Blog • La Serbie et l’Union européenne, ou l’art de la négociation

|

L’art de la négociation, ou comment il faut savoir se sauver de la table des négociations au bon moment et à bon escient. Quelques conseils pratiques pour les négociateurs.

Si la négociation est un art, comme l’affirme nombre d’œuvres de chercheurs américains de Harvard, tout tient à la gestion des discussions avec la partie adverse et à la stratégie permettant d’abandonner ou de conclure les négociations au bon moment, le but étant de s’en sortir avec un résultat appréciable.

En mars dernier, la Croatie a bloqué les négociations d’adhésion de la Serbie au sujet de l’ouverture du chapitre 23, ayant trait au système judiciaire et aux droits fondamentaux.

L’interruption des négociations d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne au chapitre 23 n’est pas une surprise. D’ailleurs, cela ne veut pas dire que les cycles de négociation aient avancé. D’après l’expérience des récents cycles de négociations l’Union européenne a bien pensé d’avancer les chapitres de négociations 23 et 24, respectivement : système judiciaire et droits fondamentaux, le premier, justice, liberté et sécurité, le deuxième, étant donné qu’il s’agit là des chapitres les plus difficiles à clôturer à cause de leur contenu et de leur importance.

Comme cela s’est déjà produit lors des négociations d’adhésion de la Croatie, c’est sur ces deux chapitres que s’échouent les vieux contentieux transfrontaliers, jamais assouplis, datant du démembrement de l’ancienne Yougoslavie, ainsi que les mésententes entre voisins, les ambiguïtés dues à l’intervention internationale et les rancunes accumulées et mal digérées, prêtes à s’incendier à la moindre étincelle. Les négociations d’adhésion sont une occasion rêvée pour ressortir toute la collection, celles de la Croatie l’ont bien rappelé.

L’art de la négociation

Dans notre cas d’espèce, les problèmes de communication et de compréhension lors des cycles de négociation ne tiennent pas à la langue ou aux coutumes des pays e cause, mais plutôt aux héritages d’un vécu commun contrasté. L’art de la négociation nous permet de surmonter aussi ces obstacles en établissant des principes simples à retenir pendant le déroulement des négociations.

Par exemple, il ne faut pas prendre les choses de façon personnelle, lequel décliné dans notre cas c’est qu’il ne faut pas s’entêter sur le fait que c’est le tour au pays voisin historiquement hostile de négocier l’adhésion et on ne doit pas à tout coûts le lui empêcher. Celle-ci a été la position de la Slovénie au moment de la négociation de la Croatie et elle risque de se reproduire maintenant de la part de la Croatie envers la Serbie.

Cela ne veut pas dire que j’accepte toute condition afin de faire progresser les négociations, au contraire j’utilise les négociations de façon intelligente, où je délimite par points mes objectifs et je fais en sorte que la progression soit graduelle afin de pouvoir trouver ma position de confort, celle qui me permet d’avoir encore un gain bien que j’ai dû renoncer à quelque chose pour y arriver.

Dans l’art de la négociation on prévoit que l’on se fixe une BATNA (Best Alternative to a Negotiation Agreement), ou la meilleure alternative à l’accord. Celle-ci, qui n’est pas forcément le meilleure choix, me garantit de toute façon quelques résultats, c’est celle pour laquelle ça vaut la peine de quitter la table de négociation pour renseigner la contrepartie de l’importance de la question de façon que celle-ci, à la reprise des négociations, puisse éventuellement la prendre en considération et voir s’il y a de la place pour cette requête dans sa meilleure alternative à l’accord à elle.

La meilleure alternative à l’accord d’aujourd’hui ne reste pas forcément la meilleure alternative à l’avenir

Ce que les manuels de l’art de la négociation ne vous disent pas, c’est que la meilleure alternative d’aujourd’hui ne peut pas être la meilleure alternative de demain, les situations pouvant évoluer dans un sens ou un autre.

Encore une fois, l’expérience de la négociation d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne nous enseigne que celle qui à l’époque avait été la meilleure alternative, quelques temps plus tard ne peut plus l’être. Les négociations d’adhésion arrêtées au sujet du contentieux transfrontalier sur le passage de la frontière à travers la baie de Piran avait été débloquée en 2012 grâce à un accord établissant l’intervention d’un arbitrage international.

