Blog • Le roumain, une langue pas si latine...

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Aujourd’hui, mettons le nez dans les dictionnaires roumains. Eh oui, quinze ans après avoir commencé l’apprentissage de la langue d’Eminescu, j’ai encore souvent besoin d’eux ! Pour le travail mais aussi simplement pour le quotidien. Il y a d’abord, deux petits usuels qui m’aident à la traduction française de mots relativement courants. Et surtout le Dex, le dictionnaire explicatif de la langue roumaine qui compte près de 80 000 mots.

Un ouvrage de qualité, comparable au Robert en France, mais dont certaines définitions, notamment relatives aux Juifs et aux Roms, ont encore récemment fait polémique. Alors, me direz vous, pourquoi une utilisation si récurrente après tant d’années ?

Parce que le roumain est loin d’être simple ! Cette langue indo-européenne est classée dans la famille latine. Et pourtant pour la plupart des linguistes, elle ne compte que 60% de mots d’origine latine. Le problème pour moi, ce sont donc les 40% de termes - souvent très courants - qui trouvent leurs racines ailleurs. Dans l’histoire tourmentée d’une région fortement influencée par les grandes puissances et qui se définit pourtant comme "un îlot de latinité".

Les mots "garçon", "dragon", "arbre", "escargot", "sanglier" ou "bouger" sont d’origine dace ("băiat", "balaur", "copac", "melc", "mistreț" ou "mișca"). De même, près de 20% du vocabulaire viennent des langues slaves comme le verbe "aimer" mais aussi les substantifs "ami", "besoin" ou "voix" ("a iubi", "prieten", "nevoie" ou "glas"). Les Grecs ont aussi laissé leur emprunte avec la rose, le citron, l’emblème, le sucre ou la poche ("trândafir", "lămâie", "stemă", "zahăr" ou "buzunar") et les Turcs avec la chaussette, la pantoufle, le tabac ou les invités ("ciorap", "papuc", "tutun" ou "musafiri").

Des voisins hongrois, on retiendra les termes "frontière" ou "dépenser" ("hotar", "a cheltui") et des Allemands la pomme de terre ou la bière ("cartof", "bere")... Et pour les pauvres apprenants étrangers, l’affaire se complique davantage quand apparaissent dans les conversations des régionalismes ou le vocabulaire richissime que l’on utilise dans les campagnes.

Mais bon, rassurez-vous, c’est aussi ça la magie de la langue. Comme le disait Ion Creangă, l’un des auteurs roumains les plus difficiles à traduire : "dacă toată lumea ar învăţa carte, n-ar mai avea cine să ne tragă ciubotele". A vos dictionnaires !