« Avec ou sans l’Union européenne » : déclaration des organisations de la société civile des Balkans occidentaux

Lancé à la veille du Sommet virtuel UE/ Balkans occidentaux du 5 mai, cet appel a été signé par près d’une centaine d’organisations de la société civile de Croatie et des pays candidats des Balkans : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie.

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Nous, organisations de la société civile des Balkans occidentaux, ainsi que de pays membres de l’Union européenne, engagées sur les questions des droits fondamentaux et de l’État de droit, des institutions démocratiques, de la protection de l’environnement, de la lutte contre la corruption, des droits des migrants ;

Soutenant les processus d’intégration européenne des pays des Balkans occidentaux et plaidant pour leur adhésion à l’Union européenne ;

Conscientes des problèmes et des défis auxquels sont confrontés les pays des Balkans occidentaux pour protéger et préserver les normes les plus élevées de démocratie, de droits et libertés fondamentaux, d’État de droit, de bien-être économique et social et de solidarité pour leurs citoyens ;

Conscientes des défis politiques, économiques et sociaux auxquels sont confrontées les sociétés des Balkans occidentaux du fait des guerres, des graves violations des droits humains, des régimes antidémocratiques et autocratiques, ainsi que des inégalités économiques et sociales ;

Conscientes des défis politiques, économiques et sociaux auxquels l’Union européenne est confrontée face à la fragmentation politique, au populisme et à l’extrémisme, aux inégalités économiques et sociales, aux migrations, à la sécurité sociale, ainsi qu’à l’évident fatigue des élites politiques et des citoyens face à la poursuite de l’élargissement de l’UE vers les Balkans occidentaux ;

Mais aussi

Préoccupées par les graves atteintes à la démocratie, à l’État de droit et aux droits humains dans certains États membres - en particulier dans le contexte actuel de l’épidémie de Covid-19 ;

Préoccupées par le fait que la République de Croatie, au cours de sa présidence de l’Union, ait évité d’aborder les sujets concernant l’état de droit et la démocratie au sein du Conseil ;

Préoccupées par le manque de solidarité entre les États membres au cours de la période initiale de propagation du Covid-19, ainsi que par les problèmes de migration,

NOUS INVITONS les chefs d’État et les gouvernements des États membres de l’Union européenne et des pays des Balkans occidentaux à :

• Intensifier et accélérer les négociations et la mise en œuvre des réformes en cours d’harmonisation avec l’acquis communautaire, notamment dans le domaine des droits et des libertés fondamentales, de la justice, de l’État de droit et des institutions démocratiques. Les pays des Balkans occidentaux doivent s’engager dans une véritable mise en œuvre des réformes afin de réaliser des changements institutionnels et sociaux durables, tandis que l’Union européenne doit adhérer aux mêmes principes pour évaluer leurs progrès. Un accent particulier doit être mis sur l’amélioration de la coopération inter-étatique afin de résoudre le sort des personnes disparues ; sur le renforcement de la la coopération visant à accroître l’efficacité des poursuites pour crimes de guerre ; sur le soutien aux initiatives de justice transitionnelle, en particulier celles lancées par la société civile, telles que REKOM. C’est l’une des conditions préalables pour construire un climat de confiance entre les États et les sociétés des Balkans occidentaux. Dans le même temps, tout retour en arrière de l’Union sur les enjeux l’État de droit, des droits humains et de la démocratie dans les États membres a des conséquences extrêmement néfastes sur le processus de démocratisation dans les Balkans occidentaux. Pour toutes ces raisons, nous attendons de l’Union européenne qu’elle démontre son attachement à ses propres valeurs fondamentales, non seulement par des déclarations générales symboliques, mais par des actions concrètes.

• S’engager et soutenir les autorités de Bosnie-Herzégovine à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les quatorze priorités du rapport de la Commission européenne publié en mai 2019. Dans un processus ouvert de dialogue avec la société civile et la délégation de l’UE en Bosnie-Herzégovine, le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine doit adopter un nouveau plan d’action pour mettre en œuvre les priorités du rapport de la Commission européenne, en se concentrant sur les questions liées à l’édification de la démocratie, à l’État de droit et aux droits humains. L’Union européenne doit envoyer un message clair, indiquant que l’obtention du statut de candidat est possible et dépend des mesures concrètes que prendra la Bosnie-Herzégovine sur ces quatorze priorités. La Bosnie-Herzégovine ne doit pas être exclue du processus d’intégration à l’Union européenne, tout comme elle doit montrer qu’elle est déterminée à mettre en œuvre les réformes qui sont un élément nécessaire de ce processus.

