Croatie : la droite réactionnaire s’acharne contre l’hebdo de gauche Novosti

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U ime obitelji, « Au nom de la famille », c’est l’équivalent croate de Sens commun, sous-produit dérivé de la Manif pour tous. Et l’officine catho-tradi-réac s’est trouvé une nouvelle cible : l’hebdomadaire de gauche Novosti, officiellement édité par le Conseil national serbe de Croatie.

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Par Marzia Bona

Ces deux dernières semaines, l’hebdomadaire Novosti, publié par le Conseil national serbe de Croatie (SNV), a été la cible d’une campagne visant à suspendre le financement public dont il bénéficie, en tant que média d’une minorité nationale reconnue. L’association responsable de cette campagne, célèbre pour son engagement nationaliste et ultra-conservateur, U ime Obitelji (« Au nom de la famille »), a été créée en 2013, pour mener la bataille sur la réforme constitutionnelle qui a amené à restreindre la définition du mariage comme « l’union entre un homme et une femme ».

Le 13 février dernier, Željka Markić, visage public de l’association, a tenu une conférence de presse en face du Parlement croate en demandant la fermeture de l’hebdomadaire. Dans le dossier accompagnant l’appel, Novosti est accusé de représenter une menace parce que le journal promouvrait « l’intolérance contre la majorité croate et contre la République de Croatie ». Sur la base de ces accusations, Željka Markić demande au Conseil pour les Minorités nationales la suspension de son soutien à Novosti (3,2 millions de kunas en 2016, près de 430 000 euros), de même que l’interruption de sa publication pour une période de trois ans.

Les accusations contre l’hebdomadaire ne sont pourtant pas confirmées par les observations objectives des organisations de presse actives dans la région. La plateforme régionale South East Europe Media Observatory, par exemple, a récemment cité Novosti parmi les exemples positifs que représentent un modèle alternatif viable pour la presse, illustrant notamment « un journalisme fièrement indépendant, de qualité, financé en grande partie par les fonds publics ».

Željka Markić, ne s’est pas arrêtée en chemin : le 20 février 2017, elle a lancé une pétition publique pour recueillir des adhésions à la campagne contre l’hebdomadaire. Après la publication de la pétition en ligne, la boîte de messagerie du Conseil pour les minorités nationales a été inondée par des milliers de mails automatiques.

La rédaction de Novosti a diffusé un communiqué de presse exprimant ses préoccupations. « Ces actions constituent une campagne dangereuse et orchestrée au nom du nationalisme, de la xénophobie, visant à stigmatiser les journalistes de l’hebdomadaire Novosti, en les présentant comme des ennemis de l’État et des traitres à la nation ». Cette campagne, selon eux, « vise à répandre la haine contre le Conseil national serbe, qui est l’organisation de tutelle de la minorité nationale serbe en Croatie et contre cette minorité en général ».

Diverses organisations actives dans la défense de la liberté de la presse, dont la Fédération européenne des journalistes (FIJ), ont rapidement réagi en affirmant leur solidarité et leur soutien et en s’alarmant des conséquences d’une éventuelle fermeture de Novosti, qui se solderait par une érosion du pluralisme des médias en Croatie et l’exclusion d’une voix importante des minorités. « Nous considérons la tentative de l’association U ime obitelji comme dangereuse non seulement pour le niveau de protection démocratique des minorités en Croatie, mais aussi par rapport au respect de la liberté d’expression journalistique et éditorialiste au sein des moyens de communication de ces minorités », souligne le SEE Media Observatory.

Cet article est produit en partenariat avec l’Osservatorio Balcani e Caucaso pour le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), cofondé par la Commission européenne. Le contenu de cette publication est l’unique responsabilité du Courrier des Balkans et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne.