Marseille (13002)

A la recherche des Balkans : entre Europe et Méditerranée

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Appel à communications

Le colloque « A la recherche des Balkans : entre Europe et Méditerranée ? » fait suite aux rencontres « Etudes balkaniques : état des savoirs et pistes de recherche » organisées à Paris en novembre 2002 autour de l’Association française d’études sur les Balkans (AFEBALK). L’objectif de cette nouvelle manifestation est de dresser un état de la recherche sur cette région au prisme des manières plurielles d’y pratiquer les sciences sociales. Près de quinze ans après la précédente manifestation, un nouveau jalon doit en effet être posé dans les études sur les Balkans contemporains en France. Nombre de problématiques d’alors (minorités, conflits, frontières, coexistence interconfessionnelle, etc.), qui avaient souvent contribué à particulariser les Balkans comme un espace « à part » en Europe, ont aujourd’hui cédé la place à de nouvelles perspectives, de nouveaux enjeux et de nouvelles pratiques de recherche. Ce nouveau « retour des Balkans » sur le devant de la scène européenne se manifeste par des moments particuliers tels que l’entrée de certains pays dans l’Union européenne (Bulgarie et Roumanie en 2007, Croatie en 2013), par les perspectives d’adhésion d’autres (Serbie, Monténégro, République de Macédoine, etc.), mais aussi par un ensemble d’événements de grande portée, tels que le déclenchement de la crise financière en Grèce et ses effets globaux, ou encore les processus migratoires massifs et dramatiques que connaît actuellement l’ensemble du sud-est européen. Chacun à sa façon, ces moments ont permis de comprendre que la région était à la fois soumise aux mouvements continentaux (les nouvelles adhésions à l’UE) et à la mondialisation (la propagation de la crise, migrations). Cette inclusion des sociétés des Balkans dans des processus plus vastes est accompagnée par les nombreuses transformations qui ont touché le quotidien de ses habitants au cours des dernières décennies.

Ainsi, au delà de la question « Les Balkans sont-ils encore d’actualité ? », question rhétorique à l’heure de la crise grecque, des enjeux migratoires, des processus d’adhésion et de recompositions géopolitiques à l’Est et au Sud de l’Europe, on peut se demander en quoi le Sud-est européen constitue toujours un observatoire efficace pour comprendre des dynamiques sociales plus générales qui affectent le continent européen comme la région méditerranéenne. Cette perspective élargie, entre Europe et Méditerranée, permettra aussi de relire la position des Balkans, non plus comme un espace « à part », marqué par des particularités historiques et sociales déterminantes dans son traitement, mais comme une région en prise avec des processus plus globaux que sa position contribue à révéler, et dont les spécificités permettent d’éclairer, parfois même avec plus d’acuité, certains aspects particuliers. Cette perspective a également pour objectif d’interroger à nouveaux frais le statut souvent ambigu des travaux sur les Balkans au sein des études méditerranéennes et des recherches sur l’Europe. La période de la Guerre froide a en effet longtemps orienté ces recherches vers des thématiques communes au monde soviétique, alors que les troubles politiques des années 1990 et l’ouverture des frontières balkaniques ont donné lieu à des interrogations aussi vaines que persistantes sur l’« identité » ou sur la « définition » des Balkans, souvent vus dans cette perspective comme irrémédiablement particuliers. De manière générale, les tentatives de penser en pleine conscience l’inclusion de cette région dans des ensembles plus vastes sont demeurées jusqu’à présent rares et idéologiquement marquées par le prisme des nationalismes ou du particularisme culturel.

Ce type de questionnements recèle pourtant des enjeux épistémologiques et méthodologiques majeurs : l’articulation des échelles (local, national, régional, global) et des focales d’analyse (selon et dans les disciplines), la variété des pratiques du terrain (travailler sur/dans plusieurs pays, travailler sur les réseaux et/ou les territoires), l’identification nécessaire de nouveaux lieux/mondes sociaux, le renouvellement des objets déjà habituels des « études balkaniques » (de l’histoire ottomane aux questions d’européanisation) ou encore la dimension interdisciplinaire et les modes de production scientifique ouverts sur d’autres champs (recherche appliquée, expertise, science, développement, art) conduisant à l’élaboration de nouveaux modes d’écriture et de restitution. Souligner ces différents aspects de la recherche est ainsi une condition indispensable pour brosser un tableau actuel et fidèle de la pratique des sciences sociales dans les Balkans (d’) aujourd’hui, à l’intérieur comme à la marge de la recherche académique. A travers cette principale question, l’ambition du colloque sera donc de mettre en perspective les manières d’aborder la recherche dans/sur cette région et de montrer comment elles sont susceptibles d’engager une réflexion plus vaste, concernant la pratique des sciences sociales sur l’Europe ou sur la Méditerranée.

Dans leur proposition, les participants sont invités à s’inscrire dans les axes thématiques suivants afin de favoriser la constitution des ateliers du colloque :

1. Transformations et recompositions : Qu’il s’agisse des transformations advenues après la chute des empires habsbourgeois et ottoman, des régimes d’inspiration soviétique avec les conflits des années 1990 et 2000, ou du nouveau rôle de l’Union européenne, que signifient les processus d’« intégration », de « changement » voire de « convergence » pour les habitants, les sociétés ou les acteurs politiques et économiques des Balkans ? Comment ces catégories, présentées comme formées à l’« Ouest » ou ailleurs dans le monde, sont-elles comprises et interprétées alors que les cadres de référence sont en perpétuelle transformation, et que la relativité des modèles semblent s’imposer à l’ensemble des pays du bassin méditerranéen ? En quoi ces changements, tout en relevant de processus particuliers et inédits, constituent-ils des configurations où s’agrègent et se ré-agencent différentes forces sociales, économiques, politiques préexistantes ? En effet, si le paradigme de la rupture imprègne régulièrement la lecture des mutations sociales, il ne doit pas conduire à négliger les formes de continuité ou les recompositions qui les accompagnent. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir la convergence s’imposer partout comme la seule perspective possible alors que les Balkans (comme de nombreux autres espaces euro- méditerranéens) sont marqués par une intensification des processus de mise en valeur d’héritages jouant souvent des particularités historiques et culturelles. Ces mouvements peuvent recouper aussi bien des transformations et des recompositions macro comme micro, allant des grandes questions géopolitiques (frontières, influences diplomatiques...) aux expériences concrètes et quotidiennes. Ils poussent à interroger les termes mobilisés pour qualifier le changement (modernisation, européanisation, urbanisation etc.) et leur signification.

2. Circulations et hiérarchisations : Il s’agira aussi de mettre l’accent sur les mouvements (de personnes, d’idées, de biens...) qui se déroulent dans les sociétés du Sud-est européen (migrations, mobilités, tourisme, réseaux, diasporas) en tant qu’ils sont une dimension essentielle des processus sociaux, à la fois globaux et locaux. Les circulations invitent à dépasser le « nationalisme (ou le régionalisme) méthodologique » pour mieux saisir les enjeux mondialisés qui traversent la région ; elles invitent également à comprendre les nouvelles formes de hiérarchisation à l’œuvre dans les sociétés concernées, à la lumière de mouvements qui sont simultanément révélateurs et vecteurs de clivages, d’inégalités et de blocages de toutes natures (politiques, économiques, sociaux, culturels...). Les hiérarchisations invitent à comprendre les formes de « pouvoirs » dans leurs différentes acceptions, mais aussi les forces alternatives, les processus de fragmentation, pluralisation, redistribution ou contestation. Cette réflexion amène aussi vers la question des allégeances nationales traditionnelles et du redéploiement des cadres de l’Etat régulièrement mis en cause par les théories néo-libérales, le jeu des instances supranationales comme les revendications locales. Il semble possible de questionner ici les conditions particulières de la reconfiguration des logiques de pouvoirs dans les pays des Balkans, à la lumière de processus globaux qui voient la confrontation entre structures stato-centrées (Etat-nations) et structures multi-centrées (entités supranationales, migrants, diaspora, réseaux marchands, etc.). Dans ce mouvement, certains groupes linguistiques ou religieux s’inscrivent dans des démarches d’affirmation ou de revendication particulariste qui débordent et complexifient les grands récits, conduisant à reconsidérer les relations majorité/minorité, polarisant les débats autour de la place des appartenances entre reconnaissance de la diversité culturelle et crainte du communautarisme. Cette dialectique (entre particularisme et intégration) peut aussi être interrogée sous un angle de géopolitique régionale et de transformations des rapports politique à l’échelle de la Méditerranée. Les investissements turcs et russes dans la région, ou encore la présence militaire américaine rappellent la place de la péninsule balkanique sur l’échiquier géopolitique mondial et l’actualité que peut revêtir son étude en termes de sécurité et de stabilité.

