Fitzroy MacLean

Dangereusement à l’est (1936-1944)

|

Comment un jeune aristocrate écossais est devenu l’ami de Tito et le compagnon d’armes des partisans yougoslaves, avant d’inspirer le personnage de James Bond. Relisez vite les mémoires de Fitzroy MacLean !

Par G.S.

Churchill et Tito

Certains destins semblent assurément plus romanesques que d’autres, surtout quand une belle plume sait rendre compte de leurs invraisemblables péripéties. Fitzroy McLean aurait, dit-on, inspiré le personnage de James Bond à son amis Ian Fleming. Le fait est que le destin de ce jeune homme, issu d’une bonne famille de la gentry écossaise, fièrement attaché à ses valeurs et ses préjugés de classe, va singulièrement embrasser les tragédies du siècle.

En l’espace de dix ans à peine, le jeune diplomate britannique en poste à Moscou assiste au procès de Boukharine avant de s’élancer à la découverte de l’Asie centrale, en se jouant de son escorte du NKVD. Fitzroy McLean fut ainsi l’un des premiers Occidentaux à atteindre Samarkand et Boukhara après la tempête révolutionnaire.

La guerre à peine commencée, le bouillant jeune homme n’a qu’une obsession, quitter la carrière diplomatique pour le service actif dans les troupes de Sa Majesté. Face au refus de ses chefs, la seule parade qu’il trouve est de profiter d’élections partielles pour se faire élire député conservateur — et être ainsi rayé des cadres de la diplomatie, ce qui lui permet de s’engager dans l’armée.

Franc-tireur du Special Air Service (SAS), il multiplie les raids derrière les lignes allemandes en Afrique du Nord puis, en 1943, commence la grande aventure : Fitzroy McLean est parachuté en Yougoslavie, auprès de Tito. De sa première rencontre avec le chef des partisans, dans les maquis de Bosnie centrale, il tire cette conclusion décapante : voici enfin un dirigeant communiste qui a le sens de l’humour, qui est sûr de lui-même et des décisions qu’il prend.

« 

L’émissaire » britannique arrive en Yougoslavie au moment où Londres décide de retirer son soutien à l’« Armée yougoslave royale dans la patrie », les tchétniks de Draža Mihailović. Politiquement, Fitzroy McLean a le soucis d’inclure le roi et son gouvernement dans le processus politique, même s’il est le premier à plaider pour un soutien militaire sans cesse accru aux partisans de Tito.

La sincère admiration que l’émissaire britannique leur voue ne l’amène pas à remettre en cause ses convictions anticommunistes. Lors d’une rencontre avec Churchill, le Premier ministre lui avait lancé : « nous n’avons ni l’un ni l’autre l’intention de vivre en Yougoslavie après la guerre, mais Tito est celui qui combat efficacement les Allemands ». Ce rappel est précieux, en ces temps confus, où l’on tente, en Serbie, de mettre sur un pied d’égalité partisans et tchétniks, où la nouvelle présidente croate, Kolinda Grabar Kitarović, boycotte l’anniversaire de la libération du camp de Jasenovac.

Ce récit avait été publié pour la première fois en Angleterre en 1949 et a fait l’objet d’une traduction aux éditions Gallimard en 1952 sous le titre de Diplomate et franc-tireur. Les éditions Viviane Hamy explique que « c’est en lisant Le Lièvre de Patagonie de Claude Lanzmann, et par résonances avec l’actualité en Europe de l’Est » qu’elles ont eu envie de faire redécouvrir ce texte. Le lecteur en découvrira ici une édition revue, complétée et enrichie de cartes.