Certes, en 2013 la Croatie devient pays membre de l’Union européenne, mais à l’été 2015 on se rend compte que la solution : recourir à l’arbitrage internationale n’est plus exactement la meilleure, si comment il s’est passé, l’arbitre de la contrepartie magouille pour son côté à lui. Ceci est arrivé à la Croatie. Que faire maintenant ? Se venger sur le candidat à l’adhésion suivante ce n’est pas exactement la meilleure solution. Comme on nous explique dans l’art de la négociation, il faut distinguer la façon dont on traite les autres de celle que nous nous avons subi, c’est inutile de répéter une conduite non pas constructive, l’objectif étant celui de stimuler l’autre partie à bien se conduire pour arriver à un résultat partageable.

Jusqu’ici, nous avons considéré les négociations d’adhésion comme une question bilatérale, où les deux parties principalement en cause, se rencontrent est essayent de conclure l’accord en recherchant un terrain commun d’entente qui forcément va déplaire les deux si on ne fait pas un bon boulot de négociation avant.

Toutefois, il ne faut pas oublier que les négociations d’adhésion intéressent tous les pays membres de l’Union européenne, soit vingt-huit aujourd’hui, tous appelés à se prononcer sur l’adhésion du pays candidat. D’ailleurs, l’Union européenne soi-même à un poids non négligeable dans les négociations et surtout un fort pouvoir de persuasion sur les parties principalement en cause.

Ne pas se bloquer sur sa propre position, mais garder l’oeil sur ses intérêts comme sur ceux de la partie adverse

La toute première règle de l’art de la négociation c’est de ne pas se clouer derrière sa propre position : s’identifier avec sa propre position finit par limiter les possibilités d’accord, lesquelles empirent si à la table négociation participent plus que deux contreparties, dont quelques-unes en position d’avantage. La négociation, pour bien aboutir, doit se transformer d’une négociation de position, en une négociation de principes. Pour que cela puisse arriver il faut se concentrer sur quatre points de la négociation.

Premier point : il faut distinguer les personnes du problème. Dans notre cas, c’est bien le tour de la Serbie de négocier sa candidature, il faudrait affronter la question en mettant à côté, si possible, les aspects émotionnels.

Deuxième point : se concentrer sur les intérêts, dans le cas d’espèce, l’intérêt est l’élargissement de l’Union européenne, qui est l’intérêt commun des anciens membres, ainsi que du pays candidat.

Troisième point : créer une séries de possibilités, d’options à retenir avantageuses pour tous, où qu’est-ce que l’Union européenne va tirer du vingt-neuvième élargissement ? Qu’est-ce que la Serbie va-t-elle gagner et ses pays voisins ?

Quatrième point : les critères. Il faut que les résultats obtenus puissent être mesurés, dans le cas de l’élargissement, les critères de l’adhésion sont bien clair et mesurables, le but du Processus de stabilisation et d’association, auquel participe aussi la Serbie est celui de mesurer les progrès des pays associés vers le respect de la démocratie, de la règle du droit, une économie viable. D’ailleurs, une autre récente évolution dans le processus de négociation de l’adhésion a été celle d’introduire des critères intermédiaires à réaliser graduellement, critères accompagnés par des garanties et des mesures correctives en consentant leur mise à jour continue.

Les positions sont tranchées, mais les intérêts peuvent être partagés

Selon l’art de la négociation, les positions prises sont un obstacles, au contraire les intérêts derrière ces positions peuvent être partagés, ils peuvent évoluer de façon aussi créative de façon à trouver des solutions inattendues.

L’Union européenne est elle-même une solution créative à des intérêts particuliers, au moment de sa création on voulait partager des intérêts : le contrôle du marché du charbon et de l’acier, sans léser la souveraineté des Etats membres, cette solution alternative, est une innovation dans le droit international parce que elle a créé une troisième voie, ni organisation internationale, ni Fédération d’Etat.

Cela a été possible parce que la France et l’Allemagne ont décidé de ne plus se faire la guerre, et si c’était maintenant à la Croatie et à la Serbie d’aller au-delà de leurs positions respectives pour partager un projet commun, en l’espèce un projet à vingt-neuf ?