• Entamer une coopération plus concrète avec les organisations de la société civile des Balkans occidentaux dans la conception et la mise en œuvre des réformes, tout en soutenant ces organisations de la société civile, financièrement et politiquement, dans leur travail visant à édifier et à renforcer la démocratie et l’État de droit. L’Union européenne doit continuer de s’appuyer sur la société civile pour évaluer l’impact des réformes et éviter les actions politiquement partiales qui ne contribuent pas à des solutions constructives, que ce soit au niveau national ou à celui du processus d’élargissement. Les simulations virtuelles et les rapports théoriques sur les réformes, sans changements concrets et substantiels de la part des gouvernements des pays des Balkans occidentaux, n’ont aucune signification réelle.

• Associer les pays des Balkans occidentaux aux programmes d’aide consécutifs à la pandémie de Covid-19, visant la relance économique et sociale, en particulier dans le cadre d’un Green New Deal européen. Le rôle de la société civile pour atténuer les conséquences de la crise ne doit pas être sous-estimé, mais doit être soutenu.

Les organisations de la société civile des Balkans occidentaux devront être représentées à une Conférence sur l’avenir de l’Europe.

Une adhésion ayant un sens doit être fondée sur un engagement en faveur de la démocratisation et du développement économique des Balkans occidentaux, mais il faut souligner qu’il s’agit d’un processus mutuel. Par exemple, l’Union doit être honnête et dire que les défis de l’adhésion sont importants et ne pas se cacher derrière l’évocation des « problèmes de l’élargissement ». En tout état de cause, de nouvelles modalités du processus d’adhésion devraient être mises en œuvre dès que possible.

Sans véritable démocratie (qui n’est pas seulement un système multipartite mais suppose de véritables institutions démocratiques, notamment un système judiciaire indépendant, des médias indépendants et des ONG en mesure de surveiller les violations des droits fondamentaux) et le respect de l’État de droit et des droits humains à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne, celle-ci cesse de représenter une vision de paix et de progrès. Si l’UE ne peut garantir et exprimer les valeurs et les valeurs qu’elle promeut, nous, organisations de la société civile pro-européennes travaillant dans le domaine des droits fondamentaux et de l’État de droit, institutions démocratiques, action civile, protection de l’environnement, lutte contre la corruption et droits des migrants – serons obligées de nous demander comment aller de l’avant : avec ou sans l’Union européenne ?

Nous voulons croire que notre avenir est au sein de l’UE et que les valeurs que nous défendons au quotidien (respect des droits de l’homme, des institutions démocratiques, de l’État de droit et de l’environnement) sont vraiment nos valeurs communes et celles de l’Union européenne.

5 mai 2020, Belgrade-Podgorica-Pristina-Sarajevo-Skopje-Tirana-Zagreb.

Parmi les premiers signataires : Civic Initiatives (Belgrade), Humanitarian Law Center (Belgrade), Centre for Civic Education (Podgorica), ADRA Hrvatska (Zagreb), Youth Educational Forum (Skopje), MULTIKULTURA (Tetovo), European Association for Local Democracy (Skopje), NUNS (Belgrade), alkan Green Foundation (Pristina), Albanian National Youth Network (Tirana), Albanian Coalition for Education (Tirana), United Pro LGBT Albania (Tirana), Sarajevski otvoreni centar (Sarajevo), Resource Environmental Center (Sarajevo), Centar za promociju civilnog društva (Sarajevo), GONG (Zagreb), ODRAZ-Održivi razvoj zajednice (Zagreb), Youth Initiative for Human Rights (Belgrade), Documenta - Centar za suočavanje s prošlošću (Zagreb), CROSOL - Croatian Platform for International Citizen Solidarity (Zagreb)...