la population de la Roumanie ne cesse de décroître. Depuis 2002, elle a diminué de 12% sous les effets conjugués de l’émigration et d’une baisse du taux de natalité, selon le dernier recensement organisé dans le pays en 2011. La Roumanie compte aujourd’hui 19 millions d’habitants, soit 2,6 millions de moins que lors du précédent recensement il y a dix ans. Parmi eux, de moins en moins de jeunes donc, et toujours plus de retraités (5,5 millions en 2011)…

Indépendance tardive

Dans son film Tanguy, Etienne Chatillez racontait avec humour comment un jeune Français de 28 ans refusait de quitter ses parents. Un scénario qui prêterait moins à rire en Roumanie où les hommes prennent leur indépendance en moyenne à 30 ans, et les femmes à 27 ans, selon Eurostat. La Roumanie est ainsi l’un des pays européens où les enfants quittent le plus tard le domicile familial, avec la Slovénie, la Slovaquie et la Bulgarie (31 ans). A l’inverse, la Finlande (23 ans), les Pays-Bas et la France (24 ans) sont ceux où les jeunes prennent leur envol le plus tôt. Confrontés au chômage ou à l’indigence des salaires qui leur sont proposés en début de carrière, les jeunes roumains attendent donc souvent le moment du mariage pour quitter leurs parents. En moyenne, les hommes se marient à 29 ans, les femmes à 26 ans, soit beaucoup plus tard que les anciennes générations. En 1990, ils se mariaient en moyenne quatre ans plus tôt.

Un niveau d’éducation encore faible

Plus de 97% des Roumains âgés entre 15 et 24 ans savent lire et écrire et environ 80% de ceux qui sont en âge d’aller au lycée sont scolarisés, selon l’Unicef. Pourtant, le pays accuse encore un énorme retard en matière d’éducation, seul 17% des hommes et 21% des femmes entre 25 et 34 ans ayant un niveau d’études supérieur, selon Eurostat. Ces chiffres classent la Roumanie au dernier rang des Etats de l’Union européenne, très loin derrière le Royaume-Uni, l’Irlande, la France ou le Danemark où plus de 40% des 25-34 ans ont un niveau d’études supérieur. Aujourd’hui, sur les quelques 10 millions de Roumains actifs, seuls 16,4% ont un niveau d’études supérieur, 33,9% ont un niveau lycée, 18% un niveau collège, 24% ont suivi un cursus professionnel et 3,3% ne sont pas allés plus loin que l’école primaire, selon des statistiques officielles de 2009 publiées par l’agence de presse Hotnews. Toutefois, la situation tend à s’améliorer puisque neuf ans plus tôt, les Roumains ayant un niveau d’études supérieur ne représentaient que 9,5% de la population active et ceux n’ayant pas été plus loin que l’école primaire 8,2%.

Des revenus insuffisants

Un Roumain sur quatre âgé entre 18 et 24 ans est un travailleur pauvre, c’est-à-dire que, malgré son salaire, il vit sous le seuil de pauvreté (159 euros par mois), selon Eurostat. Autre statistique qui met en évidence les difficultés économiques de la jeunesse roumaine, celle du salaire moyen net des jeunes diplômés. Depuis cinq ans, il dépasse à peine les 1000 lei, soit environ 250 euros, selon l’étude « Les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et leur intégration sur le marché du travail », publiée en 2011. Ceux qui commencent une carrière dans le secteur public (administration, santé, éducation etc.) perçoivent généralement de maigres salaires malgré plusieurs années d’études ; des traites qui ont d’ailleurs diminué de 25% dans le cadre du plan d’austérité entré en vigueur en 2010. Toutefois, certains jeunes tirent leur épingle du jeu, comme l’homme d’affaires Iustin Paraschiv, 30 ans, qui a fait fortune dans l’industrie agroalimentaire et l’immobilier. Sa fortune s’élevait à 70 millions d’euros en 2011, selon la revue Forbes Romania.

Le fléau du chômage

Avec un taux de chômage des jeunes de 23,5%, la Roumanie se situe au dessus de la moyenne européenne (21,4%), selon Eurostat. Ce taux est bien inférieur à celui de l’Espagne où 46,4% des jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi, à peu près égal à celui de la France (23,2%) mais bien supérieur à ceux des Pays-Bas (7,6%), de l’Autriche, (8,3%) et de l’Allemagne (8,5%). Sur les quelque 460 000 chômeurs inscrits en 2011 à l’Agence roumaine pour l’emploi (ANOFM), 82 000 avaient ainsi moins de 25 ans. Depuis le début de la crise économique, le taux de chômage des jeunes a augmenté de quatre points en Roumanie, les jeunes sans diplôme, sans qualification et sans expérience ayant été davantage touchés que les autres. En 2009, le taux de chômage des jeunes de 25 à 34 ans ayant un faible niveau d’éducation était de 10,1% contre 2,7% pour ceux ayant un niveau d’éducation élevé, selon Eurostat. Toutefois, il faut noter qu’une très large majorité des jeunes diplômés acceptent des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés. Ce serait le cas de 88% d’entre eux, selon un sondage réalisé par le site internet spécialisé dans le recrutement Myjobs auprès d’un échantillon représentatif de plus de 2800 jeunes et 152 entreprises.

Quelle mobilité ?

De plus en plus de jeunes roumains partent étudier ou travailler à l’étranger. Une mobilité favorisée par la multiplication des programmes d’échanges et l’adhésion de leur pays à l’Union européenne en 2007. Selon une étude de l’Unesco, le nombre de Roumains ayant fait le choix d’étudier à l’étranger a ainsi augmenté de 52% en dix ans. En 2010, ils étaient 50 000 à étudier dans les universités européennes et américaines, selon la Ligue des étudiants roumains de l’étranger, dont la plupart au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en France, en Italie et au Danemark. Parmi eux, 30% étudient l’économie et les finances, 18% les hautes-technologies et l’ingénierie et 14% l’administration publique. Attirés par des salaires bien supérieurs et des conditions de travail souvent meilleures, les jeunes de moins de 35 ans grossissent également les rangs des trois millions de Roumains qui travailleraient aujourd’hui à l’étranger. Une tendance admise par de nombreux spécialistes mais qui n’est confortée par aucune statistique officielle en Roumanie.

Paru le 15 mars 2012 dans Regard, la revue francophone de Bucarest