Yan de Kerorguen

En nous les futures morts grandissent

|

Contact :
yan.de-kerorguen@laposte.net
06 65 51 68 64
Editeur :
Edition du toit
48 bis Rue Bobillot
75013 PARIS
Infos :
Parution septembre 2005
15 euros
397 pages
ISBN : 2-913916-05-8

Dix ans après les massacres de Srebrenica en Yougoslavie, l’histoire semble rattraper les responsables de ce qui fut le plus grave massacre en Europe depuis la dernière guerre mondiale. Les principaux d’entre eux sont sur le point d’être arrêtés. Mais impossible d’oublier la tragédie qui a ensanglanté l’Europe.

Yan de Kerorguen n’oublie pas les heures passées à écouter les récits, les anecdotes, les drames personnels mais aussi tout simplement les bruits d’une ville illustre, Sarajevo, dont l’histoire ne laisse personne indifférent. Il en a fait un roman qui est aussi un document.
On sait quand se déclarent les guerres, mais sait-on vraiment quels détails de l’esprit les inspirent » écrit l’auteur. « En nous les futurs morts grandissent » raconte les sentiments mêlés qui divisent les habitants juste avant la guerre. L’auteur s’infiltre dans l’imaginaire des personnages, pour mieux faire ressortir la folie ordinaire qui a déclenché l’embrasement. Epris de grandeur épique, les chefs de guerre se prennent pour des poètes tandis que dans la ville, les habitants ironisent sur leurs prétentions à vouloir imposer la « serbitude ».
Marqués par des histoires de jalousies, des délires de grandeur, des ressentiments personnels, les désirs de pureté et de conquête des nationalistes se trouvent vite envahis par l’irrationnel. La guerre devient à leurs yeux une œuvre presque littéraire, shakespearienne. Cette histoire est aussi une histoire d’amour, d’amitié, de vengeance, de lâcheté, où le grotesque et la dérision prennent souvent le dessus, où la grandeur ressemble à la médiocrité.

Trois questions à Yan de Kerorguen

Quelles raisons vous ont poussé à écrire cet ouvrage ?

J’ai écrit ce livre par amour pour cette ville, Sarajevo, qui respire l’histoire, la littérature, le culture plurielle, ville qui avait tant envie d’Europe et que faute de courage politique, nos gouvernements ont abandonné.

Je l’ai aussi écrit pour me débarrasser des petites lâchetés qui m’ont conduit, en Bosnie, à serrer la main des chefs de guerre nationalistes. Je me suis trouvé dans la position inconfortable de partager leurs repas, de les écouter vanter la purification ethnique, et justifier la supériorité de la montagne sur la ville corrompue. Sans rien dire. Pendant ce temps là, ils bombardaient Sarajevo, ville à laquelle des liens amicaux et familiaux me rattachaient. Il me fallait décrire ce malaise en mettant en scène ces fantômes de l’histoire récente dont le souvenir me hantait. Au delà de cela, c’est la honte de l’abandon de Srebrenica par nos gouvernements qui à elle seule justifiait pour moi de témoigner.

Pourquoi une fiction document ?

Comme journaliste, j’ai pensé que le reportage, la biographie ou l’essai historique, ne pouvaient que partiellement rendre compte de ce qui se jouait d’intime dans ce conflit. Le roman m’est vite apparu comme le seul moyen de restaurer la dimension fantasmagorique de ce drame. il fallait décrocher de l’actualité pour réintroduire la dimension tragiquement intime de la guerre. J’ai mis en scène des personnages dont certains ont existé et qui se sont brutalement manifestés. Ces gens-là écrivaient des poèmes, faisaient de la philosophie tout en détruisant des villes. Il était important aussi, je crois de situer les déterminants économiques et culturels de cette histoire.

Le titre de cet ouvrage est plutôt étrange ?

J’ai voulu en reprenant l’expression d’un extrémiste serbe que j’ai côtoyé, conserver le caractère énigmatique de la déraison qui a conduit à la guerre. J’avais parfois l’impression de me retrouver en 1914 avec Gavrilo Princip, ce nationaliste serbe qui a assassiné l’archiduc François-Ferdinand, épisode qui a précipité la 1ère guerre mondiale. Dans cette phrase, il y a l’idée que la mort, le suicide, est un horizon et qu’il n’y a rien de grand sans en faire l’expérience. Tout le propos du roman consiste en fait à décrypter ce propos qui reste énigmatique à mes yeux. Il consiste aussi à exhumer les dégâts romantiques que provoquent ces conquérants de l’immortalité, immortalité qu’ils fondent dans le puissant sentiment de leur identité.