3. Narrations et innovations : Dans cette perspective, il s’agira aussi d’envisager les mises en sens qu’effectuent les acteurs sociaux à l’intérieur des sociétés concernées : gestions des passés,héritages, récits nationaux, idéologies, mémoires et patrimoines, mais aussi vie et expérience quotidiennes, réinvention des attachements, pluralisme social et culturel. On peut y inclure encore une fois la réflexion sur des catégories anciennes ou nouvelles, telles que communautés, minorités, groupe national, mais aussi mouvements sociaux ou alternatifs et problématiques de genre. L’idée d’innovation permet d’ouvrir sur le champ de nouvelles imaginations et d’inventions ou réinventions, notamment dans le contexte de « crise » chronique qui affecterait les sociétés concernées et qui appelle à changer d’horizons d’attentes, suscite des réactions, des aspirations, des initiatives dans des champs très divers, de la culture à l’environnement en passant par des alternatives politiques ou économiques. L’attention accordée aux régimes narratifs, aux discours, mais aussi aux pratiques et aux expériences, vise également à explorer des registres aussi divers que les dimensions ordinaires, sensibles, affectives, personnelles, intimes du monde social, qui permettent d’extraire les acteurs concernés de catégories culturelles ou sociales englobantes ou réifiantes. A travers ces différentes positions d’observation, l’interrogation portera également sur les manières dont les habitants de la région pratiquent et conçoivent les Balkans, l’Europe et la Méditerranée...

4. Pratiques et formes de connaissance : Cet axe traverse l’ensemble des réflexions précédentes et sera une orientation forte de cette rencontre. En effet, on ne fait plus la recherche aujourd’hui, dans les Balkans comme ailleurs, telle qu’on la faisait il y a une décennie : de nouvelles méthodes, de nouvelles conceptions et traitements des interlocuteurs et des sources ont fait leur apparition avec par exemple la mise en place de formes collaboratives de recherche, l’ouverture vers d’autres mondes professionnels (artistes, aménageurs, architectes). Par ailleurs, les dispositifs de recherche et d’enseignement, ainsi que la demande sociale (en particulier politique) se sont infléchis depuis les années 1990. En quoi l’intégration européenne d’une partie de la région a-t-elle changé la donne ? Quels sont les effets de l’« actualité » méditerranéenne (révolutions, guerres, terrorisme, migration...) sur cette demande sociale et sur les dispositifs de recherche ? Ces domaines de réflexion pourront être éclairés par les différents parcours de praticiens de la recherche ou de leurs interlocuteurs. Ces inflexions ont aussi eu un effet sur les outils théoriques, la méthodologie ou encore les paradigmes explicatifs en vigueur. Où en sommes- nous par exemple des « pouvoirs ethniques » et du « balkanisme » qui ont tant préoccupés la recherche francophone depuis les années 1990 ? Dans quelle mesure certains de ces concepts ont-ils été exportés hors de l’étude des Balkans proprement dits ? Peut-on identifier des paradigmes transversaux entre Balkans, Europe et Méditerranée ? Cet angle d’approche doit conduire à poser, d’un point de vue méthodologique, la question de la relation des Balkans avec les études européennes et méditerranéennes, sans a priori sur leur unité ni leur cohérence.

