Blog • Les régularités de la politique

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Brexit, élections de Donald Trump, référendum en Italie... Les choix politiques seraient-ils devenus irrationnels, ou du moins incompréhensibles ? Comment dégager des facteurs d’intelligibilité ?

Les sciences évoluent et ceci vaut aussi pour la science politique, science sociale qui devrait nous aider à analyser et interpréter les nouveaux développements dans la politique nationale ainsi qu’internationale. Tout comme les autres sciences, la science politique s’enrichit de nouveaux instruments d’analyse qui permettent de mieux cibler la nouvelle réalité politique, faite de résultats électoraux imprévisibles, de gouvernements instables, d’élections répétées, des mêmes scénarios politiques partout, aux Etats-Unis comme en Europe.

Si des pays comme la Croatie, accusent une instabilité de gouvernement, voir la récente année de crise politique, des élections répétées à courte distance et des résultats électoraux incertains, on se dit que cela est du au fait que le pays n’a pas encore achevé sa transition démocratique et que c’est à cause de cela qu’il y a de l’instabilité politique. Mais, à bien regarder, l’instabilité politique est également présente dans d’autres démocraties mieux affirmées, come le récent cas de l’Italie le démontre, avec un tout nouveau gouvernement issu du résultat d’un referendum qui aurait du réformer le cadre institutionnel et qui dans les faits s’est soldé par une condamnation du gouvernement en place.

Autrefois, faire de la politique servait pour assurer l’avenir, le politicien élu répondait à son électorat, dont il connaissait les préférences, le rapport électeur-élu était clair et bien établi, si l’élu ne respectait pas l’accord au tour électoral suivant il était sanctionné par les urnes. Au début des années 1990, faire de la politique est devenu un peu plus compliqué, à cause de la multiplication des sujets politiques, à l’Est la chute du régime communiste donnait place à des nouveaux partis, à l’Ouest le vote de contestation donnait la voix à des nouveaux partis qui répondait aux exigences d’un électorat aux attentes plus variées (mouvements fédéralistes ou séparatistes à l’intérieur des Etats, hostilité envers les immigrés, etc). Face à la nouvelle donne, la science politique cherchait des régularités, elle essayait de dégager des règles pour pouvoir faire des prévisions à partir de certaines conduites répétées.

Aujourd’hui la politique n’a plus de régularités, ni du point de vue des électeurs, ni du côté des élus, la conduite de l’électorat, ainsi que celle des décideurs politiques devient imprévisible et cette imprévisibilité engendre de l’instabilité politique : des élections réitérées dont on ne peut pas prévoir le résultat. De l’imprévisibilité de l’électorat les récentes élections sont un témoignage, qu’il s’agisse du referendum pour le Brexit, du résultat des élections aux Etats-Unis ou du récent referendum constitutionnel italien.

A l’ère d’internet, alors que l’électeur devrait être plus informé, on doit reconnaître qu’au contraire il est plus confus. Il se contente de renseignements douteux circulant sur les réseaux sociaux, sans s’inquiéter de vérifier la source de l’information et la fiabilité de celle-ci. Le manque de confiance dans les instituions démocratiques, ainsi que dans la situation économique ont fini par transformer toute échéance électorale en vote de contestation, on ne croit plus à la politique et on ne s’engage plus dans la participation politique jusqu’à laisser au hasard l’exercice de l’expression du vote. Toute élection c’est une élimination de ce qui embête le plus au moment spécifique, on ne choisit plus, on n’a pas de vision à long terme, on ne partage plus aucun dessin politique, la politique est dépouillée de sa fonction d’assurer le futur.

Imprévisibilité des élus. Comment est-il possible qu’à chaque fois le gouvernement en charge n’ait pas d’idée de comment l’électorat va réagir à une sollicitation électorale, soit-elle un referendum, ou une échéance électorale ? Quoi d’autre influence les décisions politiques des politiciens si ce n’est plus la volonté de satisfaire l’électorat en vue d’être réélu ? Pourquoi prendre des paris électoraux destinés a échouer ?

Des régularités aux modèles récurrents

Faute de régularités dans la politique aujourd’hui on recherche des « modèles récurrent » de conduite qui seraient empruntés par les décideurs politiques face aux décisions à prendre dans un contexte politique beaucoup plus compliqué que dans le passé. Selon les plus récentes études, les décideurs politiques se retrouveraient à choisir quel instruments de politique adopter en combinant les pressions du contexte avec leurs préférences. Ce ne serait plus comme dans le passé les facteurs traditionnels à influencer les choix politiques (idéologies, accords institutionnels ou politiques, satisfaction de l’électorat), étant donné que les politiciens se retrouvent, davantage que dans le passé, à etre soumis à la pression de l’opinion publique, disposant désormais de nombreux instruments d’expression, non seulement électoraux.

Mais alors, quelle est la logique qui influence le choix des instruments à adopter et donc les facteurs qui dirigent les conduites des décideurs politiques dans leurs choix ? Selon les politologues le processus de décision politique est contingent (dicté par les contraintes factuelles) et le choix des modèles à emprunter est récurrent, étant donné qu’au bout du compte les décideurs politiques recherchent dans leurs action, selon leurs préférences, ou bien l’efficacité des instruments (le but), ou la légitimité (la reconnaissance de valeurs partagées).

Selon les politologues, les modèles récurrents de choix seraient au nombre de quatre, chacun représentant une approche systématique que les décideurs politiques peuvent emprunter au moment de faire leur choix, sur la base du cadre contextuel et de leurs préférences dans un environnement donné. On va du modèle le moins contraignant, jusqu’à celui qui demande le plus de changement pour cause de l’adoption d’instruments provenant de l’extérieur (normalement des instruments suggérés par des acteurs étrangers à la politique nationale, comme les organisations internationales) [1].

Toutefois, bien que le contexte soit important, il reste un marge de discrétion pour les décideurs politiques, l’intérêt de l’étude citée étant celui de se focaliser sur la manière dont les décideurs choisissent, plutôt que sur pourquoi ils décident d’une façon ou une autre.

Cependant, la politique reste toujours imprévisible.

Notes

[1Capano Gilberto, Lippi Andrea "How policy instruments are chosen patterns of decision makers’ choices", dans Policy Sci, Spirnger, Published online : 5 novembre 2016.