Lyon (69003)

Baccalauréat au cinéma

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DIMANCHE 11 DECEMBRE, UN TEMPS D’ECHANGE ORGANISE PAR RHONE ROUMANIE AURA LIEU APRES LE FILM. 

Le cinéma roumain a le vent en poupe auprès de critiques français ! Et le dernier film de Cristian Mungiu, Baccalauréat, n’est pas passé inaperçu.
Si vous êtes adhérent de l’association Rhône Roumanie ou si vous disposez d’une pièce d’identité roumaine, vous bénéficierez du tarif préférentiel d’entrée de 6,50 € lors de la projection suivie d’un débat dimanche 11 décembre à 16h30 au CNP Terreaux.

Ce moment cinéphile sera animé par Rodica Chiriac, adhérente de Rhône Roumanie, et également investie dans les activités de bénévolat autour du cinéma d’art et d’essai, notamment pour aider à l’organisation et mise en place des festivals de films au sein du cinéma le Zola à Villeurbanne. Son intérêt pour le cinéma vient de son enfance à Buftea, une petite ville proche de Bucarest qui avait comme particularité d’accueillir les plus grands studios cinématographiques du pays. Venez donc découvrir la suite dimanche...

Baccalauréat de Cristian Mungiu : quand la satire vire au polar noir

Par Pierre Murat, le 19/05/2016 dans Télérama

Un père se donne corps et âme pour que sa fille passe son examen. Mais tout ne se passera pas comme prévu et tous les moyens semblent bons pour qu’elle obtienne son diplôme. Dans le rôle principal, Adrian Titieni, pressenti pour un prix d’interprétation masculine.

Il y a quelques années, on parlait du « cinéma de l’inquiétude morale ». Ce courant venait de l’Est et Krzysztof Kieslowski en était le héraut. Notamment avec le Décalogue, dix moyens métrages de 50 minutes qu’on va redécouvrir bientôt (il ressort le 29 juin).

L’ « inquiétude morale », à l’Ouest, on s’en fiche un peu. Mais c’est un thème qui continue de hanter les cinéastes qui ont vécu, durant tant de temps, le communisme. Se compromettre ou pas ? Ruser ou sombrer ?…

Le talent de Cristian Mungiu (Palme d’or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours), c’est de mettre constamment la théorie en pratique, sans jamais sombrer dans le film à thèse, style « Les Dossiers de l’écran ». Voilà, donc, dans Baccalauréat, un médecin prénommé Roméo, dont il n’a pas vraiment le physique. Il a la cinquantaine, un peu d’embonpoint, et on ne sait pas trop si sa jeune maîtresse qu’il a opérée avant de la séduire (bonjour l’éthique !) l’aime pour lui ou pour ses relations.

Car tout le monde, en Roumanie, semble destiné à obliger quelqu’un à lui être redevable. Rendre « des services », comme ils disent. Contrairement à son épouse, pour qui les mots « devoir » et « honneur » ont encore de l’importance, Roméo n’est plus l’idéaliste qu’il était. La foi, l’espérance et l’amour, toutes ces sornettes, n’ont pas résisté aux Ceauscescu, à la peur ambiante, à la pauvreté permanente et, peut-être, à sa propre médiocrité.

Froideur suave

Sa seule obsession, désormais, est de sauver sa fille : si elle obtient une moyenne de 18 à son bac, elle pourra bénéficier d’une bourse qui lui permettra de quitter ce fichu pays, d’étudier en Angleterre. Plutôt douée, l’adolescente se fait agresser dans un chantier près de la fac et a du mal à utiliser sa main droite. Ça ne fait rien, il faut qu’elle réussisse… Roméo s’agite : il lui faut des « services ». En échange d’un foie tout neuf, un homme influent lui promet d’intervenir auprès d’une pointure qui pourra corrompre le correcteur des copies…

Roméo accepte, Roméo fonce sans s’apercevoir que le piège se referme sur lui. C’est cet engrenage que décrit Cristian Mungiu avec une froideur suave, où les faits (une vitre brisée) angoissent au moins autant que les sentiments. Les plans séquence qu’il affectionne lui permettent d’instaurer, pour le coup, une inquiétude totalement « physique » : on contemple, par vagues successives, un homme se noyer. La satire sur la corruption inévitable vire lentement au polar noir...

S’il complique inutilement son scénario dans la dernière demi-heure, le film reste jusqu’au bout fulgurant. Et dans le rôle principal, Adrian Titieni se révèle un candidat sérieux au prix d’interprétation masculine.