Au delà de la mobilisation d’équipes locales d’Aix-Marseille Université (Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme, LabexMed, MuCEM et Villa Méditerranée), de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC), de Lyon (CREA et EVS) et du CETOBAC (EHESS, CNRS et Collège de France), ces rencontres visent à constituer un nouveau jalon permettant de revaloriser l’activité de l’Association française d’études sur les Balkans (AFEBALK) comme forum et lieu d’échanges transdisciplinaires pour les chercheurs travaillant en France, régulièrement comme occasionnellement, sur les pays du Sud-est européen. C’est la raison pour laquelle ce colloque fera aussi une place aux parcours personnels et institutionnels des intervenants, à des tables rondes visant à débattre de l’actualité des études balkaniques ainsi qu’à des échanges plus larges avec le public sur ces questions lors de séances largement ouvertes.

Les propositions (maximum 2 500 caractères espaces inclus, en anglais ou en français avec 5 mots clés et l’indication de l’axe dans lequel pourrait s’insérer la contribution) sont à déposer sur la plateforme scienceconf.org avant le 30 janvier 2016, accompagnées d’une notice biographique de 5 lignes. Une réponse vous sera faite le 1er mars. Ce colloque donnera lieu à plusieurs publications.

L’organisation du colloque ne pourra prendre en charge le transport, ni logement sur place pour les participants. Certaines demandes peuvent être soumises aux organisateurs et seront accordées en fonction du budget disponible. Aucun droit d’inscription ne sera demandé.

Comité scientifique

ALBERA Dionigi, IDEMEC, CNRS, Aix-en-Provence
BIEBER Florian, Center for South East European Studies, Université de Graz
BOUGAREL Xavier, Centre Marc Bloch, Berlin
ČAPO Jasna, Institut d’ethnologie et de folklore, Zagreb
CLAYER Nathalie, CETOBAC, EHESS, Paris
CRIVELLO Maryline, TELEMME, AMU, Aix-en-Provence
JANSEN Stef, Université de Manchester
KOTZAMANIS Byron, Université de Thessalie, Volos
LORY Bernard, INALCO, Paris
MIHAILESCU Vintila, École Nationale des Sciences Politiques et Administratives, Bucarest PREVELAKIS Georges, Université Paris 1
PEROUSE Jean-François, IFEA, Istanbul
RUPNIK Jacques, CERI, Science Po, Paris
SAMARY Catherine, Université Paris Dauphine, Paris
STIKS Igor, Université d’Edinburgh
VALTCHINOVA Galia, Université Toulouse-Jean Jaurès
Comité d’organisation
BACON Lucie, TELEMME-MIGRINTER, AMU-Poitiers
BOTEA Bianca, CREA Université Lyon 2
BOULINEAU Emmanuelle, Maître de conférences, EVS, ENS de Lyon CATTARUZZA Amaël, Maître de conférences, CREC, Écoles militaires de Saint-Cyr DALIPAJ Gerda, IDEMEC, AMU
DE RAPPER Gilles, IDEMEC, CNRS
DIMITRIJEVIC Dejan, Université Lyon 2
DUJMOVIC Morgane, TELEMME, AMU
GIOMI Fabio, CETOBAC, Paris
GIVRE Olivier, CREA, Université Lyon 2
ISNART Cyril, IDEMEC, CNRS
PENICAUD Manoël, IDEMEC, CNRS
PILLANT Laurence, TELEMME, AMU
RABION Agnès, TELEMME, CNRS
SAJN Sarah, CHERPA, IEP Aix-en-Provence
SINTES Pierre, TELEMME, AMU